Service national: retour en force de «l’antimilitarisme»?

© Sputnik . Sergey Guneev / Accéder à la base multimédiaEmmanuel Macron
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Mercredi, des parlementaires ont présenté leur rapport très attendu concernant le service national universel, promesse de campagne du Président Emmanuel Macron. Un parcours avant tout « civique », avec une « ouverture à la chose militaire », mais qui risque de susciter des mouvements d’opposition.

Après plusieurs reports, l'examen du service national universel se profile. Afin de «renforcer la cohésion nationale», un rapport parlementaire, présenté ce mercredi devant la commission Défense de l'Assemblée nationale, préconise un «parcours de citoyenneté» en trois étapes, étalé de 11 à 25 ans, alors que l'exécutif souhaite instaurer un service national universel comportant «une partie obligatoire entre 3 et 6 mois.»

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Ce rapport, que le quotidien Les Echos a pu se procurer, souligne «d'importantes réserves», notamment quant «au caractère obligatoire de ce service, à l'importance des moyens matériels et humains à mobiliser pour accueillir et encadrer toute une classe d'âge, pendant plusieurs semaines, aux doutes exprimés sur la possibilité d'obtenir un résultat significatif, en un mois, au regard des objectifs affichés».

«Il ne faut pas que ce dispositif opère à contre-courant des objectifs qu'il poursuit», concède également Sébastien Jakubowski, maître de conférences en sociologie militaire au Centre lillois d'études et de recherches sociologiques et économiques (Clerse).

Il comprend «l'idée» derrière ce dispositif, explique ce qu'est «une nation aujourd'hui et comment s'impliquer», mais émet quelques réserves:

«Si demain le service national universel est rétabli pour 800.000 jeunes, dans une société comme la nôtre, qui n'est plus habituée à avoir un dispositif d'enrôlement obligatoire, il est clair que nombre de jeunes vont, d'une part, se soustraire au dispositif, mais qu'en plus l'antimilitarisme, qui aujourd'hui a complètement ou quasiment disparu, risque de revenir en force.»

Au sein même du gouvernement, la notion du caractère obligatoire divise, car elle pourrait contrevenir à la liberté d'aller et venir, garantie par la Convention européenne des droits de l'Homme, ou créerait une rupture dans le parcours scolaire ou professionnel des jeunes.

«Au milieu des années 1990, 50% des jeunes hommes qui étaient appelés sous les drapeaux ne faisaient pas le service national pour des raisons diverses et variées, dont une partie de personnes réfractaires», rappelle Sébastien Jakubowski.

Le sociologue évoque ce mouvement «de jeunes citoyens hommes français très diplômés, en poste, ou en études à l'université sur des études longues, et qui ne voulaient pas "sacrifier" une partie de ce temps d'études ou de travail, pour la collectivité et aller s'ennuyer dans un dispositif en fin de vie», celui de la conscription, forçant le Premier ministre de l'époque, Lionel Jospin, a «anticiper d'une année sa fin officielle», en 2001.

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Si les modalités restent à définir, l'aspect «logistique» suscite également quelques questions, au vu des capacités d'accueil des armées, de l'équipement, des multiples opérations extérieures et «du fait qu'on a considérablement réduit les effectifs militaires depuis plus de 20 ans»:

«La question qui se pose est: objectivement, la France a-t-elle les moyens de remettre en place un service national obligatoire avec une tonalité militaire? […] Sachant que cela risque de détourner l'appareil de défense de sa mission centrale, qui est aujourd'hui, je le dis de manière générique, la lutte contre le terrorisme de par le monde», s'interroge M. Jakubowski.

«Il ne s'agit pas de former des soldats», tranche le Général Jean-Claude Allard, expert militaire et directeur de recherche à l'IRIS, qui a participé à des groupes de travail sur ce sujet. A terme éventuellement, «recruter d'avantage, ou mieux»:

«Je pense qu'il aura un intérêt à leur expliquer, montrer, concrètement, à quoi ils s'engagent dans ces carrières de façon à ce qu'une jeune personne qui vient signer un contrat ait bien compris ces obligations et n'ait pas de rejet au bout de deux ou trois mois», explique le Général Allard, qui estime que «c'est une bonne idée, sous réserve qu'elle vienne en conclusion de ce qui se fait actuellement, et qui devrait être amélioré, dans les écoles, les familles, les associations sportives, sous le titre de "parcours citoyen"».

Son coût potentiel suscite également des interrogations: «Alors candidat [Emmanuel Macron, dans son — ndrl] discours du 18 mars 2017, il a chiffré à 15 milliards l'investissement et entre 2 et 3 le fonctionnement annuel», explique le Général Allard.

Alors que le gouvernement opère d'importantes coupes budgétaires, comment garantir un tel budget?

L'argent «serait trouvé en émargeant, si je puis dire, dans différents ministères. […] Il irait tirer des ressources du côté de l'Éducation nationale, du côté des Armées et d'autres ministères», estime pour sa part Sébastien Jakubowski.

L'Élysée a mis en place un groupe de travail qui doit rendre ses conclusions fin avril. Une phase d'expérimentation est d'ores et déjà prévue en 2019.

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