Bataille des communiqués autour de la conférence de paix pour la Syrie: tandis que du coté russe, on affirme avoir presque fait salle comble avec 1500 délégués sur les 1600 invités, les médias mainstream insistent sur la défection des Kurdes et de l'opposition, certains attendant même que 350 délégués.
Alors que la Russie se présente en tant que médiateur dans le règlement du conflit syrien, ce «congrès du dialogue national» risque de ne pas apporter d'avancée majeure. Signe de sa fragilité, ce sommet a été raccourci. Prévu sur deux jours, il ne se tiendra finalement que ce mardi 30 janvier et a débuté avec près de deux heures de retard.
En cause notamment, le nombre important de défections. En effet, l'opposition syrienne- le comité des négociations syriennes (CNS) — et les Kurdes ont annoncé leurs absences au «congrès de la Paix».
De plus, le «Comité des négociations syriennes» (CNS), présidé par Nasser Al-Hariri, et composé par une trentaine de membres représentant six mouvements différents, avait annoncé son absence du sommet de Sotchi à la suite de l'échec des pourparlers de Genève. Ces discussions, sous l'égide de l'ONU, s'étaient tenues ces 25 et 26 janvier à Vienne et non Genève pour des questions logistiques.
Accusant la délégation syrienne représentant le gouvernement de Bachar el-Assad, le CNS avait annoncé son boycott en raison du manque d'avancées significatives, notamment politiques. En effet, les opposants souhaitent que le Président syrien perde une partie de ses pouvoirs au profit du Parlement.
Mais si cette opposition s'est présentée unifiée à Vienne, l'évènement de Sotchi rappelle qu'il n'en est rien. Outre celle qui est venue de Turquie dans la matinée pour y repartir après leur coup d'éclat, d'autres opposants syriens sont présents dans la station balnéaire russe. Et pourtant, eux aussi demandent la réduction du pouvoir politique de Bachar el-Assad.
De plus, un autre acteur majeur du conflit est absent de ce grand rendez-vous: les mouvements kurdes. Pouvant être considérés comme potentiel vainqueur de la première guerre en Syrie, les Kurdes ont annoncé ce dimanche leur boycott de ce «congrès de la Paix» à cause de l'offensive turque dirigée à leur encontre dans le nord de la Syrie. Depuis plusieurs jours, l'enclave d'Afrine est bombardée par l'armée d'Erdogan, ce dernier considérant les Kurdes comme des terroristes. Et c'est l'alliance entre Moscou et Ankara qui est dénoncée par les mouvements kurdes.
De plus, rappelons que la conférence de Sotchi est à l'initiative de Vladimir Poutine et de la Russie, mais de concert avec l'Iran et la Turquie.
Là encore, l'absence des Kurdes syriens est une épine dans le pied pour les organisateurs de Sotchi.
Mais les Nations unies ont tout de même dépêché un émissaire à Sotchi, Staffan de Mistura. Choisi par l'ancien secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, ce diplomate européen est bien présent en Russie, et ce, malgré les divers boycotts et les revers à Vienne de la semaine passée. L'annonce de sa venue par Antonio Guterres ce 27 janvier, a été hautement saluée par Moscou, qui y voit un appui important à l'effort russe pour la paix en Syrie. Les officiels Russes ont d'ailleurs expliqué et rappelé que le processus d'Astana, dans lequel s'inscrit la conférence de Sotchi, n'avait pas pour but de remplacer les pourparlers de Genève, mais de les compléter.
Ce nombre et la présence de Staffan de Mistura confèrent donc à Sotchi une certaine légitimité, malgré l'absence de certains opposants et acteurs du conflit syrien. À moins que les Russes n'en tirent profit pour elle et pour ses alliés.
Si sur le plan diplomatique et politique, on peut observer un certain statu quo depuis des mois, sur le terrain, les forces évoluent.
Soutenus par les Américains et leurs alliés, les Kurdes, pourtant grands adversaires des terroristes et prétendument vainqueurs de la première guerre de Syrie, commencent à subir des pertes humaines et territoriales. Si bien que les dirigeants kurdes ont demandé récemment l'aide de Bachar el-Assad, renforçant de fait son autorité et son pouvoir.
Parce que si le Président syrien reste un ennemi à abattre pour nombre de gouvernements étrangers, au sein de son pays, il apparaît comme le grand et unique candidat à sa propre succession.
Son sort ne pouvant être débattu ni à Genève ni à Sotchi, Bachar el-Assad profite des pourparlers internationaux au sujet de réformes sur la constitution nationale et sur les futures élections pour regagner du terrain face à l'opposition armée au sein de son pays et notamment dans la région d'Iblid.
Tout d'abord, Bachar el-Assad a reconquis une grande partie de son pouvoir et de son territoire. S'il est soutenu par les Russes et les Iraniens, il est honni par les autres acteurs majeurs de ce conflit, les Américains en tête.
Ankara, qui a soutenu et soutient encore l'opposition armée à Damas, attaque depuis une dizaine de jours les populations Kurdes, violant ainsi le territoire syrien.
L'Iran et le Hezbollah, qui ont affermi leur influence en Syrie en étant dans le camp des vainqueurs de cette première guerre, ont comme ennemis déclarés les États-Unis, Israël et certains pays arabes.
Enfin, et cette liste est non exhaustive, Washington a annoncé qu'il maintiendrait une présence militaire et diplomatique dans la durée en Syrie.
On se dirige donc davantage vers des évolutions militaires sur le terrain syrien, que vers des avancées diplomatiques dans les réunions internationales.