Harcèlement au travail: «elles se taisent et encaissent ou font la démarche de partir»

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Près d’une femme sur trois a déjà été confrontée à au moins une situation de harcèlement sexuel sur son lieu de travail. Si ce chiffre est surprenant, un autre l’est tout autant: parmi ces victimes, les personnes bi et homosexuelles seraient plus touchées que les hétérosexuelles, à 58% contre 35%. Décryptage.

Le chiffre a de quoi laisser pantois. Près d'une femme sur trois (32%) a déjà été confrontée à au moins une situation de harcèlement sexuel sur son lieu de travail. C'est le résultat de l'enquête menée par l'IFOP et réalisée pour le site internet Viehealthy.com. Auprès d'un échantillon de 2.008 femmes, âgées de 15 ans et plus. Plusieurs situations ont été prises en compte dans ce sondage telles que le harcèlement verbal ou visuel (34% ont déjà subi des commentaires grossiers ou des regards concupiscents), le harcèlement physique (13% ont été victimes de contacts sur une zone génitale ou érogène) ou encore le harcèlement psychologique à visées sexuelles (8% ont fait l'objet de pression afin d'obtenir un acte de nature sexuelle.)

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En outre, on découvre que la proportion de femmes victimes de harcèlement sexuel est en augmentation. En effet, entre 2009 et 2013, le rapport Eurofond avançait le chiffre de 18% de femmes victimes de harcèlement. Pourrait-on y voir le signe de la libéralisation de la parole des femmes après les mouvements #metoo et #balancetonporc? Pourtant, Fatima Benomar, co-porte-parole de l'association Les effronté.es, note que

«Ce n'est pas encore rentré dans les mœurs que dans le monde du travail on ne peut pas, notamment quand on est dans la hiérarchie, faire de manière répétitive des propositions à une salariée encore plus lorsque c'est une subordonnée.»

​Ce constat s'explique, selon la co-porte-parole des Effronté.es, par le fait que l'on est bien «souvent dans le relativisme, les gens se disent qu'après tout ils sont libres, qu'une femme ne sait pas toujours ce qu'elle veut et qu'il faut insister. On ne se rend pas compte de la gravité que cela implique et de l'environnement de travail que cela inflige à la personne qui, de fait, à son autonomie financière qui est liée à ce lieu de travail.»

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L'autonomie financière comme inhibiteur? Pour Fatima Benhomar, la question de la pérennité de l'emploi de la victime de harcèlement explique pourquoi seuls 30% des femmes (dont 20% à un collègue sans pouvoir décisionnaire) osent parler de leur expérience:

«C'est délicat. Si une femme commence à faire des histoires, on va dire que c'est un peu de sa faute, car c'est elle qui amène le problème en réagissant et dénonçant. Si par exemple, elle dispose d'un contrat précaire, il se pourrait bien que ce soit elle qui soit sacrifiée. Dans le cas d'un CDI, ce n'est pas aussi simple que cela de retourner sur son lieu de travail après avoir signalé le harcèlement de quelqu'un.»

Et d'ajouter,

«Souvent, ce sont ces femmes qui démissionnent parce que la première urgence pour elles, c'est de ne plus être en présence de leur agresseur. Soit elles se taisent et encaissent, soit elles font la démarche de partir […] Les femmes ont peur de rester, d'être stigmatisées et qu'elles se retrouvent dans une situation où on les accuse d'exagérer ou de mettre une mauvaise ambiance.»

En outre, l'autre chiffre étonnant mis en exergue par l'enquête est que, parmi les femmes victimes de harcèlement, les personnes homosexuelles et bisexuelles sont comparativement plus touchées que les personnes hétérosexuelles: 58% contre 35%. Comment peut-on expliquer un tel résultat? Fatima Benomar estime qu'il n'a rien d'étonnant:

«Cette minorité est d'autant plus symbolique du système patriarcal. Ce système patriarcal par rapport au harcèlement c'est: "une femme qui n'appartient à aucun homme, appartient à tout le monde". Une femme qui marche seule dans la rue, dans les codes culturels du système, c'est une femme qui est disponible pour n'importe quel homme.»

Et de conclure,

«Dans le cas de femmes lesbiennes, elles sont d'autant plus désobéissantes aux codes […] donc la phase primitive, c'est de ne pas tolérer qu'une femme puisse se soustraire au contrôle masculin. On ne pardonne pas à deux femmes d'être ensemble.»

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