«Les Français et les Soviétiques ont lié une amitié et sont devenus frères d’armes. Nous préservons la mémoire de cet exploit et cette page de l’Histoire, même si tragique», explique Daria, une adolescente de 14 ans entourée de ses camarades.
Ces jeunes connaissent par cœur le nom de tous les pilotes français venus combattre à partir de 1942 le nazisme, côte à côte avec les Soviétiques, maîtrisent parfaitement les dates clés des combats décisifs auxquels ils ont pris part et savent animer en russe et en français une excursion au Musée Normandie-Niemen qu’accueille depuis près d’un demi-siècle l’école 712 de la ville de Moscou.
Une initiative enrichie de génération en génération
En effet, cet îlot de mémoire de ceux qui ont volé dans le même ciel et combattu la main dans la main contre l’ennemi commun a vu le jour dans cet établissement en octobre 1971 sur l’initiative de Mikhaïl Lipkine, lui-même ancien combattant et chargé de l’éducation politique et militaire à l’école. Le premier trophée fut une carte postale avec l’adresse du colonel Sergueï Agavelian, ingénieur en chef du régiment. C’est grâce à son concours qu’a été établi le contact avec les anciens combattants d’abord soviétiques, puis français et depuis la collection du musée n’a pas cessé de s’enrichir pour comporter à ce jour un riche recueil de photos, de carnets, de tenues militaires et d’effets personnels des aviateurs. Même 73 ans après la fin de la guerre, de nouvelles pièces continuent d’arriver. Elles ont toutes une valeur inestimable pour ses jeunes conservateurs.
«Une proche d’un pilote a visité notre musée et elle a profondément admiré la façon dont on préserve le souvenir de ces gens merveilleux ayant lutté pour notre liberté. Elle a donc décidé de nous offrir la tasse "prise de Königsberg [ancien nom de Kaliningrad, ndlr]"», témoigne Anastasia, 14 ans, guide-interprète du musée. Un autre cadeau, des pattes d'épaules, a été récemment fait par une proche du commandant Louis Delfino.
«Préserver une mémoire vivante»
«Comme nous le disent nos amis français, il n’y a pas d’autre endroit en l’honneur du Normandie-Niemen qui regorge d’autant de pièces liées à l’histoire du régiment», ajoute Maria Korabelnikova, 14 ans, guide en chef.
Les élèves engagés dans la vie du musée préservent non seulement soigneusement sa collection, mais mènent aussi des travaux de recherche, tissant d’une année sur l’autre la trame de cette page de l’Histoire. Et leurs efforts ne sont pas vains. Non seulement le musée attire de nombreux visiteurs et délégations, y compris français, mais des pièces de sa collection sont aussi exposées dans d’autres endroits.
«Souvent, les invités nous disent que notre musée est vivant. La cause principale en est notre attitude envers cette mission. Nous sommes guidés par un élan sincère de préserver la mémoire de tous ceux qui ont combattu pendant les années de la Grande Guerre patriotique et voulons la transmettre aux autres. Nous assumons la responsabilité de préserver l’amitié qui a uni nos deux pays», poursuit Maria son témoignage.
Pavel Iakovlev, professeur d'histoire et conservateur du musée, explique que le but du projet est de préserver «une mémoire vivante, une mémoire qui ne soit pas brouillée par les réalités contemporaines mais qui raconte que nous avons remporté cette guerre, nous y avons pris part et il y a eu des héros du côté français». L’initiation des enfants à l’histoire du régiment commence dès l’école maternelle. Puis, à partir de la classe de 5e, les enfants sont invités à prendre une part active dans la vie du musée, explique-t-il.
Polina, 13 ans, se dit profondément impressionnée par l’exploit de Maurice de Seynes qui a choisi de trouver la mort conjointement avec son mécanicien de bord soviétique Vladimir Belozoub au lieu de s’éjecter seul de l’avion. «Il n’a pas cherché à sauver sa vie. C’est de l’héroïsme de ne pas penser à soi-même, mais aux autres», explique l’élève.
Cette passion pour le régiment Normandie-Niemen n’a fait qu’inciter leur intérêt pour l’histoire de leurs propres ancêtres, leurs arrière-grands-parents qui ont lutté pendant de longues années contre le nazisme, avouent les élèves. Bien qu’ils ne les aient jamais connus, ils savent à quels combats ils ont pris part.
Ainsi, Nikolaï, 12 ans, raconte avec fierté l’histoire de son aïeul, Alexandre Sazonov, qui a parcouru l’Europe jusqu’à l’Autriche et se dit très fier de lui. D’ailleurs, le 9 mai, nombre de ces élèves participeront avec leurs parents au Régiment immortel et porteront dans les rues de Moscou les photos de ceux et de celles à qui ils doivent la vie et qui leur ont offert un ciel en paix.