«La France a effectué en Algérie, entre 1960 et 1966, 57 expérimentations et explosions nucléaires. 4 explosions aériennes dans la région de Reggane, 13 explosions souterraines à In Ecker, 35 essais complémentaires à Hammoudia, dans la région de Reggane, et 5 expérimentations sur le plutonium dans une zone à In Ecker, située à 30 km de la montagne où ont eu lieu les essais souterrains», a rappelé à Sputnik le docteur Ammar Mansouri.
Depuis les bombardements de Hiroshima et Nagasaki en 1945, les effets de la radioactivité sur la santé des êtres humains et l'environnement ont été mis en évidence d'une manière certaine. Ces effets sont aggravés par les longues durées nécessaires à l'atténuation de la radioactivité «comme le plutonium qui a une demi-vie de 24.400 ans», a ajouté l'expert.
Tout en déplorant le manque de données précises sur l'ensemble des essais nucléaires français et leurs impacts sur l'environnement, vu que les documents les contenant sont toujours classés secret défense en France, à l'exception de la carte publiée par le Parisien, Ammar Mansouri, s'est appuyé sur la seule carte déclassifiée pour donner, aux lecteurs, une idée de l'étendue géographique des retombées du premier essai nucléaire français.
«Nous n'avons pas les cartes des explosions, parce que tout ça est considéré comme secret défense. Le 4 avril 2013, il y a eu une carte pour laquelle le secret défense a été levé, sous l'ordre du ministre de la défense, concernant Gerboise bleue, le premier essai atmosphérique. Elle a été publiée dans le Parisien le 14 février 2014. Cette carte indique qu'il y a au moins 26 pays africains qui ont été contaminés par cette explosion, et même le sud de l'Europe: les côtes espagnoles et la Sicile qui ont vu arriver le nuage radioactif […]», a expliqué le chercheur à Sputnik.
Le plus choquant dans l'histoire, selon l'expert, est que la France a procédé à tous ces essais en étant parfaitement consciente des graves répercussions sur la vie et l'environnement, en particulier après le moratoire proposé par les USA, l'URSS et l'Angleterre pour mettre fin aux tests nucléaires atmosphériques.
«En 1958, il y a eu un moratoire décidé par les grandes puissances: l'Amérique, l'URSS et l'Angleterre pour l'interdiction des essais atmosphériques à cause des dangers qu'ils représentent pour toute l'humanité. Mais malgré ça, la France a procédé à ces expériences, en toute connaissance de causes des dangers suite au bombardement atomique au Japon, ce qui fait de son acte un crime contre l'humanité, contre toute forme de vie dans cette région», souligne l'interlocuteur de l'agence.
Se voulant optimiste, le docteur Mansouri a émis le vœu que l'actuel président français fasse en sorte que tous les documents dont les experts algériens ont besoin, pour préparer la décontamination des sols pollués par les déchets radioactifs, soient remis aux autorités d'Alger afin que cette page sombre de l'histoire des deux pays soit tournée, et qu'une autre page de leur coopération s'ouvre pour le bien des générations futures.
«Malheureusement, il n'y a pas eu d'études approfondies, ni de statistiques fiables, faute d'archives que la France refuse encore de nous remettre, car classées secret défense. Nous avons besoin de ces archives pour qu'on puisse connaître la situation réelle. Ce qui nous intéresse actuellement ce n'est pas le passé, mais l'avenir. C'est pour éviter qu'il y ait d'autres victimes», a conclu le chercheur.