1 570 milliards de dollars, c'est l'étendue des dépenses militaires mondiales pour 2016. Une somme en forte hausse par rapport à l'année précédente selon le dernier rapport annuel anglo-américain Jane's/IHS Markit. Le cabinet américano-britannique dresse un tableau pour le moins changé des principaux acteurs de la défense mondiale : si sans surprise, les États-Unis tiennent toujours le haut du panier, avec à eux seuls près de 40 % des dépenses mondiales cumulées, avec 622 milliards de dollars, c'est la position de la Russie qui crée la surprise.
Moscou est par ailleurs doublée par New-Dehli, qui voit ses dépenses militaires bondir de plus de 8 % passant de 46,6 à 50,6 milliards de dollars. L'Inde se place au pied du podium, É.-U. (622), Chine (191,8), Royaume-Uni (53,8). Une tendance baissière du budget militaire russe qui devrait se poursuivre, pour le faire passer, d'ici 2020, sous le budget français qui quant à lui se maintient à la 7e place, avec 44,3 milliards de dollars.
La Russie qui sort des radars de Markit, la Russie qui met un coût de frein à l'augmentation de son budget militaire — une première depuis les années 2000 — pour certains voilà une preuve de plus que la Russie ne serait plus une grande puissance ! Que la Russie ne serait plus dans le jeu ! Pour d'autres, c'est l'inverse, la surprise de voir le pays le plus actif sur le théâtre syrien, après plus d'un an d'une campagne de frappes sans égal, relayé au second rang dans les classements mondiaux.
« Les chiffres ne veulent pas dire exactement la même chose, je ne pense pas que la projection qui annonce le dépassement par la France du budget de la Russie soit aujourd'hui exploitable. »
En particulier dans tout ce qui concerne les soldes « les soldes des soldats français sont bien sûr plus élevées que celles de soldats russes. »
« Le deuxième point c'est l'effort. On le sait, la Russie a un problème budgétaire actuellement, elle fait un gros effort sur sa défense — ce qui n'est pas critiquable — et cet effort est forcément limité par le pouvoir d'achat de l'État russe. »
Un pouvoir d'achat de l'état russe en berne dû au taux de changes rouble — dollar, impacté par les sanctions, ainsi que — rappelons-le — par une attaque spéculative fin 2014. Rappelons à cet effet que le classement est établi en dollars US, ce qui rend complexe les comparaisons d'une année sur l'autre au vu des fluctuations importantes de change.
Au-delà de ces difficultés de parité rouble-dollar, dès le mois de mars, Tatiana Shevtsova, vice-ministre russe de la Défense, annonçait à Sputnik une réduction de 5 % du budget de la défense.
Notons également que malgré les sanctions, la Russie dévoilait en mai 2015 le dernier né de ses blindés : l'Armata et continue à travailler à l'élaboration du système de navigation satellitaire, GLONASS. Enfin, début 2017, les premiers chasseurs de cinquième génération T-50 (PAK-FA) devraient faire leur apparition dans le ciel russe et la Russie déploie ses systèmes antiaériens et antimissiles dernier cri S400.
Si la Russie freine aujourd'hui sur ses dépenses, depuis 2008, celle-ci a entrepris une modernisation à marche forcée de son armée, un autre élément qui illustre la difficulté de la comparaison des politiques budgétaires nationales en matière de défense :
Un redressement qui, certes, ne pourra se maintenir dans la durée que par des moyens financiers importants et continus. La France garde en mémoire l'abandon de plusieurs projets, comme le second porte-avions nucléaire, petit frère avorté du Charles de Gaulle ou encore celui de développer un remplaçant national au FAMAS. La France, avec laquelle on peut difficilement comparer son budget de défense avec celui de la Russie, dans la mesure où l'effort de modernisation reste à venir dans le cas de l'armée française, où régulièrement on évoque « l'usure de l'outil militaire » :
« Par exemple, les VAB ont plus de 40 ans d'âge et le nouveau matériel n'est pas encore sorti, donc il y a un effort très très important à faire. Également, dans les 10 années à venir, l'effort de modernisation de la force nucléaire sera financièrement considérable. »
« Il faut absolument que la France revienne à un taux d'entraînement acceptable et pour cela il y a un effort à faire, en particulier dans le recrutement. »
Enfin, si l'OTAN a au moins l'effet salvateur de maintenir en France un budget de la défense décent, avec un minimum de 2 %, un point sur lequel le général Trinquand retoque le rapport de l'IHS
« J'ai regardé le rapport, il parle de 2 %, en fait c'est 1,78 et les 2 % sont visés actuellement par les candidats à l'horizon 2025, qui sont les chiffres de l'OTAN. »
L'Alliance, ne serait-ce par ses procédures d'interopérabilités, fait peser des dépenses supplémentaires sur le budget de la France (les fonds alloués par la France au budget de l'OTAN restent à différencier de ceux alloués au budget national de la Défense). On notera par ailleurs que le nouveau siège (avec piscine) de l'OTAN à Bruxelles, qui doit ouvrir ses portes en janvier 2017, a déjà coûté à la France plus de 110 millions d'euros, d'après une source au ministère de la Défense citée par l'hebdomadaire Marianne.
Prochainement, le Charles de Gaulle doit subir sa deuxième révision complète, son entretien à « mi-vie », pour un coût estimé à 1,3 milliard d'euros. Une incapacité pour la France d'assurer sa présence en mer qui avait été annoncée, début 2013, pour septembre 2016 et courant jusqu'en février 2018. Depuis, le contexte géopolitique a changé et il est plus que vraisemblable que ce soit la prochaine législature qui hérite de ce fardeau.
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