L'installation des nouveaux compteurs Linky d'Enedis (ex-ERDF) continue de susciter les craintes et la colère. A travers toute la France, des citoyens se mobilisent et créent des groupes «anti-Linky» (près d'une centaine recensée) afin de se faire entendre des pouvoirs publics. L'objectif? Stopper l'installation de ces nouveaux compteurs communiquant. Pour ce faire, les opposants ont décidé de mener une action collective en justice composé de 5.000 personnes et ont saisi 22 tribunaux de grande instance dans toutes les régions de France. Mais que reproche-t-on à ce compteur dit «intelligent»?
«Nos données, on ne sait pas ce qu'elles deviennent parce que Monsieur Monloubou [président du directoire d'Enedis (ex-ERDF), nldr] dit qu'Enedis devient un opérateur de big data avec 35 millions de capteurs, donc c'est quand même préoccupant. Nous n'avons pas donné notre accord pour que ces données circulent comme ça».
Une inquiétude légitime puisque la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), le 27 mars 2018, a mis en demeure le fournisseur d'électricité Direct Énergie pour avoir collecté des données de consommations clients sans leur consentement dans le cadre de l'installation des nouveaux compteurs communiquants Linky. En effet, la CNIL a expliqué avoir noté, grâce à des contrôles qu'elle a effectués, des «manquements» concernant l'accord de collecte des données de consommations, journalières et à la demi-heure.
L'autre point qui cristallise les débats concerne l'installation obligatoire du compteur Linky, qui crée, de fait, des situations explosives entre les poseurs et les usagers.
«C'est scandaleux, surtout dans les conditions dans lesquelles ça se passe: menaces et violences. Par exemple, il y a eu une personne âgée qui s'est retrouvée avec 5 jours d'ITT parce qu'elle a tenté de s'opposer à l'installation de ce compteur, le ton est monté et le poseur la poussé et fait tomber» déplore l'administratrice.
En effet, le législateur français a transposé la directive européenne par une loi du 10 février 2010 et un décret d'application du 31 août 2010 (articles L. 341-4 et R. 341-4 du code de l'énergie). Michèle Rivasi l'explique également dans son communiqué «ENEDIS annonce que les compteurs sont obligatoires et qu'on ne peut pas s'y opposer. Or la loi ne permet pas à ENEDIS de l'installer sans le consentement des usagers. ENEDIS a déjà été contraint par la justice à Grenoble et à Toulouse de ne pas installer le compteur LINKY et même de remettre l'ancien compteur chez des personnes opposées pour des raisons de santé.»
«Le CPL [la fréquence de Linky est de 75 kHz, ndlr] qui va se superposer au 50 kHz classique pour lequel nos câbles sont conçus donc cela va faire rayonner tous les fils et les appareils d'ondes électromagnétiques. Certains appareils ne le supportent pas et tombent en panne» détaille l'administratrice.
Et d'ajouter,
«Bien entendu, il y a quelques années le CPL existait déjà mais EDF obligeait les gens qui utilisaient le CPL à blinder leurs fils pour éviter qu'il pollue le système électrique. Aujourd'hui, Enedis veut nous imposer des compteurs alors que nos fils ne sont pas blindés, ils refusent de le faire et ça coute cher. Il y a quelque chose qui ne va pas donc on se battra jusqu'au bout.»
Une bataille qui risque de durer encore longtemps, d'autant plus que l'amendement qui avait été déposé au Sénat pour permettre aux consommateurs de refuser l'installation du compteur a été rejeté. L'espoir reste néanmoins vivace pour les «anti-Linky». Corinne le Page, ancienne ministre de l'environnement, avec un groupe d'avocats, a lancé un ultimatum, le 9 avril, à Agnès Buzyn, ministre de la Santé, et à Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, demandant la suspension du déploiement de Linky. Si le gouvernement fait la sourde oreille, ils menacent de mener des actions juridiques pour défendre les particuliers et les communes.