«Les chrétiens sont la frange la plus pacifique de la population irakienne»

© AFP 2024 Marwan IbrahimBagdad, la capital de Irak
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L’ambassadeur irakien en Russie évoque la lutte contre les poches de résistance de Daech*, ainsi que les relations avec l’Arabie saoudite et les chiites au Parlement dans une interview au quotidien Nezavissimaïa gazeta.

Moqtada al-Sadr, leader chiite irakien et ancien chef de l'armée du Mahdi, s'est récemment réuni avec les communistes irakiens pour former l'alliance Sairoun (En marche). La victoire de cette coalition aux législatives organisées en mai dernier a étonné, voire choqué les journalistes et les analystes occidentaux, écrit Nezavissimaïa gazeta. Les pays occidentaux considèrent traditionnellement Moqtada al-Sadr comme un ennemi acharné des États-Unis et un opposant du Premier ministre actuel, Haïder al-Abadi, chiite loyal à Washington. A quels changements du paysage politique, ethnique et religieux faut-il s'attendre en Irak après la victoire de la coalition des chiites et des communistes? Les réponses de Haïdar Mansour Hadi, ambassadeur irakien en Russie.

Est-ce que la victoire des partisans de Moqtada al-Sadr aux élections législatives signifie que l'Irak va devenir une république chiite?

«Les résultats définitifs des élections n'ont pas encore été annoncés. Les données préliminaires indiquent en effet que le parti Sairoun de Moqtada al-Sadr est arrivé en première position. Il est suivi par la coalition Nasr menée par Haïder al-Abadi, premier ministre du pays. Le parti Al-Fatah de Hadi al-Amiri (ancien ministre irakien des Transports, ndlr) occupe la troisième position. Mais on peut déjà évoquer la distribution des sièges parlementaires. Sairoun, Nasr et Al-Fatah obtiendront respectivement 54, 52 et 49 sièges. Autrement dit, la différence est minime. Il est difficile de prédire qui prendra la tête du nouveau gouvernement. Tout d'abord, le calcul des votes n'est pas terminé. Quand ce sera le cas, la Commission électorale suprême devra encore confirmer les résultats. C'est seulement alors qu'il sera possible de former la nouvelle coalition qui désignera le Premier ministre».

Comment ont voté les représentants des différents groupes religieux du pays?

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«Je voudrais souligner que les élections actuelles diffèrent du scrutin précédent, en 2014. Les groupes sont les mêmes: il y a les sunnites, les chiites, et les représentants de différentes confessions. Il n'existe pourtant plus de partage des électeurs selon ce principe: les sunnites ne votent plus mécaniquement pour les sunnites, les chiites ne soutiennent pas automatiquement les leurs etc. Le parti d'al-Sadr a attiré les voix des chiites et des sunnites. Le peuple ne vote plus en fonction de l'appartenance religieuse ou ethnique des candidats. Il choisit des personnalités concrètes qui peuvent être utiles au pays. Les trois partis vainqueurs ont obtenu le soutien de représentants de différentes ethnies, religions et régions de l'Irak».

Quels leaders religieux ont contribué à la mobilisation des Irakiens dans la lutte contre Daech*?

«Tout d'abord, il faut mentionner le leader chiite Ali al-Sistani. Il est respecté non seulement par les chiites et les sunnites, mais aussi par les représentants d'autres confessions. Il a notamment publié une fatwa appelant tous les citoyens irakiens capables de tenir une arme à combattre Daech*. Beaucoup de jeunes ont volontairement rejoint la milice populaire. Ils ont participé aux combats contre Daech* du côté de l'armée et de la police. L'appel d'Ali al-Sistani a joué un rôle important dans l'unification de tous les citoyens irakiens, musulmans ou chrétiens. La milice populaire, soudée par la fatwa d'al-Sistani, a considérablement aidé les structures de force officielles dans la lutte contre Daech*».

Quelle est la représentation des groupes religieux irakiens au Parlement?

«Les députés représentent toutes les communautés ethniques et religieuses du pays. Le parlement actuel, qui travaillera jusqu'à la convocation de la nouvelle assemblée, a été élu en 2014. Il est composé de groupes arabes et kurdes, musulmans et chrétiens. Il existe des groupes sunnites et chiites, ainsi que des députés yézidis. Le parlement est un «Irak miniature», il représente toutes les couches ethniques et religieuses de la société».

Quels groupes chrétiens existent actuellement en République d'Irak? Sont-ils nombreux?

