Boris Kalnoky, auteur d'un article du journal allemand Die Welt, estime que les relations entre la Grèce et la Turquie sont au plus bas, précisant que dans leur hypothétique confrontation, les chiffres ne sont pas du côté d'Athènes.
Die Welt rappelle que le 12 février, un patrouilleur turc a éperonné un navire grec similaire non loin de l'île contestée d'Imia. Le Premier ministre turc, Binali Yildirim, a aussitôt contacté son homologue grec Alexis Tsipras pour signaler que ce n'était pas une provocation, mais un concours de circonstances.
Les relations entre ces deux partenaires de l'Otan ont atteint leur niveau d'étiage dès lors que le Président turc Recep Tayyip Erdogan s'est lancé dans l'édification d'une autocratie en Turquie et dans une politique étrangère expansionniste. L'animosité s'est exacerbée suite au refus d'Athènes d'extrader les officiers turcs ayant participé au coup d'État et ayant demandé l'asile en Grèce.
L'année dernière, les navires de guerre turcs sont entrés dans les eaux territoriales grecques environ 2.000 fois, soit quatre fois plus qu'un an auparavant. Les chasseurs turcs ont violé l'espace aérien grec à 3.300 reprises. De l'avis de M. Kalnoky, le conflit entre Ankara et Athènes est le plus explosif en Europe et l'animosité entre ces deux «ennemis jurés» a une histoire séculaire.
Le conflit à cause des territoires contestés est l'une des principales raisons de l'importance disproportionnée des armées grecque et turque. La puissance de feu de leurs armées de terre est supérieure à celle des autres pays européens pris ensemble: 830 chars, 2.500 véhicules de combat et 450 avions de chasse. En cas de guerre, un tel arsenal est en mesure de causer de graves dommages en un court laps de temps.
Selon Boris Kalnoky, si un conflit armé éclate, il faudra l'intervention de grandes puissances pour ramener les deux parties à la raison. En 1996, les États-Unis sont intervenus dans la crise autour de l'île d'Imia. Mais rien ne permet aujourd'hui d'affirmer que l'administration Trump fera de même.
Die Welt reconnaît cependant que l'Union européenne commence à prendre conscience de l'envergure du problème. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a récemment souligné que les relations entre Athènes et Ankara étaient un volet majeur des rapports turco-européens. Il a appelé la Turquie à un compromis et a conditionné les perspectives d'adhésion de la Turquie à l'UE à des progrès dans les négociations avec la Grèce.
Selon l'auteur de Die Welt, Ankara profitera de toute opportunité pour changer l'équilibre en sa faveur, mettant à profit les faiblesses d'Athènes. La Grèce est, de fait, en faillite, tandis que la Turquie est en plein essor économique. La Grèce vieillit tandis que la Turquie connaît une explosion démographique. La Grèce ne peut plus investir de sommes considérables dans la Défense, tandis que la Turquie a investi des fonds immenses, surtout dans le développement de la marine, au cours de ces 10 dernières années.
Dans quelques années, il n'y aura plus d'équilibre militaire entre ces deux pays. La Turquie sera beaucoup plus forte militairement et au plan politique elle est beaucoup plus importante pour les Européens que la Grèce, notamment à cause de la crise migratoire, conclut Boris Kalnoky.