Journée de l'environnement: comment les universités russes veulent profiter des déchets

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La Journée mondiale de l'environnement est célébrée chaque année le 5 juin. En Russie ce jour-là on célèbre aussi la journée des écologistes.

A l'heure actuelle, les déchets constituent l'un des problèmes écologiques les plus graves à travers le monde: les entreprises industrielles se multiplient d'année en année et le volume de déchets produits augmente en conséquence, ce qui conduit à une contamination de l'environnement. Sur cette toile de fond, les paysages naturels sont de plus en plus souvent victimes d'un processus irréversible de destruction.

Pour éviter une accumulation des déchets, ils sont recyclés et réintégrés aux processus industriels comme des matières premières de récupération. Les chercheurs russes apportent une contribution substantielle à ces activités. Les universités qui participent au Projet 5-100 développent des élaborations scientifiques uniques et sophistiquées qui pourront aider à économiser les ressources tant dans la vie quotidienne que dans le secteur de l'énergie nucléaire.

Des revêtements routiers à partir de déchets

Le Centre d'efficacité énergétique de l'Université nationale de technologie et de recherche MISiS a élaboré une technologie de fabrication d'un large éventail de modificateurs de sol à partir de déchets industriels. Selon les experts, l'utilisation de ces modificateurs permet de réduire considérablement les coûts de construction routière grâce à l'amélioration des propriétés physiques des sols sur le lieu des travaux.

Selon Stanislav Mamoulat, chef du projet de développement de la coopération avec les entreprises de l'Université MISiS, les entreprises du secteur énergétique et des industries métallurgique et chimique produisent chaque année des centaines de millions de tonnes de déchets. "Si l'on utilise ces déchets pour consolider le sol, on peut non seulement réduire le coût de la construction des routes régionales et interurbaines en accroissant parallèlement leur solidité, mais aussi résoudre les problèmes écologiques des régions", a-t-il souligné.

De la fonte à partir de boues d'usinage

Une équipe de chercheurs de l'Université MISiS menée par le directeur du Centre de recherche et d'enseignement "Technologies métallurgiques innovantes" Guennadi Podgorodetski, en commun avec le partenaire industriel de l'université, a construit et mis en marche un prototype de réacteur à barbotage (basé sur le principe de la ventilation par gaz) pour une production efficace et écologique de fonte et de concentrés de métaux non ferreux à partir de boues d'usinage inutilisées. Selon l'expert, la mise au point réussie de technologies et la future fabrication en série d'appareils permettront de créer des technologies propres dans la sidérurgie et l'industrie des métaux non ferreux, et constituent un facteur écologique positif puissant.

Des centaines de millions de tonnes de déchets sous forme de boues, de poussières, de résidus de calcination, etc. ont été accumulés dans la sidérurgie, l'industrie des métaux non ferreux et l'industrie chimique. Ces déchets contiennent une grande quantité de métaux dont l'extraction n'est pas réalisée actuellement faute de technologies industrielles efficaces d'extraction séparée de composants utiles.

"Grâce à la conception unique de l'appareil, la consommation de fluides pourrait être portée à 500 kg de charbon et à 500 Nm3 d'oxygène par tonne de fonte finie. Par conséquent, nous retraitons des déchets industriels inutilisés pour obtenir de la fonte, des scories commerciales et des concentrés de métaux non ferreux. Notre technologie ne prévoit pas de déchets", souligne Guennadi Podgorodetski. Selon lui, une basse consommation de fluides (20 à 30 % de moins que les équivalents mondiaux) constitue un avantage majeur des technologies en voie d'élaboration. Comme le font ressortir les chercheurs, le volume des émissions prévues est considérablement inférieur à celui de leurs équivalents mondiaux. Ces technologies permettent aussi de supprimer la production de polluants particulièrement dangereux.

Des aliments pour animaux à base de manioc tropical

Dans le cadre du Projet 5-100, dont l'une des missions principales consiste à financer les recherches en commun avec des organisations scientifiques internationales, le Centre de sécurité alimentaire de l'Université d'État de Novossibirsk a évalué, en collaboration avec ses collègues du Centre des technologies avancées de récupération des déchets et de gestion de l'Université de technologies roi Mongkut de Thonburi (Thaïlande), les orientations les plus prometteuses de l'utilisation et du retraitement des résidus de manioc brut.

Le manioc est une racine alimentaire tropicale importante. La Thaïlande est le premier exportateur mondial d'amidon de haute qualité extrait du manioc (elle occupe 70 % du marché). La croissance rapide de la production industrielle d'amidon à base de manioc contribue à accroître le bénéfice de ses ventes, parallèlement à une augmentation de la quantité de résidus et à une multiplication des risques environnementaux dans le contexte climatique chaud et humide de ce pays.

