Le paradoxe d’une «nouvelle guerre froide»

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Aujourd’hui, le monde est si compliqué et dangereux qu’il est plus difficile de le protéger des catastrophes qu’il y a 50 ans, considère Alexeï Arbatov, directeur du Centre de sécurité internationale, docteur ès sciences historiques, membre de l’Académie des sciences de Russie.

S'exprimant sur l'évolution future des relations russo-américaines dans un entretien au quotidien Nezavissimaïa gazeta, le directeur du Centre de sécurité internationale Alexeï Arbatov a souligné qu'une «nouvelle guerre froide» était en cours. 

« Quand on analyse nos relations actuelles, force est de constater que nous vivons bien une nouvelle guerre froide. Tout d'abord, on assiste à une reprise de la course aux armements. Qui plus est, dans tous les conflits internationaux d'aujourd'hui, nous (Russie et USA, ndlr) soutenons des parties antagonistes qui combattent l'une contre l'autre. Nous faisons aussi face à des divergences idéologiques profondes liées aux valeurs traditionnelles de la Russie d'un côté et à celles des États-Unis et de l'Occident en général de l'autre ».

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Par ailleurs, l'expert estime que l'histoire ne se répète pas complètement, la «nouvelle guerre froide» est assez différente du conflit qui s'était déroulé dans les années 1950-1980.

«Comme il existe aujourd'hui dans le monde un espace économique commun, les sanctions que Moscou et Washington adoptent l'un contre l'autre nuisent aux deux parties, bien que ces dégâts ne soient pas similaires car l'économie russe est plus faible que celle des États-Unis et encore plus que celle de l'Occident dans sa globalité».

Selon l'analyste, le reste du monde ne participe pas au bras de fer entre la Russie et l'Occident, «alors que la guerre froide précédente impliquait le monde entier dans la lutte des deux superpuissances. Aujourd'hui, le reste du monde s'occupe de ses propres questions, problèmes et conflits, voire tire souvent des avantages de la nouvelle confrontation entre Moscou et Washington».

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Il faut également tenir compte de l'existence de nouvelles menaces sérieuses, que le monde ne connaissait pas à l'époque de la vieille lutte entre le capitalisme et le communisme, estime Alexeï Arbatov. «Il s'agit tout d'abord du terrorisme international, ainsi que de l'extrémisme ethnique et religieux qui provoque actuellement des guerres régionales très sanglantes et de grande envergure. Le monde fait également face à l'élargissement des perspectives de dissémination des armes nucléaires, qui pourraient se retrouver entre les mains des organisations terroristes et mener vers un désastre pour le monde civilisé».

Les deux parties comprennent parfaitement ce danger, mais l'apparition de la nouvelle guerre froide empêche d'unir les efforts dans la lutte contre les menaces communes, explique l'interlocuteur du journal. Sans parler de problèmes internationaux tels que le climat, la probable pénurie alimentaire, les pandémies, les migrations et beaucoup d'autres tendances exigeant des dépenses énormes.
«Aucune des parties n'a de motivation véritable pour attaquer son adversaire. Elles n'ont pas non plus assez de moyens pour mener une guerre de ce genre et encore moins pour la gagner. C'est l'aspect le plus paradoxal de la situation actuelle», fait remarquer l'analyste.

Si la nouvelle étape de la course aux armements accélérait encore, elle ne serait pas bilatérale, comme c'était le cas entre l'Est et l'Ouest à l'époque de la guerre froide précédente.

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«La militarisation — y compris l'accumulation des armes nucléaires — sera un processus multilatéral impliquant beaucoup d'autres pays: la Chine, l'Inde, le Pakistan, Israël. On ne peut pas exclure la participation de la Corée du Sud et du Japon, alors que celle de l'Iran et de la Corée du Nord est tout à fait évidente», explique le directeur du Centre de sécurité internationale.

Dans tous les cas, l'Occident n'est pas un ensemble uni dans ce bras de fer», poursuit-il.

«L'Union européenne, et notamment les pays d'Europe centrale et du Sud, ont leur propre opinion concernant ces processus. Globalement, l'Europe est très préoccupée par cette nouvelle guerre froide et a intérêt à l'arrêter le plus rapidement possible. L'Europe a ses propres intérêts. La situation a notamment créé dans l'espace européen une crise très aiguë en Ukraine, qui inquiète l'Europe beaucoup plus que les États-Unis car le territoire ukrainien est plus proche du Vieux Continent et représente donc une menace plus importante pour ce dernier», conclut Alexeï Arbatov.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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