«Ces quatre dernières années, nous avons fait plus ensemble que les vingt précédentes. Ceci témoigne des efforts du peuple ukrainien et du président Porochenko et montre que l'Union européenne continuera à soutenir l'Ukraine et à se tenir à ses côtés.» À en croire Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, tout va bien entre le président ukrainien et Bruxelles. Ce lundi 9 juillet 2018 se tenait dans la capitale belge le 20ème sommet entre l'Union européenne et l'Ukraine, le premier depuis l'accord d'association entré en vigueur le 1er septembre 2017. D'après le président de la Commission européenne, le commerce bilatéral entre Kiev et Bruxelles a grimpé d'environ 25% depuis l'année dernière et la mise en place de la zone de libre-échange entre les deux parties.
Regain de tensions
Reste que cette aide est soumise à conditions. La lutte contre la corruption qui frappe l'Ukraine est notamment revenue à plusieurs reprises dans les débats. Les leaders européens ont rappelé que sa poursuite était une condition sine qua none pour le déblocage de ces nouveaux fonds. Jean-Claude Juncker s'est ainsi exprimé sur le sujet:
«Je ne peux pas qualifier l'Ukraine de pays corrompu mais il y a beaucoup de corruption, comme dans d'autres pays d'ailleurs. C'est pour cela que nous accordons beaucoup d'importance à cet aspect des réformes.»
Bruxelles a insisté sur la nécessité d'intensifier les efforts afin d'achever la phase de transition instituant la Haute Cour anti-corruption. Cette dernière, qui se veut libre et indépendante, doit venir renforcer l'arsenal de lutte contre la corruption. Petro Porochenko s'est voulu rassurant envers ses collègues européens:
«La lutte contre la corruption n'est pas abstraite. Depuis des années nous avons instauré des agences nationales pour lutter contre la corruption, notamment dans les secteurs publics et de l'énergie. Le Parlement a soutenu en majorité mon initiative de créer la Haute Cour anti-corruption.»
Une initiative que Jean-Claude Juncker a qualifiée de «test de sincérité et d'efficacité».
L'histoire d'amour entre l'Union européenne et l'Ukraine connaît quelques frictions. Depuis plusieurs mois, de vives tensions éclatent régulièrement entre l'Ukraine et la Pologne: une loi votée par Kiev renforçant l'enseignement de l'ukrainien à l'école, un texte de loi voté par Varsovie et qui punit d'amendes ou de peines de prison toute personne faisant un lien entre Pologne et Shoah, ou encore des tensions au sujet des massacres commis par les nationalistes ukrainiens pendant la Seconde guerre mondiale… Ces points de discordes entre un pays membre de l'Union européenne et l'Ukraine inquiètent à Bruxelles. Le Polonais Donald Tusk, président du Conseil européen, a appelé à calmer le jeu:
«J'aimerais faire un commentaire personnel concernant la relation entre Kiev et Varsovie. Il faut adopter une approche nouvelle de procéder. […] Seuls des adversaires ou des fous politiques veulent qu'éclate un conflit entre nous. Seule la solidarité pleine et entière nous permet de consolider nos relations.»
Autre point de désaccord au sein de l'Union européenne: le projet Nord Stream 2. Ce dernier consiste en la construction d'un nouveau gazoduc reliant la Russie et l'Allemagne par la mer baltique. Défendu par certains pays européens, Allemagne en tête, il fédère d'autres nations du Vieux Continent contre lui. Ses détracteurs craignent qu'il ne renforce la position de la Russie et ne rende l'Europe davantage dépendante de Moscou pour sa fourniture en énergie.
L'Ukraine est, sans surprise, vent debout contre ce projet, comme l'a rappelé Petro Porochenko:
«Je veux souligner l'impact négatif du projet Nord Stream 2. Sa raison d'être est géopolitique et destinée à nuire à la sécurité énergétique de l'Ukraine et de l'Union européenne. J'appelle les pays européens à ce qu'ils fassent arrêter ce projet.»
Un appel qui a peu de chance d'être suivi d'effet. L'Allemagne a soutenu la construction du Nord Stream 2, tandis que la Suède et la Finlande ont déjà accordé toutes les autorisations nécessaires à sa construction. En outre, des préparatifs ont déjà été réalisés pour la pose des premiers tronçons au fond de la mer Baltique. Les défenseurs du projet semblent déterminés à profiter d'une nouvelle source d'énergie à prix compétitifs au-delà des considérations géopolitiques. «Certains états membres ne sont pas d'accords pour faire arrêter ce projet», a d'ailleurs rappelé Donald Tusk.
La Russie a bien sûr occupé une partie des débats. Le président ukrainien s'est félicité de la récente reconduction des sanctions économiques contre la Russie par Bruxelles. Petro Porochenko a remercié l'Union européenne de son soutien et les dirigeants de cette dernière ont rappelé la nécessité de l'application des accords de Minsk afin de mettre fin au conflit armé qui frappe l'est de l'Ukraine. Dans le communiqué joint diffusé à l'issue du sommet, l'Union européenne et le président ukrainien ont notamment appelé Moscou à libérer immédiatement «les citoyens ukrainiens détenus illégalement en Crimée et en Russie».
J'ai conscience de l'image positive que la Russie dégage en ce moment et je rends hommage à Vladimir Poutine pour son organisation de la Coupe du Monde de football. Cependant, il ne faut pas éluder les vraies questions essentielles dans nos relations avec la Russie. La libération de prisonniers en fait partie», a déclaré Donald Tusk.
En direct du Sommet UE-Ukraine à Bruxelles:
— Vera Kolessina (@Vera_Kolessina) 9 июля 2018 г.
Question: What are you going to do with Kirill Vyshinsky case?
Petro Poroshenko: We are doing our best. pic.twitter.com/XznZxAIp02
Un appel qui ne concerne pas les soldats séparatistes détenus par Kiev. Ni Kirill Vychinski, journaliste russo-ukrainien, rédacteur en chef de l'agence de presse russe RIA Novosti en Ukraine. Détenu depuis le 15 mai par les autorités de Kiev, il est accusé de haute trahison. Dans le communiqué joint de l'Union européenne et de l'Ukraine, les deux parties réaffirmaient pourtant «leur engagement envers le pluralisme des médias».