«Chaque année, ce sont huit millions de tonnes de déchets plastiques qui arrivent dans le milieu marin. On parle beaucoup du plastique, car finalement c'est ce que l'on voit le plus étant donné sa durée d'utilisation 100 fois moindre que la durée de vie qu'il va avoir dans le milieu marin.»
C'est le triste rappel des faits de Cristina Barreau, experte en déchets aquatiques pour la fondation Surfrider. Une tendance qui ne semble pas s'inverser: en cause, notamment, nos nouveaux modes de vie. En 2016, lors du forum économique mondial de Davos, un rapport de la fondation Ellen MacArthur estimait qu'en 2050 la masse de plastiques dans l'océan devrait même dépasser celle des poissons.
Des images alarmantes de la #pollution #plastique à Saint Domingue, en République Dominicaine.
— Miss Ivєs 🐝 (@_miss_ives_) 19 июля 2018 г.
Il faut absolument lancer un #PlanPlastique international pour sauver nos #ocean et l'avenir de nos enfants.
Source de la vidéo: https://t.co/jwm8OuLaB6#environnement #plastic pic.twitter.com/5Jf7ZnooSp
«De plus, ces morceaux de plastique agissent comme un buvard et les contaminants chimiques qui sont déjà présents dans l'eau vont venir se fixer sur ce plastique, donc cela augmente la contamination» détaille Cristina Barreau.
Si les images de l'amoncellement de plastique sur les rives ou les plages peuvent être choquantes, alors que dire du «8e continent», cette véritable décharge flottante d'une taille trois fois supérieure à celle de la France, à la dérive dans l'océan Pacifique entre Hawaï et la Californie?
Une pollution dévastatrice
Selon une étude publiée dans la revue Nature Scientific Reports, ce vortex de déchets serait composé de près de 80.000 tonnes et de milliards de morceaux de plastique.
«Tous les déchets qui sont présents dans le milieu marin peuvent être rencontrés par les animaux. Ils peuvent être blessés par ceux-ci, mais également les ingérer, car ils les confondent avec leur proie» déplore l'experte.
Même les plus égoïstes d'entre nous devraient se sentir concernés pas le problème, qui finit par avoir des impacts significatifs en termes de santé humaine:
«Quand on réfléchit par le jeu de la chaîne alimentaire, ça peut arriver aussi dans nos assiettes par un phénomène de bioaccumulation. […] Je pense que personne n'a envie de manger des moules ou des huîtres qui contiennent du plastique. Rien que cela devrait nous inciter à changer nos comportements.»
Pas de doute ce sont les plus dangereuses!
— MuséeOcéanographique (@OceanoMonaco) 2 августа 2018 г.
La méditerranée est une des mers les plus polluées, le plastique représente 95% des déchets sur les plages et en surface de la grande bleue. Pensez à elle, ramassez vos déchets après votre passage 😍🐳 pic.twitter.com/g0H5LaB3f3
En outre, «tous les déchets qui arrivent sur la plage doivent être nettoyés, car personne n'a envie d'avoir une plage sale. Cela coûte énormément d'argent aux collectivités, donc aux contribuables, et les déchets ont aussi un gros impact sur l'homme au niveau du tourisme, des coûts pour les collectivités, mais aussi pour les activités maritimes», note Cristina Barreau.
L'État et les grandes entreprises se mobilisent
Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, présentait le 4 juillet dernier le plan Biodiversité comprenant 90 actions, dont l'objectif «zéro plastique rejeté dans l'océan d'ici à 2025», en soutenant notamment «l'interdiction au niveau national des pailles et des mélangeurs à usage unique dès 2020, et […] au niveau européen l'interdiction des 12 produits plastiques à usage unique les plus fréquemment retrouvés sur le littoral et en mer.» Mais l'objectif fixé est-il atteignable? Un «doux rêve» pour Cristina Barreau, car «arrêter l'introduction de nouveaux déchets ne veut pas dire que l'on va en produire moins». Elle ajoute néanmoins que «le gouvernement va dans la bonne direction.»
«Il faut savoir que le gouvernement français depuis quelques années est l'un des premiers gouvernements au niveau européen et même au niveau mondial qui a pris la problématique des déchets marins à bras-le-corps et qui a décidé d'entreprendre de nombreuses actions. Ils adoptent de plus en plus de lois pour limiter l'introduction de nouveaux déchets», rappelle l'experte.
Et d'ajouter,
«On attend de voir quelles mesures vont être prises par le gouvernement pour parvenir à cet objectif, sachant qu'il y a la problématique des microplastiques [inférieurs à 5 mm, ndlr] qui vont être introduits dans les milieux directement via les réseaux d'eaux usées et ceux-là vont être très compliqués à éradiquer si on veut aboutir à un arrêt total de rejets dans les eaux.»
à l'instar de l'État, les grandes entreprises semblent vouloir également agir en faveur d'une réduction de la pollution. On pourrait par exemple citer le géant américain Starbucks qui a récemment décidé de supprimer toutes ses pailles en plastique. Une initiative loin d'apporter une vraie solution durable et raillée dans la foulée sur les réseaux sociaux.
#starbucks la conception de ces nouveaux couvercles est plus gourmande en plastique que l’ancien assemblage paille-couvercle. 🤦🏽♀️ https://t.co/83jdYivQDU
— BasLesPailles (@baslespailles) 24 июля 2018 г.
starbucks: on a arrêté la production de pailles en plastique car ça pollue et on a qu’une planète
— ayy lmao (@alex__xr) 31 июля 2018 г.
also starbucks: pic.twitter.com/vlYjtEXsIM
Changer les mentalités
Pourtant, les mentalités se doivent d'évoluer afin d'endiguer ce phénomène, comme l'explique Cristina Barreau: d'une part, nous devons modifier nos comportements en ville, comme «jeter ses mégots dans des endroits appropriés, non pas dans le caniveau, car ils mènent au réseau d'eaux usés, réseau d'eaux pluviales, qui peuvent finalement revenir directement dans le milieu marin». D'autre part, nous devons changer nos modes de consommation en arrêtant d'utiliser «certain type de produits sur-emballés ou des produits qui contiennent des microplastiques.»
«On nous propose souvent d'arrêter le plastique pour utiliser du plastique soi-disant biodégradable ou du bioplastique. Ce qui est vraiment important, c'est de changer durablement le prisme que l'on a en essayant d'utiliser des produits durables, de ne pas remplacer un produit à usage unique par un autre, même s'il est biodégradable.»
«Refuser les sacs plastiques, refuser les emballages à usage unique, car finalement on ne l'utilise que quelques secondes, un emballage que l'on aura énormément de ma, soit à recycler, soit à gérer» font partie de ces petits gestes néanmoins non négligeables pour une lutte quotidienne contre la pollution maritime, nous explique notre experte.
«Il faut donc vraiment un changement de mentalités et se dire que tous nos comportements quotidiens peuvent avoir un impact sur l'environnement et sur le milieu marin» conclut Cristina Barreau.