« En 1947, quand la population irakienne était de 4,5 millions de personnes, le pays comptait 1 499 000 chrétiens. Il y en avait également 1,5 million dans les années 1980. Actuellement, compte tenu des actions de Daech* et d'autres facteurs négatifs, il ne reste en Irak que 500 000 disciples du Christ. Beaucoup de chrétiens ont quitté le pays. Les chrétiens habitent principalement au Kurdistan irakien, dans la région d'Erbil et à Mossoul dans la province de Ninive, ainsi qu'à Bagdad».

Parmi les chrétiens, qui est resté dans les zones d'habitation et qui vit actuellement dans les camps de réfugiés? Où se trouvent les principaux camps de réfugiés?

«Les assyriens catholiques sont les plus nombreux à être restés sur leurs lieux habituels d'habitation. La plupart des autres chrétiens habitent dans les camps de réfugiés. Le gouvernement s'en occupe et tente de les faire revenir dans les zones où ils habitaient initialement. Le camp le plus important se trouve au Kurdistan, dans la région de Dohuk. Il abrite non seulement les chrétiens, mais aussi les musulmans qui ont été obligés de fuir Daech* et d'autres terroristes. Il faut également mentionner les camps à Erbil et dans la province de Diyala, au nord-est de Bagdad. Le gouvernement fédéral et les autorités locales font tout leur possible pour assurer la commodité de la vie dans ces camps. Le pouvoir entreprend également tous les efforts pour que ces personnes puissent revenir là où elles habitaient».

Y a-t-il des informations sur d'éventuels conflits entre les Kurdes irakiens et la minorité syrienne? Qu'en est-il des conflits entre les chrétiens irakiens? Ils sont tous très différents…

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«Il n'existe aucun conflit entre les Kurdes et les Syriens en Irak. Le seul élément litigieux est la question des territoires disputés qui, comme je l'ai déjà dit, est en train d'être résolue dans le cadre de la loi. C'est la seule chose qu'on pourrait considérer comme un conflit, mais on résout efficacement ce problème. Qui plus est, le gouvernement fédéral contrôle toutes les régions du pays. Après leur libération de Daech*, l'objectif principal est d'y rétablir la stabilité et la prospérité. Toute possibilité de conflit est immédiatement repérée et supprimée pour empêcher que ceux qui ont déjà tant souffert, souffrent davantage. A ce que je sache, les chrétiens sont la frange la plus pacifique de la population irakienne. J'ai beaucoup de connaissances et d'amis chrétiens. Ce sont des gens très paisibles. C'est pourquoi aucun conflit entre les chrétiens irakiens n'est possible. Au contraire, les chrétiens tentent de maintenir la paix. En cas d'apparition d'un conflit dans telle ou telle zone, les chrétiens y apportent des paroles de paix, de consolation et d'apaisement»

Quelles sont les relations entre Bagdad, Erbil et les minorités chrétiennes d'un côté et la coalition antiterroriste internationale menée par les USA de l'autre?

«Cette coalition a offert aux troupes irakiennes son support aérien, mais n'a pas participé aux opérations au sol. Ces dernières étaient menées uniquement par les Irakiens: l'armée, la police, les peshmerga kurdes, c'est-à-dire la milice populaire. Je voudrais également mentionner les pays qui ne faisaient pas partie de cette coalition — par exemple, la Russie et la Chine — mais ont contribué de manière importante au soutien aux forces irakiennes. Ainsi, la Russie et la Chine ont fourni des armes et d'autres équipements».

Vous dites «la victoire sur Daech*» ou «après la victoire sur Daech*». Peut-on dire avec certitude que les terroristes ont été éliminés d'Irak?

«Comme le Premier ministre irakien a annoncé en janvier 2017 que les forces irakiennes avaient vaincu Daech*, on peut dire que oui, il n'existe plus de forces de Daech* en Irak. Il ne reste que de petites poches de résistance. La guerre contre Daech* est passée de l'étape des combats ouverts au stade de la recherche de ces poches et de la neutralisation des groupes terroristes ou de leurs sympathisants. Il s'agit plutôt de contre-espionnage que d'une opération militaire. L'opération militaire contre Daech* a impliqué tous les citoyens irakiens, les chrétiens, les musulmans, les Arabes et les Kurdes, l'armée régulière et la population civile. Cette dernière comprenait notamment l'unité «Les Babyloniens», dont les effectifs étaient de 2 000 personnes — toutes chrétiennes».

*Organisation terroriste interdite en Russie

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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