«L'activité anthropique est reconnue aujourd'hui comme une force modifiant constamment et profondément le système terrestre. Cela montre que nous sommes entrés dans une époque géologique où domine l'homme — l'Anthropocène», écrivent les chercheurs de l'université de Nouvelle-Galles du Sud (Australie) dans un récent article du magazine Scientific Reports.
En étudiant les anneaux de croissance des arbres sur l'île Campbell dans l'océan Pacifique, les chercheurs ont découvert qu'une quantité inhabituellement élevée de l'isotope radioactif du carbone C-14 se trouvait dans l'atmosphère entre les années 1950 et les années 1960. D'après les auteurs de l'article, une telle concentration est due aux essais nucléaires dont le pic a été enregistré en octobre-décembre 1965 et a coïncidé avec une croissance industrielle importante dans l'hémisphère nord. C'est cette période qu'ils suggèrent de considérer comme le début de l'Anthropocène.
En revanche, il existe déjà sur Terre des minéraux qui se sont formés à cause de l'homme, par exemple dans les fonds marins à cause de la décomposition du revêtement métallique de navires naufragés, ou encore les excréments fossilisés d'oiseaux qui se sont transformés en tinnunculit sous l'effet des gaz chauds des mines de charbon. Au total, il existe plus de 200 minéraux découlant d'une activité anthropique, mais cela ne suffit pas pour marquer le début d'une nouvelle ère.
Pour l'instant les géologues refusent de reconnaître l'Anthropocène, mais pas catégoriquement. En général, quand il est question d'anciennes périodes ou époques géologiques, leurs limites sont visibles littéralement à l'œil nu dans les annales des roches. Généralement, ce sont de minces couches dont la composition indique de sérieux cataclysmes globaux comme l'extinction générale de la faune et de la flore, la chute d'une grande météorite ou des éruptions magmatiques planétaires. Les spécialistes qualifient de tels phénomènes de «clou d'or» enfoncé dans la semelle de la nouvelle époque géologique.
Les partisans de la reconnaissance de l'Anthropocène soulignent généralement que depuis son apparition, l'homme transforme très activement la nature. Il suffit de rappeler que l'homme a contribué à l'extinction des mammouths, des tigres à dents de sabre, des ours des cavernes et de la mégafaune peuplant pratiquement tous les continents pendant la période glaciaire. Dans l'Antiquité romaine, l'homme a de facto déboisé l'Italie, à l'époque industrielle il a pollué les fleuves et a asséché la mer d'Aral. C'est également à l'industrie que l'on attribue le renforcement actuel de l'effet de serre qui a conduit à la hausse de la température globale.
Alors que les sceptiques ne voient pas de raisons de placer l'homme au centre de notre petit univers terrestre. D'autant que l'humanité pourrait prochainement disparaître en tant qu'espèce — à l'échelle géologique, bien sûr — précisément à cause de son activité intensive. Et si dans quelques millions d'années quelqu'un tentait de retrouver les traces de notre civilisation au moins sous la forme d'une très mince couche dans les roches, il aurait peu de chances d'y parvenir.