Les chercheurs de l'Université d'État de Novossibirsk ont recueilli et analysé, conjointement avec leurs collègues thaïlandais, les données de questionnaires dans plus de 70 usines thaïlandaises produisant de l'amidon de manioc destiné à l'exportation. Les chercheurs ont présenté les résultats de l'évaluation économique et écologique des alternatives au retraitement de résidus solides issus de la production d'amidon de manioc. Ils ont notamment examiné les résultats de la comparaison de deux variantes de valeur ajoutée pour les résidus, à savoir la production d'aliments fermentés pour animaux et la fabrication de substrats végétaux pour la culture de champignons.

Ces deux produits sont actuellement demandés sur le marché thaïlandais, remarque Youlia Otmakhova, directrice du Centre de sécurité alimentaire de l'Université d'État de Novossibirsk. "Dans ce pays, plus de 3 millions d'exploitations familiales participent à la fabrication de produits d'élevage, tandis que les aliments fermentés à teneur élevée en protéines font monter la valeur nutritive des aliments pour animaux et permettent de réduire les frais de production", explique-t-elle.

Et de rappeler que la production de champignons a avoisiné les 19 millions de tonnes en 2015 en Thaïlande, pour une valeur économique de 20,5 millions de dollars.

Des champignons sur du marc de café

Les chercheurs de l'Université ITMO (Saint-Pétersbourg) ont lancé la start-up Coffee Cycle qui prévoit une culture écologique de champignons sur du marc de café. Selon les estimations des experts, ce projet est un exemple de réalisation efficace du principe de recyclage à des fins ménagères.

"Nous nous proposons de travailler avec des restaurants en leur demandant de recueillir pour nous du marc de café. Nous créerons ensuite sur cette base des kits pour la culture de champignons à domicile", explique l'un des auteurs du projet, Aliona Nikolaïeva. Selon elle, ce genre d'entreprises (de petites sociétés produisant des champignons) existent déjà à l'étranger, qui vendent des champignons et des kits pour les cultiver à domicile.

Aliona Nikolaïeva estime que ce projet est prometteur car il s'agit d'un équivalent accessible de la culture de produits alimentaires sur un rebord de fenêtre: les auteurs du Coffee Cycle proposent de cultiver des champignons en dix jours seulement. Les spécialistes entendent aussi desservir le milieu éducatif en introduisant ce produit dans le programme d'enseignement des écoles maternelles et primaires.

Du combustible à partir de déchets nucléaires

Les spécialistes de l'Université nationale de recherche nucléaire MEPhI ont développé, en collaboration avec leurs collègues du Centre national de recherche "Institut Kourtchatov", un logiciel qui aidera à simuler les processus de gestion du combustible nucléaire dans le cadre du projet nucléaire russe "Percée".

Le projet vise à tester les technologies de bouclage du cycle du combustible nucléaire sur la base des réacteurs à neutrons rapides, ce qui permettra d'optimiser les procédures de récupération des déchets radioactifs dangereux.

Les réacteurs à neutrons rapides ont pour principal avantage ce que tout le monde attend des réacteurs thermonucléaires: le combustible utilisé dans ces réacteurs suffira à l'humanité pendant des milliers, voire pendant des dizaines de milliers d'années. Ce combustible a déjà été extrait et il repose dans des entrepôts et dans des crassiers. Ce type de réacteur sera particulièrement précieux dans la mesure où il permettra de réintégrer l'uranium 238 et le thorium 232 dans le cycle du combustible nucléaire.

Selon les experts, cela élargira considérablement les ressources en combustible du secteur nucléaire. De plus, les réacteurs à neutrons rapides permettront de se débarrasser en toute sécurité des isotopes les plus actifs et à longue durée de vie dans le combustible nucléaire usé, tout en réduisant de façon radicale la période de danger biologique.

Les scientifiques notent que les réacteurs à neutrons rapides procurent 20% de plus de neutrons par unité que les réacteurs à neutrons thermiques, ce qui suffit pour une réaction en chaîne et pour la production de combustible neuf.

Des ordures pour fabriquer des produits de consommation

Le problème du retraitement des déchets et les réalisations scientifiques des universités russes participant au Projet 5-100 revêtent une actualité particulière dans le contexte des changements législatifs à l'œuvre en Russie. En effet, une interdiction de stocker les déchets contenant des composants utiles est effective en Russie depuis le 1er janvier 2018. Cette interdiction porte en premier lieu sur les débris ferreux et non ferreux, les produits contenant du mercure ainsi que les vieux papiers, les pneus et, à partir de 2024, sur tous les déchets non triés.

Dans de nombreux pays du monde, le tri des déchets municipaux, qui permet de transformer les ordures en matières premières, est depuis longtemps une pratique courante qui assure un fonctionnement ininterrompu de nombreuses entreprises. Ainsi, des centaines de tonnes d'ordures en provenance des États-Unis arrivent chaque jour dans la ville portuaire chinoise de Shenzhen, après quoi les ordures retraitées sont transformées en articles demandés par la population de la Chine et d'autres pays.

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