«1000 fois plus rapide, 100 fois moins cher»: s'il est de notoriété quasi-publique que les principaux freins aux applications professionnelles des blockchains sont leur lenteur et par conséquent leur coût, Alexander Borodich semble avoir balayé ces deux problèmes majeurs. En effet, le protocole créé par cet entrepreneur de talent (désigné «Business Angel» de l'année 2016), fondateur et PDG de Universa, est capable de réaliser jusqu'à 20.000 transactions par seconde, contre une quinzaine pour l'Etherum et seulement entre une et deux pour le Bitcoin.
«La blockchain, de mon point de vue, est la prochaine vague technologique qui peut certainement changer la façon dont nous développons les processus dans notre vie quotidienne, aussi bien dans les entreprises et pour les gouvernements que pour nous, les gens ordinaires.»
Une «vague», voire pour beaucoup une révolution, présentée comme le «contrat social» de la 4e révolution industrielle, la blockchain s'illustre par le fait d'être un système basé sur la confiance et dont la finalité pourrait rendre caduque tous les intermédiaires jusque-là nécessaires dans l'établissement de transactions. Si à la naissance des cryptomonnaies, comme le Bitcoin, les établissements bancaires étaient tout désignés pour être ces intermédiaires en sursis, ils ont fait preuve de réactivité afin de dompter le dragon. Un pari qui à force d'expérimentations coûteuses, est en passe d'être gagné.
Pourtant, si le Bitcoin, l'une des nombreuses cryptomonnaies, n'est que l'une des émanations de la technologie blockchain, c'est lui qui l'a mise en lumière pour le grand public: la flambée de sa valeur a aiguisé les appétits des épargnants les moins technophiles. Une tendance à la hausse du Bitcoin qui est loin de s'inverser, malgré les variations impressionnantes de valeur ces dernières semaines:
«Ces gens croient que Bitcoin pourrait être l'or numérique. L'offre est limitée, le prix augmente à long terme. Tant qu'il existera une telle confiance et un tel espoir dans le Bitcoin, son prix continuera d'augmenter, parce que la demande- de ceux qui voudraient acheter une portion de bitcoin- augmente de jour en jour.»
Pour autant, quels que soient les déboires médiatico-financiers que ces cryptomonnaies pourraient rencontrer dans le futur, Alexander Borodich ne croit pas que cela pourrait avoir une répercussion négative sur la technologie qui les a enfantés et ainsi endiguer son avènement irrépressible:
«La Blockchain n'est qu'une technologie, lorsque toutes les entreprises Internet se sont effondrées en l'an 2000, l'Internet lui-même a survécu. Les entreprises Internet sont mortes, mais les entreprises d'infrastructure sont actuellement les leaders: Amazon, Google, Apple… elles sont là.»
Les GAFA n'ont d'ailleurs pas l'esprit tranquille face à l'avènement de cette nouvelle technologie. En effet, tous ne perçoivent pas l'avènement de la blockchain d'un bon œil, elle qui est présentée par certains comme la technologie qui pourrait «ubériser Uber» ainsi que les GAFA, de la même manière qu'ils ont ubérisés les autres acteurs de leurs secteurs respectifs. Un risque qu'accrédite Alexander Borodich:
«Bien sûr, c'est l'un des scénarios potentiels et cela pourrait arriver. Il y a des probabilités que cela arrive…»
Quoi qu'il en soit, les cryptomonnaies semblent appelées à continuer à se multiplier, notamment depuis que certains États partagent cet engouement pour la blockchain, tant pour une question de débouchés que d'enjeux. Des États comme la Russie qui, par la voix de son ministre des télécommunications, Nikolaï Nikiforov, a annoncé en octobre dernier son intention de lancer à terme sa propre cryptomonnaie, le CryptoRouble. Si pour Alexander Borodich, le fait que la Russie puisse passer de la monnaie papier à la monnaie digitale est une certitude, rien n'est encore sûr concernant le choix de la valeur sur laquelle celle-ci sera adossée.
«Dans le cas russe, il pourrait s'agir par exemple du pétrole ou d'autres ressources de la nation. Auquel cas vous saurez, en tant que détenteur de CryptoRouble, que votre CryptoRouble vaut bien quelque chose, parce que le pétrole vaudra lui-même quelque chose.»
En effet, comme le souligne Alexander Borodich, «dans près de 70% des cas, les créateurs de blockchain parlent russe». Si cela ne veut pas dire qu'ils vivent en Russie, cela préfigure néanmoins du fort potentiel que représente ce secteur pour le pays, le jeune entrepreneur soulignant la participation active que prennent les universités à l'élaboration de ces projets. Or, la Russie ne manque pas d'universités, dont certaines sont de renommée mondiale, notamment dans les domaines liés à l'ingénierie.