Ce facteur, ainsi que les mesures de la Banque de Russie pour réduire la part des devises étrangères dans ses dépôts bancaires, influencent la politique des banques concernant les dépôts en devises et dessinent une nouvelle tendance. Pourquoi les banques ont-elles intérêt à attirer les devises étrangères des épargnants russes et n'éprouvent-elles pas de problèmes de liquidité des devises?
«Les directeurs des plus grandes banques russes s'étaient prononcés plus tôt en faveur d'une restriction à la délivrance de crédits en devises par les banques russes. Ainsi, Sberbank suit attentivement les crédits en devises et applique une stratégie de hedging», expliquait le PDG de la banque Guerman Gref, en soulignant que «tout ne devait pas être régulé». Le patron de la banque VTB Andreï Kostine estime au contraire que les mesures de restriction de la créance en devises sont justifiées: «Il faut dédollariser l'économie russe». Cependant, ni Sberbank ni VTB ne sont prêts à renoncer entièrement aux prêts en devises étrangères.
Au milieu du mois, la banque MKB a augmenté ses taux sur les dépôts en dollars de 0,3-0,4 points pour tous les délais de placement. «La banque corrigera les taux en cas de changement de situation sur le marché», précise Alexeï Okhorzine, directeur du département des produits au détail chez MKB.
«Concernant l'éventuel changement de taux à court terme, nous nous orienterons sur la situation sur le marché car plusieurs facteurs influencent le taux: la situation macroéconomique, la stabilité du cours, la nécessité pour la banque d'attirer des devises étrangères et l'aspiration de cette dernière à maintenir ses positions sur le marché», énumère l'expert.
«Le changement du rendement sur les dépôts en dollars est dû à la hausse du taux de la Fed. Cette dernière a décidé d'augmenter les taux de 25 points de base — 1,75-2% par an. Pour les acteurs du marché, le taux de la Fed est autant un indicateur sur les dépôts en dollars que le taux directeur sur les instruments de refinancement en roubles. Sachant que d'ici la fin de l'année, on s'attend à un durcissement de la politique monétaire de la Fed, ce qui pourrait entraîner une nouvelle correction des taux», explique, pour sa part, Anton Pavlov, directeur des produits au détail chez Absolut.
Où est le bénéfice
«La normalisation de la politique monétaire des USA influence directement le secteur bancaire en Russie: les taux intérieurs sur les dépôts en dollars sont liés aux taux extérieurs à travers les marchés mondiaux», note l'analyste en chef de Sberbank Mikhaïl Matovnikov. Les taux sur le marché russe suivent les taux mondiaux parce que le marché russe n'est pas fermé.
«Sur le marché des dépôts, les plus grands clients de toutes les banques sont également présents à l'étranger. Si, dans un autre pays, quelqu'un leur propose des taux plus élevés, ils s'en vont. C'est pourquoi nos banques sont forcées d'augmenter les taux sur les dépôts en devises. Un autre élément est que le coût d'implication des personnes morales augmente, c'est pourquoi il est plus bénéfique pour les banques d'attirer les personnes physiques pour ne pas dépendre des personnes morales», explique Mikhaïl Matovnikov.
Étant donné que le refinancement des banques occidentales devient plus coûteux (suite à la décision de la Fed) et que les taux en dollars augmentent sur les marchés occidentaux des capitaux, les banques russes augmentent les taux sur les dépôts en dollars.
«Cela permet de remplacer le refinancement occidental tout en retenant les clients russes. Les taux plus élevés sur les dépôts sont reportés par les banques sur les emprunteurs finaux et compensent grâce à des rendements plus élevés des obligations européennes et les prêts en devises», déclare Dmitri Monastyrchine.
La liquidité du dollar
Les banques russes n'ont pas encore de problèmes avec la liquidité des devises, déclarent les établissements interrogés. Néanmoins, les conditions sont réunies pour qu'ils apparaissent, estime Alexeï Okhorzine.
Il n'y a pas de problèmes avec la liquidité des devises, pense Mikhaïl Matovnikov. Mais il identifie un autre problème dans cette situation: la lutte active de la Banque centrale contre la monétisation des actifs et des obligations.
«La créance en devises se réduit rapidement, alors que l'attirance pour les devises ne s'empresse pas de se réduire. Au final, l'écart entre les prêts en devises et l'attirance pour les devises se creuse. A l'échelle du système bancaire, la créance en devises est inférieure à l'attirance des clients de 90 milliards de dollars. C'est beaucoup. Mais les banques peuvent placer avec rentabilité l'excès de fonds attirés dans les obligations en devises», dit-il.
«En avril, quand le cours du rouble a baissé à cause des sanctions, les clients n'ont pas beaucoup transféré de roubles en devises étrangères. La plupart des clients ne réagissent plus aux sursauts des cours. Les clients comprennent que si on dépense son argent en roubles, il faut épargner en roubles», conclut l'expert.