Pour le Venezuela, la culture est «un pari fondamental pour la multipolarité»

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Dans un entretien accordé à Sputnik à l’occasion de sa visite à Paris, Ernesto Villegas, le ministre de la Culture vénézuélien, est revenu sur les enjeux de la culture pour Caracas, ainsi que sur le travail de l’Unesco, les sanctions économiques qui plombent son pays ou encore sur l’état des relations internationales. Un point de vue inédit.

«L'art et la culture ouvrent parfois des portes qui sont plus difficiles à ouvrir via la politique ou l'économie», assurait Ernesto Villegas, ministre de la Culture du Venezuela.

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Multipolarité, la fin de l’apartheid dans les relations internationales?
Ernesto Villegas faisait-il par là allusion à la France, qui avait accueilli des membres de l'opposition déclarée inconstitutionnelle par le gouvernement de Caracas le 3 avril dernier? Le ministre de la Culture de la République bolivarienne du Venezuela gardera un silence diplomatique à ce sujet, se contentant de rappeler que la culture est non seulement un moyen d'exprimer «l'amour pour son identité», mais surtout un outil d'influence permettant d'avancer sur des sujets sensibles avec des acteurs aux intérêts différents.

Sputnik a interrogé Ernesto Villegas à l'occasion de sa venue à Paris pour la 204e session du Conseil exécutif de l'UNESCO. Une session où la culture rejoint des considérations plus géopolitiques pour le ministre de la Culture vénézuélien, qui a mentionné la séance plénière du Mouvement des pays non-alignés qu'il a présidé et qu'il définit de la manière suivante:

«Le Mouvement des pays non-alignés regroupe 120 pays et a pour objectif la promotion des relations Sud-Sud. C'est un mouvement qui rassemble une diversité culturelle et géographique extrêmement intéressante.»

Ce groupe, actuellement présidé par le Venezuela, est le plus important au sein de l'organisation mondiale pour l'éducation. Il s'est réuni pour adopter des positions communes sur, notamment, la transformation de l'Unesco:

«C'est un mouvement d'une grande vitalité ces derniers temps, avec à sa tête une troïka de pays: l'Azerbaïdjan, l'Iran et le Venezuela. Nous défendons au sein de ce mouvement la coopération internationale, la paix et le respect de chacun.»

Et le Venezuela entend faire bon usage de sa présidence du mouvement, fort d'une «grande amplitude» historique après avoir compté parmi ses membres la Yougoslavie de Tito ou l'Égypte de Nasser. Selon le ministre, l'Unesco est le lieu idéal pour faire valoir des ambitions multipolaires du fait que

«L'Unesco est la maison de la paix, la maison du dialogue et son caractère inclusif nous encourage à lutter pour l'émergence d'un monde multipolaire grâce à la coopération de tous les pays, de tous les gouvernements et de tous les peuples.»

De l'avis du ministre de la culture vénézuélien, la principale raison des conflits dans le monde est à chercher du côté de la culture, ou plutôt du manque d'intérêt et de respect envers les différentes cultures. Il a en effet estimé que

«La méconnaissance de notre diversité fait peser un risque de conflit. La recherche de la disparition des cultures pour laisser place à une homogénéité culturelle est quelque chose de très dangereux.»

Allusion à peine voilée à certaines tentations universalistes occidentales? De fait, les conflits actuels ne sont pas uniquement armés, ils prennent également la forme d'affrontements économiques, que M. Villegas a dénoncés devant le Conseil exécutif de l'Unesco, où il a rappelé l'opposition du Venezuela aux «sanctions illégales contre des nations souveraines». Il livrait plus de détails au micro de Sputnik en expliquant:

«Nous avons vu comment l'application de sanctions unilatérales est à la mode actuellement pour des gouvernements ou des groupes de gouvernements contre des nations sans qu'ils ne puissent les justifier et sans but concret et précis.»

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La multipolarité, c’est aussi en économie!
Tout comme la Russie, officiellement à cause du rattachement de la Crimée et de son implication dans le conflit ukrainien, Caracas pâtit des sanctions décidées par l'Union européenne et les États-Unis du fait de la crise institutionnelle que traverse le Venezuela. Le ministre dénonce des sanctions injustes, puisqu'elles empêchent le Venezuela d'assurer un fonctionnement normal de ses institutions.

«Ces sanctions ont beaucoup fait souffrir les Vénézuéliens en rendant l'accès à des biens et des services basiques plus difficile, mais aussi en empêchant le Venezuela de réaliser des paiements à l'international, malgré le fait que nous ayons les ressources pour les honorer.»

M. Villegas conclut sur une touche philosophique en observant:

«Chaque pays possède ses propres caractéristiques. C'est pour cela qu'existe le droit des peuples à l'autodétermination. […] Si nous nous respectons, nous n'avons pas besoin de nous tolérer. La tolérance implique une acceptation incomplète tandis que le respect est absolu.»

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