Offensive turque sur Afrine, le point de vue d’une opposante syrienne à Assad

© Sputnik . Mikhail Alayeddin / Accéder à la base multimédiaJinderes, une banlieue d’Afrine
Jinderes, une banlieue d’Afrine - Sputnik Afrique
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Les troupes turques et des factions rebelles djihadistes assiègent la ville d’Afrine, en Syrie. La situation humanitaire est plus que tendue dans ce bastion kurde du nord-ouest de la Syrie. Randa Kassis, opposante à Damas, livre à Sputnik son analyse sur ce conflit.

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Alors que la situation dans la Ghouta orientale passionne les médias occidentaux depuis des semaines, en oubliant au passage les bombes qui s'abattaient sur Damas, Afrine pourrait subir à tout moment l'assaut des forces turques et des factions djihadistes. En effet, après avoir lancé l'opération militaire Rameau d'Olivier le 15 janvier dernier en réponse à l'annonce américaine de créer une force frontalière de 30.000 hommes au nord de la Syrie et de l'Irak, Recep Tayyip Erdogan a déclaré ce mercredi 14 mars que «ses hommes» encerclaient la ville d'Afrine, située au nord-ouest de la Syrie, défendue par les soldats kurdes du PYD (Parti de l'Union Démocratique). L'électricité est coupée dans la ville et les troupes turques privent la population d'eau potable, d'après les Nations unies, s'exprimant le mercredi 14 mars, créant une situation humanitaire dramatique.

Si les officiels, comme Jean-Yves le Drian, semblent réagir du bout des lèvres ces derniers jours, les communautés kurdes présentes en Europe et notamment en France à Paris s'offusquent de ce silence et de la non-condamnation de la Turquie.

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«Certainement, les Turcs doivent être mesurés dans tout ce qu'ils font en Syrie, surtout parce qu'il y a un certain nombre de civils présents sur place qui souffrent. Mais […] le problème est que le PYD souhaite élargir ses zones, ce qui est quand même inacceptable et qui empêche une solution politique en Syrie.»

Randa Kassis, femme politique syrienne, fondatrice du Mouvement de la Société pluraliste, ancienne membre du Conseil national syrien, et considérée en Syrie comme une opposante à Damas, livre à Sputnik sa vision du problème actuel d'Afrin. Si elle semble plutôt dédouaner les forces militaires turques, ne souhaitant pas évoquer la présence de combattants djihadistes à leurs côtés, Randa Kassis exprime clairement que la volonté kurde de contrôler Afrine est bien le cœur du problème. Pour autant, elle ne cautionne pas les agissements des soldats d'Erdogan et souhaite expressément de l'aide aux populations d'Afrine:

«L'aide humanitaire est fondamentale dans toutes les guerres. On doit avoir des corridors pour acheminer cette aide humanitaire. Pour moi, il est tout à fait normal de laisser les Nations-Unies entrer dans cette zone afin de soulager la population à l'intérieur d'Afrine.»

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Randa Kassis, qui rappelle que la population d'Afrine et de sa région n'est pas «exclusivement composée de Kurdes», mais aussi d'Arabes et de bien d'autres ethnies, comme dans toute la Syrie qui a une population mixte, reconnaît «que les forces kurdes et les forces syriennes démocratiques ont lutté contre Daesh». Mais elle rejette surtout la faute de ce terrible conflit sur l'un des «camps» qui a pris part à la guerre en Syrie, celui de l'Occident, et particulièrement les États-Unis.

«Les Kurdes ont fait un grand travail contre Daesh, mais ce n'est pas pour cette raison qu'il faut aussi les encourager [à créer leur État, ndlr], comme les États-Unis sont en train de le faire avec les Kurdes.»

Après avoir reconquit les villes et les régions de Deir ez-Zor, de Raqqa ou encore de Kobané et chassé les djihadistes qui les occupaient, les forces kurdes, avec l'aide des Américains qui notamment les arment, ont pris possession de la région d'Afrine, contrôlant ainsi tout le nord de la Syrie. Et après l'annonce américaine, Erdogan, qualifiant ces factions kurdes de terroristes, a choisi de répliquer. Le but à moitié avoué d'Ankara est de créer une «zone sécurisée» le long de la frontière turco-syrienne, mais sur le territoire syrien. Qu'en pense alors pense Damas?

«Il y a un désir, chez le PYD, d'élargissement de la zone, qui est inacceptable pour les Turcs, mais aussi pour nous, Syriens. Les Turcs veulent couper les zones kurdes, pour empêcher le PYD d'avoir un accès à la mer. Avoir un accès à la mer c'est encourager les Kurdes d'avoir un pays indépendant.»

Randa Kassis ajoute:

«Le mieux pour tous les Syriens est qu'il faut négocier et commencer des discussions avec les Kurdes afin de trouver un projet pour le futur de la Syrie. Et pour moi, le mieux serait d'avoir une Syrie décentralisée.»

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Si elle considère que, pour tous les Syriens, ce qui peut ressortir de positif de ce terrible conflit et d'Afrine, soit que la Syrie conserve son territoire et soit davantage décentralisée, Randa Kassis ne pense pas forcément que le gouvernement de Bachar el-Assad s'abstient de s'engager totalement aux côtés des kurdes en ce moment pour les «sauver» dans les prochaines semaines:

«Il ne faut pas les surestimer. Ils ne sont pas si subtils et si intelligents. Ce régime a quand même prouvé, à maintes reprises, leur entêtement. Je ne sais pas s'ils seront capables avec le PYD de profiter de cette situation.»

Dénonçant le possible futur État kurde, Randa Kassis, qui est rappelons-le est une opposante «tolérée par le régime de Bachar el-Assad» désigne surtout les États-Unis et le pays européens comme responsable de cet affrontement entre les Kurdes et les Turcs:

«Le camp occidental, qui est composé du Royaume-Uni, de la France, de l'Allemagne et des États-Unis, a commis pas mal d'erreurs et ne veut même pas reculer c'est-à-dire qu'il n'a pas le courage et l'intelligence de reculer et de corriger leurs erreurs. Au contraire, il continue à tenir le même discours, la même ligne et même position politique.»

Et elle conclut:

«Les pays européens ne peuvent rien faire, ne peuvent rien imposer, ne peuvent pas changer la donne. Finalement [dans ce camp occidental, ndlr], il n'y a que les États-Unis qui peuvent jouer un petit rôle en Syrie. Je ne crois pas qu'ils peuvent le faire pour autant, mais ils peuvent toujours continuer à armer et financer des brigades et surtout les Kurdes.»

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