Conscient que l'enjeu du contrôle et de la transparence des exportations d'armes par les parlementaires se fait de plus en plus pressant, notamment à cause de la guerre au Yémen, la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale a décidé de s'emparer du sujet. Sa présidente, la députée de Paris Marielle de Sarnez, a reçu, avec ses collègues, Luc Mampaey, directeur du groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité (GRIP), ce mercredi 18 juillet:
« Nous recevons d’abord ce matin Luc Mampaey, directeur du GRIP, Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité, pour une audition ouverte à la presse sur le thème du contrôle et de la transparence des exportations d’armement. »
— Marielle de Sarnez (@desarnez) 18 июля 2018 г.
«Dans quelles mesures êtes-vous activement impliqués dans le processus décisionnel pour contrôler ce système de contrôle d'exportations? En France, j'ai le sentiment que le débat est assez pauvre et reflète surtout une approche d'exportation qui privilégie les intérêts nationaux, les intérêts industriels et les intérêts liés à l'emploi, sans que l'Assemblée nationale exerce un réel contrôle critique sur la politique d'exportation d'armes.»
Luc Mampaey livre son opinion aux députés de la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale. Auditionné à la demande de ces derniers, le directeur du GRIP a réalisé un exposé du contrôle des parlementaires français sur les ventes d'armes nationales en comparaison avec celui qui existe dans un certain nombre de pays européens:
«En Flandre, aux Pays-Bas, en Suède, en Allemagne et au Royaume-Uni, les Parlements sont activement impliqués au moment de la présentation du rapport annuel. Il s'ensuit de très nombreuses questions parlementaires, un vrai débat public.»
Et en France donc, cela n'est pas le cas. Les occupants du Palais-Bourbon ne sont que de simples spectateurs de la politique d'export des armements, orchestrée par le Quai d'Orsay et l'Hexagone Ballard. En effet, avant même d'évoquer un quelconque contrôle sur ces ventes, les parlementaires manquent d'informations: ils ne reçoivent qu'une fois l'an un rapport qui, selon certains, manque clairement de transparence, comme le dénonce le député LREM Sébastien Nadot, qui œuvre pour l'ouverture d'une commission d'enquête parlementaire concernant les ventes d'armes aux pays impliqués dans la guerre au Yémen.
Face à ce vide parlementaire, Luc Mampaey a donc proposé à ses hôtes de s'inspirer des idées mises en place par d'autres membres de l'UE:
«Le Royaume-Uni, avec le Committee on Arms Export Control, qui est chargé de contrôler la politique du gouvernement et cela depuis 1999. En Suède, il y a une instance au sein du Parlement, Export Control Council, qui est composé de 12 membres du Parlement et qui est chargé elle aussi de remettre un avis aux autorités compétentes avant l'octroi des licences d'exportation, en particulier sur les cas sensibles. Et en Wallonie, il existe au sein du Parlement wallon une sous-commission de contrôle de licence d'exportation d'armes au sein du Parlement wallon.»
Le directeur du GRIP ajoute:
«Aux Pays-Bas, il y a une motion parlementaire qui a été émise en 2011 et qui permet tout de même d'imposer au gouvernement d'informer le Parlement dans les deux semaines pour les licences d'exportation émises de plus de 2 millions d'euros.
En Allemagne, aussi, il y a une motion parlementaire de 2014 qui a introduit le principe d'un rapport semestriel qui n'existe pas, mais qui impose aussi de soumettre au Parlement les décisions qui sont prises par le Conseil de sécurité fédéral pour les dossiers sensibles et cela pour un délai de deux semaines après l'octroi ou le refus d'une licence.»
À l'aune du conflit yéménite, les exemples sont limpides.
Si le Royaume-Uni, principal allié de l'Arabie saoudite dans son intervention au Yémen, livre toujours des armes à Riyad, le débat parlementaire existe bien comme le soulignait The Independant, le 29 novembre dernier. Ce contrôle des élus a donc ses limites, mais il a, dans de nombreux cas, permis de mettre fin à la livraison d'armes à l'Arabie saoudite, voire aux Émirats arabes unis, les deux principaux belligérants qui mènent la coalition contre les rebelles yéménites.
Ainsi, si la Suède ne livre plus de matériels militaires à l'Arabie saoudite depuis de nombreux mois, récemment, les parlementaires hollandais et flamands ont, à de nombreuses reprises, refusé à leur gouvernement de délivrer des licences pour des ventes d'armes à ces pays. Quant à l'Allemagne, les élus ont tout simplement suspendu ses futures licences à tous les pays membres de la coalition arabe.
La conclusion de la présidente de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, Marielle de Sarnez, est sans appel:
«Le Parlement français est en retard, et de façon importante, et on l'a vu dans le tour d'Europe qui vient d'être fait, sur la manière de contrôler, d'évaluer [les exportations d'armes, ndlr]. Nous pouvons avoir une meilleure information, une information plus détaillée, nous pouvons avoir des rapports additionnels, des commissions ad hoc. Il y a énormément de chemin à faire pour un contrôle du Parlement.»