Après le beau temps, la pluie
Autre mauvaise nouvelle pour les ménages français: la baisse du pouvoir d'achat. Alexandre Mirlicourtois, directeur de la prévision de Xerfi, le leader des études économique sectorielles, s'est ému de cette chute dans une vidéo publiée sur la chaîne YouTube Xerfi Canal. «La claque était attendue, pas sa violence» lance-t-il à la caméra. D'après ses calculs, au premier trimestre, le pouvoir d'achat du revenu disponible brut ajusté par unité de consommation a baissé de 0,5%. Un terme technique que l'on pourrait traduire par «ce qu'il reste aux ménages pour consommer et investir». Alexandre Mirlicourtois affirme qu'il s'agit du premier recul de cet indicateur depuis le deuxième trimestre 2015. Pire, pour constater une baisse plus prononcée, il faut remonter à la fin 2012. Le prévisionniste explique ces mauvais chiffres par un alourdissement de la fiscalité et une hausse des prix à la consommation, le tout dans un contexte de faible augmentation des revenus. «Les hausses du taux de TVA sur le tabac et les différentes taxes sur les carburants ont sacrément gonflé la note», a-t-il souligné.
Pour Dany Lang, maître de conférences à l'Université Paris XIII et membre des Economistes atterrés, c'est la politique du gouvernement qui en cause. Contacté par Sputnik, il fustige les décisions prises depuis le début du quinquennat d'Emmanuel Macron.
«Tout d'abord, on a un ralentissement au niveau mondial et la France n'y échappe pas. Mais la deuxième raison est à chercher du côté du gouvernement qui fait tout pour que la croissance ralentisse, notamment à cause de sa politique extrêmement favorable aux ménages les plus aisées. Lorsque vous faites des cadeaux fiscaux aux plus riches, ils ne vont pas contribuer à la croissance mais épargner. Et l'épargne est une fuite du circuit économique. Aujourd'hui, en proportion, c'est "plus vous êtes riches moins vous payez d'impôts et plus vous êtes pauvre plus vous en payer".»
Dany Lang accuse le gouvernement de compter sur la «théorie du ruissellement économique» en laquelle «même le FMI ne croit plus». Selon cette dernière, l'enrichissement des plus aisés serait bénéfique pour la croissance. Les décisions prises par le gouvernement depuis le début du quinquennat semble indiquer que dans l'entourage d'Emmanuel Macron, on y croit toujours. En janvier dernier, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) publiait une étude qui porte notamment sur les mesures fiscales décidées par le pouvoir. «Les mesures nouvelles pour les ménages en 2018 seront largement au bénéfice des 2 % de ménages du haut de la distribution des revenus, détenant l'essentiel du capital mobilier. Pour les ménages du bas de la distribution, les revalorisations en fin d'année des minima sociaux ne compensent pas les hausses de la fiscalité indirecte», analyse l'étude en précisant que «les 5 % de ménages les plus aisés capteraient 42 % des gains».
«Ces politiques font plaisir au cœur de l'électorat de Macron, ou en tout cas aux gens qui ont porté sa campagne. Mais ce qui est bon pour une poignée de privilégiés n'est pas forcément bon pour l'économie dans son ensemble», souligne Dany Lang.
Quid de la hausse du chômage? Pour le maître de conférences, ce mauvais chiffre s'explique par la réforme du marché du travail qui l'a rendu beaucoup plus sensible à la conjoncture économique:
«Les ordonnances Macron qui visent à flexibiliser le marché du travail vont rendre le taux de chômage plus volatile que jamais. Plus vous faciliter les licenciements, plus le chômage baisse quand ça va bien et augmente quand la conjoncture se dégrade. Ce qui, je pense, est contre-productif, car nous perdrons en compétence.»
Pas d'effet Coupe du Monde
Dans ce contexte, le maintien de l'objectif de 2% de croissance en 2018 semble difficile à tenir. Selon l'Insee, l'«acquis de croissance» pour l'année en cours, c'est-à-dire le niveau que le PIB atteindrait si l'activité stagnait d'ici à la fin de l'année, est de 1,3%. L'organisme public prévoit 1,7% de croissance pour 2018. Ce qui est un peu moins optimiste que la Banque de France qui table sur + 1,8%.
Reste que les deux chiffres sont en dessous des 2% visés par l'Elysée et Matignon. «Ce n'est plus jouable», a affirmé à l'AFP Philippe Waechter, économiste chez Natixis AM. «Pour y parvenir, il faudrait 1% de croissance au troisième et au quatrième trimestre», a-t-il expliqué, misant sur une croissance annuelle autour de 1,5% seulement.
«Je n'ai pas de boule de cristal mais ça me semble très compromis. Cela aurait été possible avec un gouvernement qui mène une politique économique expansionniste. Or, c'est tout l'inverse qui est fait. Nous avons une politique très restrictive au niveau des dépenses publiques. Aucun effort n'est fait en matière de pouvoir d'achat pour les classes défavorisées et les classes moyennes qui sont majoritaires», explique pour sa part Dany Lang.
De plus, les investissements des entreprises se portent plutôt bien. Ils ont bénéficié ces dernières années de nombreuses mesures favorables et ont accéléré avec une hausse de 1,1% d'un trimestre à l'autre, après seulement 0,1% sur les trois premiers mois de l'année.
Reste que les ménages français ne voient pas l'avenir d'un très bon œil. S'il est resté stable en juillet, leur indice de confiance demeure à son plus bas niveau depuis août 2016. Les foyers de l'Hexagone sont particulièrement pessimistes en ce qui concerne la situation économique en général.
Des craintes partagées par Dany Lang:
«Tant que l'on restera dans ce schéma de baisse de la dépense publique pour baisser le déficit afin de satisfaire à des traités européens, on ne s'en sortira pas. La baisse des dépenses entraîne la baisse du PIB et donc une baisse des rentrées fiscales. C'est l'austérité contre-productive. Il faudrait au contraire appuyer sur l'accélérateur et lâcher la bride pour faire repartir la croissance.»
D'après l'économiste, le gouvernement ne pourra même pas compter sur un effet «Coupe du Monde». «Il a été complétement annihilé par l'affaire Benalla. De plus, nous ne sommes pas en 1998 quand le gouvernement faisait des politiques plus expansionnistes», analyse l'expert.
Cette année-là, celle de la victoire de l'équipe de France dans sa Coupe du Monde, le PIB avait augmenté de 3,6% contre 2,3% en 1997. La consommation (+2,1%) et l'investissement (+0,7%) avaient dopé l'économie du pays. Une euphorie dont aurait bien besoin Emmanuel Macron.