En deux jours, les pilotes ont effectué plus de 40 vols, écrit le site de la chaîne Zvezda. Les équipages des avions An-11 Anteï, Il-76MD et An-26 se sont entraînés à décoller et à atterrir sur des pistes d'atterrissage non aménagées et enneigées. Le général Vladimir Benediktov, commandant de l'aviation de transport militaire, souligne que de tels vols sont organisés régulièrement pour la formation des pilotes de l'aviation de transport militaire.
«Nous équipages atterrissent sur des pistes enneigées, en terre battue ou en herbe. C'est nécessaire pour garantir l'accomplissement des missions en l'absence d'un réseau d'aérodromes, ainsi que dans des conditions météorologiques difficiles», précise le général.
«Exotique» pour les USA, normal pour la Russie
Les USA considèrent de tels vols comme un cas particulier sortant de l'ordinaire, comme quelque chose d'exotique, alors qu'il s'agit d'une pratique ordinaire pour la Russie. Sur le vaste territoire russe, de nombreux endroits ne sont accessibles que par avion. Sachant qu'il ne faut pas seulement s'y rendre: il faut aussi y atterrir et redécoller à nouveau. Avec l'arrivée de l'hiver, l'aviation de transport militaire travaille le décollage et l'atterrissage sur les pistes enneigées en régime habituel. A cette période, des «aérodromes» temporaires sont créés au sein des unités et des garnisons de l'aviation de transport militaire basées à Tver, Ivanov, Orenbourg, Pskov, Olenegorsk, et de la garnison de Sechtcha dans la région de Briansk.
Le décollage d'un avion est un spectacle impressionnant. Surtout en hiver. Les réacteurs de l'Il-76 créent en effet de magnifiques tourbillons aériens… D'ailleurs, l'avion avait été conçu dès le départ en intégrant la possibilité d'être exploité dans ces conditions: les moteurs de cet appareil sont installés suffisamment haut pour empêcher des particules étrangères de se retrouver dans le moteur.
L'Il-76MD est la version avancée de ce modèle. Dans cette version, l'appareil peut couvrir une distance de 6.500 km. C'est sur ces appareils que se déroulent les entraînements, et le commandant du régiment aérien, le lieutenant-colonel Maxim Okss, pilote militaire de 1er rang, suit personnellement la préparation des pilotes pour le travail sur les pistes enneigées. A savoir: la vitesse de décollage d'un avion de transport est supérieure à 200 km/h, alors que la distance d'élan ne dépasse pas 600-700 mètres. Cette distance limitée pourrait jouer un mauvais tour aux pilotes inexpérimentés: il y a toujours le risque de tirer le manche plus fort qu'il ne faut, ce qui risque de créer un angle de tangage excessif et de faire toucher la piste à l'arrière de l'appareil.
De plus, les équipages effectuent des entraînements de nuit. Selon le lieutenant-colonel Dmitri Soukhoroutchkine, commandant du détachement d'Orenbourg de l'aviation de transport militaire, savoir faire atterrir un avion sur une piste enneigée de nuit est nécessaire pour être prêt, si besoin, à partir à destination des aéroports polaires comme l'aérodrome de Nagourskoe sur l'archipel Terre François-Joseph.
«Les équipages effectuent des vols d'entraînement, obtiennent des brevets, les prolongent et perfectionnement leur maîtrise», souligne le commandant.
Cap sur le cercle polaire
Le lieutenant-colonel Leonid Roussine, commandant adjoint de l'aviation de transport militaire, est l'un des meilleurs pilotes du pays. C'est à lui qu'a été confié le pilotage de l'Il-76 pendant la partie aérienne du Défilé de la Victoire au-dessus de la place Rouge et du Kremlin. Pourtant, même lui qualifie l'atterrissage sur la Terre François-Joseph d'extrêmement difficile et dangereux.
«Un champ enneigé est totalement uni, précise l'officier. Sa surface est absolument blanche. Elle se fond tellement avec l'horizon qu'on ne fait plus la distinction entre les deux.»
Même de jour, l'atterrissage d'un avion de transport est réalisé en se basant sur les données des appareils, et l'altitude est dictée par l'assistant de bord. De plus, la piste de la Terre François-Joseph n'est pas homogène. Elle est «bossue», courbée au milieu, et une partie se trouve sur le glacier: il n'est donc possible d'atterrir et de décoller que du côté de la mer. Pour s'adapter à ces conditions naturelles et surtout météorologiques, un petit avion de reconnaissance se rend à l'endroit du futur atterrissage pour évaluer la situation afin d'effectuer un atterrissage pratique. Ce rôle d'avion de reconnaissance est joué par l'An-72, un avion-cargo parfaitement préparé pour les conditions extrêmes du Nord.
Il n'est pas simple de préparer une piste pour l'atterrissage d'avions lourds sur un tel terrain. La Terre François-Joseph est traversée de long en large par des fissures, et parsemée de roches. Il n'est possible de niveler les inégalités que par la neige, qui est donc damée dès l'arrivée de l'hiver La densité de la surface est testée à l'aide d'un scléromètre dont l'échelle indique l'état du revêtement.
Le premier vol d'un Il-76 de transport militaire lourd sur cet aérodrome a eu lieu il y a seulement quelques années. Le général Vladimir Benediktov fut le premier à faire atterrir son appareil sur l'archipel. Aujourd'hui, d'après le commandant, de tels vols sont accomplis régulièrement pour les missions de l'armée. D'ailleurs, avec l'ouverture de la «saison des Il», les militaires ont une chance de revenir à la maison après une longue mission polaire.
Une aviation de transport «toute saison»
Les appareils doivent également être préparés pour voler dans les conditions hivernales. Peu savent, par exemple, qu'il n'existe pas de pneus cloutés spéciaux sur les châssis d'avion. En effet, il n'y a pas de mécanisme d'entraînement sur les roues et l'avion se déplace grâce à la poussée des réacteurs. Cependant, pour éviter tout déportement sur la neige, les avions sont dotés d'un dispositif anti-dérapage similaire à l'ABS utilisé dans les voitures. Les avions soviétiques furent les premiers à utiliser de tels dispositifs, et c'est bien plus tard que les constructeurs automobiles (notamment allemands) ont adopté cette solution.
En dépit des difficultés d'exploitation qu'elles représentent, les pistes non aménagées ont tout de même plusieurs avantages indéniables. Elles peuvent notamment être utilisées comme des pistes secondaires en cas d'endommagement des aérodromes principaux. L'expérience de 1941, quand les fascistes bombardaient les principales bases aériennes soviétiques, a montré qu'il fallait toujours posséder un plan de secours. Tout comme disposer de pilotes capables d'exploiter de tels aérodromes — en toute période et en toute circonstance.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.