La France «rétrograde» en termes de dépenses militaires: un mauvais procès?

© REUTERS / Gonzalo FuentesTanks roll down the Champs-Elysee avenue with the Arc de Triomphe in the background during the traditional Bastille Day military parade in Paris, France, July 14, 2017.
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La France passe au 6e rang mondial en termes de dépenses militaires, perdant une place, au profit de l’Inde. Doit-on pour autant en conclure que l’armée française est sur le déclin? Pas si sûr à en croire le Général Dominique Trinquand, qui souligne les mesures budgétaires à venir pendant et après le quinquennat Macron.

Un budget «inédit et incomparable», telle était la promesse faite aux Armées par le Président Macron lors de ses derniers vœux. Une promesse à l'horizon 2025, après une disette de dernière minute imposée en 2017 aux armées françaises. Une coupe sèche qui trouve écho dans le dernier classement de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), où la France cède sa 5e place au profit de l'Inde en matière de dépenses militaires.

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Cependant, peut-on comparer les dépenses militaires de deux pays si différents, l'Inde comptant plusieurs millions de combattants (réserves incluses) pour une population près de 20 fois plus nombreuse à celle de la France? Pour le Général (2 s) Dominique Trinquand, la réponse est clairement non, et ce malgré une similitude peu commune:

«Ce sont toutes les deux des puissances nucléaires, toutefois la France est autonome dans ses équipements- ce sont des équipements français qui équipent les armées françaises —alors que l'Inde aujourd'hui cherche à le devenir, mais pour l'instant achète des équipements à l'étranger.»

Difficile dans un tel contexte de parler de «rétrogradation» de la France, mot employé par de nombreux titres de presse depuis la parution de l'étude du Sipri, le 2 mai. Pourtant, au-delà de la comparaison des volumes des dépenses engagés pour des forces armées particulièrement différentes, force est de constater que la France s'inscrit dans une logique de baisse de ses dépenses militaires (1,9% en 2017, par rapport à 2016) alors que l'Inde a vu ces mêmes dépenses bondir de 5,5%, s'inscrivant dans une hausse «marginale», mais mondiale, de 1,1%.

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Une tendance baissière, en passe d'être révolue concernant la France. En effet, pour le Général Trinquand, 2017 est une année charnière, marquant la fin des diminutions budgétaires pour l'armée, avec les premières répercussions des mesures prises en réponse aux attentats islamistes qui ont frappés la France.Une année, un budget, «bilan» du quinquennat de François Hollande à mettre en opposition avec celui voté pour 2018. Avec 34,2 milliards d'euros, c'est 1,5 milliard de plus que l'année précédente.

«C'est la fin de trajectoire des diminutions, ce qu'on appelait les dividendes de la paix, qui pendant 20 ans ont fait baisser les budgets de la défense en Europe», se félicite le Général Trinquand.

Un premier budget, de la nouvelle législature, auquel s'ajoute la Loi de programmation militaire (LPM), qui prévoit une augmentation significative de 1,7 milliard d'euros par an, entre 2019 et 2022, puis avec des «marches» de trois milliards d'euros supplémentaires par an de 2023 à 2025, pour une somme totale de 295 milliards d'euros consacrés par la France à ses armées en six ans.

«Nous allons combler les carences du passé et bâtir des armées modernes, durables, protectrices, pour permettre à la France de tenir son rang», avait assuré Florence Parly, ministre des Armées, après la présentation de la LPM en conseil des ministres.

«La promesse du Président se concrétise à la fois dans le budget 2018 et à la fois dans la Loi de programmation qui, je le rappelle, elle, commence à partir de 2019. Tout ceci amène […] la France à avoir les 2% de son PIB consacré à la défense, comme c'était le souhait de l'OTAN et comme cela a été la décision du Président Macron dans son programme électoral.»

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Moins remarquée, l'entrée dans le top 3 de l'Arabie saoudite: avec un budget de 69,4 milliards de dollars (en augmentation de 9,2% sur un an), le royaume wahhabite se hisse au 3e rang mondial des dépenses militaires. Une «charge militaire» qui représente près de 10% de son PIB, près de 5 fois plus que pour la France (2,3%, selon le classement du SIPRI, qui inclut «toutes les dépenses publiques actuelles pour les forces et les activités militaires», dont certaines dépenses non comptabilisées par la LPM), l'Arabie saoudite se place ainsi au second rang mondial des pays allouant la plus grande part de leur richesse intérieure à l'outil militaire, juste derrière Oman (12%). Une tendance à la militarisation que l'on retrouve, sans grande surprise, dans tout le Moyen-Orient.

La première place du classement Sipri, en valeur absolue, est occupée- sans surprise- par les États-Unis, toujours plus gros dépensier de la planète en matière militaire, à la nuance près que 2017 a marqué un coup d'arrêt de la baisse de leurs dépenses, une baisse amorcée en 2010. Quant à la seconde place, en valeur absolue toujours, celle-ci est tenue par la Chine, qui avec 12 milliards de dollars supplémentaires injectés cette année, a en quelques années plus que doublé son poids dans les dépenses militaires mondiales (13% en 2017, contre 5,8% en 2008).

Pour en revenir à la France, reste à savoir comment cette dépense compensera la reprise, sur le budget de la Grande Muette, du financement des opérations extérieures (OPEX), jusque-là en grande partie ventilé sur les autres ministères. Un financement, parfois jugé «opaque», estimé aux alentours de 1,2 milliard d'euros annuels, qui, comme l'explique le Général Trinquand, devrait progressivement être absorbé par le budget de l'Armée:

«Dans le budget, on va augmenter la part OPEX, qui va passer à 650 millions puis 850 millions […]. Mais ceci ne va être que progressif, c'est-à-dire que dans les années à venir, il va toujours y avoir un collectif budgétaire jusqu'à ce que la budgétisation des OPEX soit effectivement intégrée dans le budget de la Défense.»

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L'augmentation du budget des armées sera donc supérieure à la charge des OPEX que celles-ci devront absorber. Le général Trinquand souligne une autre particularité, qui n'est pas reflétée dans le rapport du Sipri, et qui est plutôt positive pour l'Armée française:

«La façon dont les armées paient leur personnel est très différente et il est vrai que la part investissements en France est plus importante que la part fonctionnement pour d'autres budgets en Europe.»

À l'échelle européenne, la France s'en tirerait donc plutôt bien en termes de maintien de l'effort de défense. D'après les chiffres de l'institut suédois, entre 2008 et 2017, les dépenses militaires françaises ont augmenté de 5,5% alors que sur cette même période celles du Royaume-Uni et de l'Italie ont respectivement diminuées de 15% et 17%.

Une tendance baissière que l'on retrouve également en 2017 en Afrique (-0,5%), tout particulièrement au Maghreb (-5,9% en Algérie), ou encore en Amérique centrale (-8,1% au Mexique) et dans les Caraïbes (-6,6%) sans oublier la Russie, qui marque le plus fort recul de l'année (-20%), de près de 13,9 milliards de dollars. Un recul sur un an à prendre cependant avec des pincettes, les dépenses militaires russes ayant augmenté de 36% entre 2008 et 2017. Un rythme à deux chiffres, que l'on retrouve chez tous les autres pays —hors Europe occidentale, Japon et États-Unis- du top 15 du Spiri.

Cependant, pour Paris, de gros efforts restent à faire, notamment au niveau de l'équipement des soldats, contraints d'acheter sur leur paie leur matériel ou utilisant en opération des véhicules pouvant avoir deux fois leur âge. Le renouvellement de la force de dissuasion nucléaire française est également un chantier coûteux en perspective.

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