La recette LREM ne passe décidément pas. Après an et demi de discussions, débutées aux États généraux de l'alimentation, l'appétit n'y est plus et, pour certains, la nausée n'est pas loin. La loi agriculture et alimentation, approuvée en troisième lecture mardi 2 octobre à l'Assemblée nationale, par 227 voix contre 136 et 11 abstentions, déçoit aussi bien chez les politiques que les professionnels du secteur: tous les groupes d'opposition, de droite et de gauche, ont voté contre ou se sont abstenus, dénonçant «une occasion ratée» ou une «immense déception».
#DirectAN #Egalim en troisième lecture aujourd’hui: cette loi est une occasion ratée pour l’#agriculture pic.twitter.com/mes8gqtrJ1
— Sébastien Jumel (@sebastienjumel) 2 октября 2018 г.
La loi doit permettre d'établir des prix en fonction du coût de production et garantir un revenu décent aux agriculteurs, alors qu'un tiers d'entre eux vit avec moins de 350 euros par mois.
PJL #Egalim: "C'est une immense déception", regrette @PotierDominique. #Agriculture #Alimentation #DirectAN pic.twitter.com/fR58M2SxIM
— LCP (@LCP) 2 октября 2018 г.
Mais les principaux intéressés se sentent oubliés: pour la confédération paysanne, le texte est «très éloigné des promesses des États généraux de l'alimentation». La loi passe à côté de son objectif principal:
«Où est donc passé le "changement profond de paradigme" exprimé dans le discours de Rungis du Président de la République? Ce qui est certain, c'est qu'il n'est pas dans cette loi!», poursuit le syndicat agricole, qui dénonce un «gâchis».
Rappelant que le Sénat lui-même a rejeté le texte, car qu'il «n'aura aucun effet sur le revenu agricole» et «déséquilibrera encore la relation commerciale au détriment des agriculteurs», l'UFC «Que choisir» voit ses craintes pour le consommateur confirmées:
«À la poubelle la transition écologique de l'agriculture ou l'amélioration de la qualité nutritionnelle, place au relèvement du seuil de revente à perte (SRP) occasionnant aux consommateurs entre 1,5 et 5 milliards d'euros d'inflation en deux ans!», s'insurge l'assication de consommateurs dans un communiqué.
L'impact de cette loi sur le porte-monnaie des Français est n'est pas si simple à mesurer. «Le gouvernement a missionné une étude d'impact qui fait état d'une augmentation des prix de 0,7% à 2%», indique Alain Bazot, son président, dans Le Parisien, qui dénonce une «tartufferie», culpabilisante pour le consommateur, contraint d'acheter plus cher pour faire mieux vivre l'agriculteur. «Ce qui, en monnaie sonnante et trébuchante, représente une hausse de 1,7 milliard à 5 milliards d'euros sur deux ans.»
«On ne sait pas de combien cela fera augmenter les prix, car leur mécanisme de fixation est extrêmement complexe», estime pour sa part François Carlier, délégué général de la CLCV (Confédération de la Consommation, du Logement et du Cadre de Vie), interrogé par le même quotidien.
Le bras de fer s'est déplacé entre le ministre de l'Agriculture et Michel-Édouard Leclerc, patron des magasins éponymes. Par médias interposés, ils se renvoient la balle: sur Public Sénat et LCP, Stéphane Travert a accusé Michel-Édouard Leclerc de «prendre les consommateurs en otage» afin de servir ses propres intérêts. Lequel a qualifié de «délire» le scénario selon lequel l'agriculteur serait mieux payé… avant de le traiter de «politicard de première».
S'il semble se soucier du sort des agriculteurs, il ne porte pas nécessairement certains syndicats dans son cœur, en l'occurrence la FNSEA, dont la présidente s'est vue affublée d'un surnom un brin misogyne, sur Franceinfo:
«La p'tite dame [Christiane Lambert] se fait passer pour la mère Theresa des pauvres de l'agriculture et qui est coresponsable de la politique agricole, il faut qu'elle voie comment on rerépartit les subventions».
Certaines modalités doivent encore être fixées par ordonnances, comme les promotions abusives, la revente à perte, la transparence des comptes pour la grande distribution, ou la fixation des prix…
«On saura rappeler au gouvernement la nécessité de revenir vers l'observatoire (des prix et des marges) en cas d'échec des interprofessions», a d'ores et déjà averti prévenu M. Bénézit, et cela dès jeudi, lors de la visite de Stéphane Travert au sommet de l'élevage en Auvergne.