Yémen: la coalition frappe, les civils meurent, la paix s’éloigne et la France se couche

© AFP 2023 Ahmad Al-BashaМальчик в разрушенных в результате авиаудара зданиях в городе Таиз, Йемен
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Le conflit meurtrier s’enlise au Yémen. Les pourparlers de paix, qui risquaient de ne pas aboutir, n’auront probablement même pas lieu. Et tandis que la coalition continue de bombarder le territoire contrôlé par les Houthis, tuant des dizaines de civils, dont des enfants, la France ferme les yeux. Benoit Muracciole analyse cette sombre actualité.

Si les chancelleries occidentales se tirent vigoureusement la sonnette d'alarme à propos d'une probable catastrophe à Idlib en Syrie, elles sont en revanche bien silencieuses sur la «pire crise humanitaire du monde» selon l'ONU.

En effet, la guerre continue de plus belle au Yémen et la paix semble s'éloigner d'instant en instant.

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Les derniers pourparlers de paix, sous l'égide de l'ONU, qui devaient avoir lieu ce jeudi 6 septembre à Genève, ne devraient même pas se tenir. Les représentants des rebelles Houthis sont toujours dans la capitale Sanaa et leurs conditions pour se rendre à Genève ne seraient respectées; quant aux envoyés du gouvernement légal yéménite, ils menacent de quitter Genève si leurs adversaires ne débarquent pas dans les 24 h. L'ONU semble d'autant plus perde la main que le gouvernement du Yémen tente de décrédibiliser ses enquêteurs, qui auraient fait preuve «de partialité et d'inexactitude».

Mais si le règlement politique semble, pour le moment inatteignable, la guerre pourrait au moins baisser en intensité si les ventes d'armes aux belligérants diminuaient. Alors que les États-Unis, et la France notamment, ne cessent d'exporter leurs matériels militaires en direction des pays du Golfe, l'Espagne a annoncé cette semaine l'annulation d'un contrat d'armements passé avec l'Arabie saoudite. Et pour cause, la coalition anti-Houthis, menée par Riyad, a de nouveau pilonné le territoire rebelle et tué de nombreux civils, dont des enfants. Quant au pays des droits de l'Homme, il a réagi… plus que mollement: «la France prend acte des regrets exprimés par les membres de la Coalition pour les erreurs commises».

Benoit Murraciole, président de l'ONG Action Sécurité Éthique Républicaines, livre son analyse et regrette l'attitude des grandes puissances et notamment du gouvernement français vis-à-vis du Yémen.

Sputnik France: Si une nouvelle conférence se tient à Genève ces prochains heures ou jours, pensez-vous que quelque chose en ressorte ou qu'il est illusoire de le penser?

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Benoit Murraciole: «Il y a des réserves de la part des deux camps, mais c'est habituel parce que chacun essaye d'avancer ses pions. Ce qui est sûr, c'est que si les Nations unies sont véritablement appuyées par les pays occidentaux, mais aussi par la Russie, si cette question yéménite est portée au Conseil de sécurité, alors il y aura une pression plus importante auprès du gouvernement yéménite, qui n'a pas véritablement d'ailleurs de légitimité.

Les grandes puissances ont donc la responsabilité de faire en sorte que les pressions soient suffisantes et claires, en direction de Houtis et du gouvernement. Et aussi pour montrer que le respect des droits de l'Homme n'est pas à plusieurs vitesses dans le monde, que le respect des droits de l'Homme de la population yéménite est aussi important que celle de la France ou de l'Allemagne, de la Russie ou des États-Unis.»

Sputnik France: Est-ce que les États impliqués dans cette guerre souhaitent vraiment la paix?

Benoit Murraciole: «Pour l'instant ce n'est pas évident du tout. Et c'est pour cela qu'on a besoin de la pression internationale pour forcer ces États [de la coalition, ndlr] à réfléchir et à reconsidérer leurs actions.

Il y a plusieurs spécialistes de la région du Golfe qui disent que le Prince héritier, Mohamed Ben Salmane, est en train de jouer sa crédibilité au niveau national et ce n'est pas possible que cela se fasse sur le dos des civils yéménites, comme cela est le cas actuellement. Donc il y a une grande responsabilité, pour ne pas dire énorme, de la part des États occidentaux qui soutiennent cette coalition en vendant des armes, dont les munitions sont utilisées tous les jours contre les civils.»

Sputnik France: Comment réagissez-vous à la décision espagnole de ne pas honorer, cette semaine, un contrat de vente d'armes passé avec l'Arabie saoudite? Cela pourrait-il inspirer la France?

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Benoit Murraciole: «D'une part, nous saluons vraiment très positivement cette décision courageuse de la part du gouvernement espagnol. C'est très important. C'est un signe aussi important que l'avait fait la Suède ou encore l'Allemagne. Cette dernière doit par ailleurs se repositionner, notamment par rapport au contrat de 48 Eurofighter Typhoon avec l'Arabie saoudite. Il faut qu'elle y mette son veto, puisqu'elle a dit qu'elle n'exporterait plus de matériel militaire en direction de ce pays-là. Et c'est de cette manière que l'on donnera, je dirais, de la façon la plus efficace, un signal politique auprès de la coalition pour leur dire:

"Maintenant, cela n'est plus possible. La vie des Yéménites passe au-dessus de tout. Il faut trouver une solution politique. Et si vous continuez la guerre, vous la ferez peut être, mais sans les armes européennes et étasuniennes".»

Sputnik France: Des frappes de la coalition ont encore tué des civils, dont de nombreux enfants ces derniers jours. Le quai d'Orsay «prend note» et «prend acte» dans un communiqué du 4 septembre. Comment réagissez-vous à cette déclaration?

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Benoit Murraciole: «Elle est consternante. Elle est consternante au vu de l'impact humanitaire qu'a cette guerre. Et surtout sur la façon dont elle est menée. Les rapports des Nations unies et d'Human Right Watch montrent que les frappes sont répétées et intentionnelles. Après une première frappe, il y a une nouvelle vague sur le même objectif de façon à visiblement toucher les sauveteurs, etc. La France sait cela.

Donc nous avons saisi le Tribunal Administratif pour que les exportations d'armes de la France cessent, au regard de ses obligations internationales, notamment du Traité du Commerce des Armes et de son article 6, qui stipule que les États doivent arrêter d'exporter des armes qui pourraient servir à de graves violations de la Convention de Genève de 1949, des attaques dirigées contre les civils.

C'est exactement la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Et maintenant, c'est de la responsabilité du gouvernement et du Président de la République —qui fait des leçons de droit de l'Homme- de stopper, de façon urgente, les ventes d'armes en direction des pays de la coalition.»

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