1.070 milliard de dollars, telle est la somme des réserves de cash des fonds de private equity (capital-investissement) à travers le monde en juin 2018, soit la somme de liquidités prêtes à être investies, un record souligne dans une analyse, Delphine Cuny, Rédactrice en chef adjointe de La Tribune, qui présente des fonds d'investissement qui «récoltent de l'argent plus vite qu'ils ne le dépensent.»
Première conséquence logique de cette abondance de liquidités attendant d'être placées, les actifs prisés par ces fonds grimpent en flèche, «de nombreux signes de surchauffe qui pourraient faire craindre une bulle,» souligne la journaliste.
«La plupart des grandes inventions, la plupart des innovations ont été, de fait, très souvent soutenues par l'État», soulignait à notre micro l'économiste atterré David Cayla.
Pourtant, cette initiative louable s'est effectuée à grands frais. En effet, ce nouveau fonds lancé début 2018, doté de 10 milliards d'euros, sera exclusivement alimenté grâce aux dividendes de la revente, de tout ou partie, d'actifs détenus par l'État au sein d'entreprises telles qu'Aéroport de Paris (ADP), Engie (ex-GDF Suez), la Française des jeux (FDJ). Une liste à laquelle s'ajoutent des ventes de participations déjà effectuées dans EDF, Renault ou encore Thales et Safran, deux acteurs clefs dans le secteur de la Défense.
Il est important de noter que ce sont justement ces recettes que le gouvernement a annoncé vouloir injecter dans les différents acteurs économiques auxquels le fond viendra en aide, et non ses capitaux propres. Ainsi, un tiers de l'enveloppe sera dédié aux «start-ups de la deep tech», le reste devant servir à soutenir des projets d'innovation de rupture portés par des organismes de recherche ainsi que des PME et grands groupes.
Par ailleurs, alors que la France continue de s'endetter sur les marchés pour combler un budget historiquement en déséquilibre, accumulant une dette record frôlant les 100% du PIB (99,0% du PIB au 30 juin 2018). Pourquoi justement ne pas se tourner vers ces marchés pour ce qui semble être une bonne raison? D'autant plus que les taux à court terme sont actuellement particulièrement bas («négatifs» diront même certains… si l'on tient compte de l'inflation).
Se tourner perpétuellement vers les marchés, une fausse bonne idée estime l'analyste financier Philippe Béchade, rédacteur en chef du site La Bourse au quotidien et président du think tank Les Éconoclastes. Celui-ci salue le «bon sens du timing» de l'exécutif dans le ficelage de cette opération, tous les indices boursiers étant à leur plus haut historique.
«On a maintenant un stock de dettes à high yield — c'est-à-dire des dettes fragiles —qui est deux fois supérieur à celui de 2008. Cela va bien tant que les taux sont effectivement à 0% en Europe, il y a un moment où ils cesseront de l'être. Là, comme on dit, on sonnera la fin de la récré. Comme on sait que de toute façon on va dans le mur, l'idée est d'y arriver le plus tard possible.»
Le nouveau fond pour l'innovation et l'industrie ira rejoindre, au sein de la Banque publique d'investissement (Bpifrance), le Fonds stratégique d'investissement (FSI). Créé sur décision du Président Nicolas Sarkozy, ce fond dispose quant à lui de 20 milliards d'euros de dotation afin de soutenir les entreprises stratégiques françaises.
Il faut dire que le territoire français ne manque pas d'acteurs, tant privés que publics, du capital-investissement. En plus d'un bataillon de mutuelles, d'assureurs et de caisses de retraite, sans oublier les fameux «business angels» (investisseurs fortunés providentiels), l'État français lui-même peut compter sur des institutions de taille, tel son «bras financier», la Caisse des Dépôts et consignations (CDC) et ses 144 milliards d'actifs. Notons d'ailleurs que la CDC s'était positionnée aux côtés de Vinci Airports et de l'assureur Predica lors de la privatisation de l'aéroport de Lyon et pourrait faire de même lors de celle des aéroports parisiens.
Tous ces fonds, publics ou privés, sont des acteurs réputés pour jouer un rôle important dans l'innovation radicale. Des sommes en faveur des acteurs économiques de demain qui restent pour l'heure bien inférieurs à la somme des ressources allouées à la recherche par les acteurs d'aujourd'hui. En 2015, la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD), soit la somme des dépenses des administrations et entreprises en France allouées aux travaux de Recherche et Développement, s'élevait à 49,8 milliards d'euros selon les chiffres du Ministère de lʼEnseignement supérieur, de la Recherche et de lʼInnovation.