«J'ai voulu partir sur leurs traces comme on ferait un pèlerinage, un long voyage de 5.000 km dans des conditions difficiles pour leur rendre hommage, et porter un message aux Biélorusses et aux Russes, leur dire qu'il y a encore des Français qui se souviennent des liens d'amitié entre nos peuples qu'ont forgé nos pilotes, nos héros communs dont la mémoire est si bien préservée et honorée en Biélorussie et en Russie», a confié Jonas Berteau dans son interview à Sputnik.
Le projet de ce voyage ne date pas de longtemps, d'après le voyageur qui regrette que les livres d'Histoire dans son pays ne parlent plus des héros d'antan: «J'ai découvert l'histoire du Normandie-Niemen il y a un an à peu près. Jusqu'alors je n'en connaissais que le nom», explique Jonas.
Et de poursuivre:
«Les programmes d'Histoire dans l'enseignement français parlent de moins en moins de nos héros d'hier, ceux justement qui nous ont légué en héritage ce code de conduite, toutes ces valeurs qu'ils ont portées et l'esprit qui les animait pendant la guerre. Et beaucoup de mythes négatifs comblent ces vides».
D'après lui, tout le monde parle de moins et moins des défis des pilotes français et soviétiques, mais de plus et plus des mythes qui remplacent des faits historiques.
Pourtant, il a fait une découverte qu'au contraire des Français, les enfants russes connaissent mieux l'Histoire de la Seconde Guerre mondiale et les exploits des membres soviétiques du régiment Normandie-Niemen:
«Le plus marquant est sans doute de constater que les Russes célèbrent bien mieux ces héros que nous ne le faisons en France. Les Russes ont une culture de la mémoire qui est impressionnant. Ce lien avec les héros d'hier est entretenu, honoré et transmis dans l'éducation des plus jeunes. […] J'ai observé qu'en Russie, le patriotisme est resté une valeur d'insoumission et de résistance qui soude le peuple russe».
L'itinéraire de ce voyage d'hommage retrace des endroits importants et liés aux défis du régiment Normandie-Niemen.
«La forteresse de Brest et le musée de la Patrie à Minsk, en Biélorussie, étaient des étapes importantes pour leur valeur symbolique. Le musée honore d'ailleurs nos pilotes. Ensuite, sur le sol russe, il y eut Khationki, Polotnyanyy Zavod, Kozelsk, Kaluga et Tula. Nos pilotes ont été basés sur les aérodromes de ces villes durant la première campagne 1942-43 et c'est à Tula que de nombreux renforts permirent la création de nouvelles escadrilles pour former un régiment. À l'aéroclub de Kathionki, j'ai pu voler sur un Yak-52 et ce fut très impressionnant», raconte Jonas Berteau.
Et d'ajouter: «Je dois encore me rendre à Ivanovo, là où le premier groupe de volontaires a atterri sur le sol russe et où il commença l'entraînement. Puis Yaroslavl, pour rencontrer un vétéran mécanicien du Normandie-Niemen, puis Moscou».
En arrivant en Russie, le Français a reçu un accueil chaleureux et agréable. Quand il explique le but de son voyage, il est soutenu par des associations locales. Jonas Berteau prévoit de participer à des cérémonies d'hommage dans toutes les villes qu'il traverse.
«En France, j'ai rendu hommage dans des cimetières à des pilotes et mécaniciens du Normandie Niemen en compagnie de nombreuses associations de vétérans, mais aussi à des Russes qui se sont battus et se sont illustrés dans nos armées françaises pendant les deux grandes guerres. […] À Kaluga, j'ai participé à l'hommage national rendu aux victimes de l'école nº1 de Beslan qui en 2004 avaient été pris en otages par un commando de terroristes. Et naturellement, il y eu beaucoup d'hommages rendus et de gerbes déposées au pied des monuments Normandie-Niemen, des monuments aux morts et au pied de la statue de l'artisan de la victoire, le général Joukov».
Une partie importante de ce voyage d'hommage est les rendez-vous et la communication avec des familles des descendants des soldats du Normandie-Niemen: Avec «des vétérans mécaniciens du Normandie-Niemen ici en Russie, avec leurs familles. Les pilotes français sont tous morts aujourd'hui, mais leurs descendants au sein du mémorial Normandie-Niemen suivent cette expédition et je reçois fréquemment des messages d'encouragements de leur part».
Quand il lui a été demandé quelle est la morale la plus importante que les sociétés de nos deux pays auraient dû retenir au vu de l'histoire de ce régiment de chasse et de ses héros, Jonas parle surtout d'«une leçon d'insoumission et de patriotisme»:
«Il y a des hommes qui préfèrent se battre et risquer leur vie plutôt que d'abandonner la terre de leurs pères. Ces Français ont vu leur pays effondré, occupé et humilié. Ils ne pouvaient en revenir que vainqueurs. […] Ils choisirent ainsi de se battre sur le front le plus sanglant, en partageant les mêmes conditions de vie que les Soviétiques et le même matériel de guerre. C'est ensuite les valeurs d'honneur et de loyauté, loyauté envers sa patrie, loyauté envers ses amis, et loyauté envers ses alliés».