Voici ce que les chercheurs ont appris sur les sous-sols de la planète grâce aux inclusions microscopiques dans les diamants très profonds.
Une porte vers le manteau terrestre
Les échantillons du manteau inférieur de la Terre accessibles pour effectuer des recherches sont encore moins nombreux que le régolithe rapporté depuis la Lune pendant les expéditions spatiales, écrit Felix Kaminsky, célèbre chercheur des profondeurs installé au Canada.
Les diamants sont les minéraux naturels les plus solides. Ils se forment dans les sous-sols et sont projetés à la surface par l'activité volcanique. Les géologues les retrouvent dans les roches kimberlites qui forment d'immenses tubes dans le sol.
La plupart des diamants proviennent de la lithosphère, et parmi eux environ 6% ont pénétré dans la croûte terrestre à partir de la zone de transition entre le manteau supérieur et inférieur, voire à partir de couches plus profondes.
«Certains tentent d'étendre la zone de formation des diamants pratiquement jusqu'au noyau en se basant sur les carbures de fer trouvées à l'intérieur. Mais cela reste encore à prouver, y compris expérimentalement», explique Andreï Bobrov, docteur ès sciences géolo-minéralogiques, professeur à la faculté géologique de l'Université d'État Lomonossov de Moscou, collaborateur du laboratoire de géochimie du manteau à l'Institut de géochimie et de chimie analytique Vernadski affilié à l'Académie des sciences de Russie.
Le collectif d'Andreï Bobrov analyse les grenats majorites — des minéraux qui se trouvent à l'intérieur des diamants des plus grandes profondeurs. De par leur composition, il est possible de déterminer avec exactitude de quels horizons ils proviennent. D'autres minéraux du manteau ne supportent tout simplement pas la longue ascension dans la croûte terrestre.
La pression des sous-sols sur le carbone
On sait exactement de quoi se compose le manteau terrestre: c'est un éventail assez modeste de phases silicatées dont la densité croît avec la profondeur. Les indicateurs de sa couche inférieure sont les silicates de magnésium MgSiO3 et de calcium CaSiO3 avec une structure de pérovskite. On n'en trouve pas à l'état naturel à la surface, où ils se désintègrent rapidement. Leur milieu de résidence se situe à une profondeur de 660-670 km sous une pression d'environ 22 GPa et une température de 1400°C.
On trouve également des carbonates parmi les minéraux du manteau. Ils fondent facilement — le carbone se rétablit jusqu'à l'état libre et sert de source à la matière des diamants naturels. Au fur et à mesure de leur croissance, ils captent des particules de fusion et les phases cristallines des géosphères profondes, ce qui permet aux chercheurs de préciser leurs connaissances sur les profondeurs.
Le carbone nécessaire à la formation des diamants dans les sous-sols de la Terre provient de deux sources principales: du manteau primaire initialement dans les profondeurs, et de la croûte terrestre dont d'immenses fragments plongent dans les zones de subduction (endroit où une plaque tectonique plonge sous une plaque océanique).
Le mélange constant et l'échauffement du noyau font périodiquement fondre le manteau. La fusion monte pendant des millions d'années vers la croûte terrestre, absorbant sur son chemin des débris (xénolites) de roches profondes et de minéraux.
«Les revues scientifiques utilisent le terme de «fusion protokimberlite». Ce n'est pas un milieu qui forme des diatrèmes, bien que sa composition soit proche. A l'intérieur, à une grande profondeur, naissent des diamants, et la fusion évolue en continuant à absorber les roches du manteau et de la croûte. Elle transporte vers la surface les diamants formés en profondeur, souvent avec des inclusions, et à la fois des morceaux de roche — des xénolites du manteau», explique Andreï Bobrov.
Contemporains de la Terre
D'après Andreï Bobrov, les diamants de grande profondeur avec des inclusions de grenat majorite et d'autres phases très denses ont été retrouvés dans toutes les provinces kimberlites du monde, notamment dans la région russe d'Arkhanguelsk et en Sibérie. Par exemple, les grenats étudiés par l'Institut de géochimie et de chimie analytique Vernadski ont été obtenus dans le puits Mir en Iakoutie. Ils datent de 3 milliards d'années.
«C'est évidemment un âge très ancien correspondant aux étapes les plus précoces d'évolution de la Terre. Mais parmi les diamants, il est possible de trouver des records qui ont un âge comparable à l'époque de naissance de la Terre en tant que planète. Il est question de diamants avec ce qu'on appelle des inclusions «centrales». Parmi celles-ci: des phases métalliques, du fer nickelé comme dans les météorites-chondrites, et une assez grande diversité de sulfites. On leur donne l'âge maximal», déclare Andreï Bobrov.
D'ailleurs, quand l'étude des diamants très profonds a commencé, les scientifiques espéraient comprendre la constitution des planètes d'autres systèmes solaires similaires à la Terre. Cette question reste à l'ordre du jour.