Lancer une petite exploitation à l’âge de 14 ans seulement? Ce qui peut sembler être une blague est pourtant le cas de l’écolier Nariman Koupriakov. Ce jeune habitant de la région russe de Saratov (à quelque 725 km de Moscou) a aujourd’hui des poulets et un troupeau de 25 moutons qu’il fait vivre dans une bergerie improvisée construite de ses propres mains et, comme l’assure l’entrepreneur en herbe, ce n’est que le début.
Faire devenir ses rêves une réalité
C’est vers l’âge de neuf ans que ce garçon qui vit seul avec sa mère dans une petite commune a commencé à se construire des rêves de grandeur financière, inspiré par le monde qu’il voyait à la télévision.
«Maman ne m’a jamais refusé l’argent de proche, mais je voulais gagner ma vie par moi-même, mûrir plus vite. J’ai beaucoup réfléchi aux moyens pour y parvenir: je vis dans un village et ici les opportunités sont limitées», explique-t-il à Sputnik.
Il commence donc à dessiner des tatouages mehndi pour les élèves de son école à l’âge de 12 ans, puis à vendre des hot-dogs. Toutefois, il finit par réaliser que ces occupations ne lui apportaient pas beaucoup et ne l’approchait pas de son rêve qui est d’ouvrir un restaurant ou un café.
«Il me fallait une mise de fonds initiale, mais je n’avais pas un demi-million ou un million [de roubles, ndlr] pour me lancer. J’ai alors commencé à me renseigner et à lire sur les moyens de gagner sa vie à la campagne et il s’est avéré que l’élevage était le moyen le plus avantageux», se souvient Nariman.
Après réflexion, l’adolescent a arrêté son choix sur les moutons, la viande de ces animaux étant très prisée auprès de la communauté tatare et musulmane, dont il fait partie.
Ne voulant pas demander l’aide de sa mère, dont les revenus sont modestes, il s’est d’abord adressé à des fondations caritatives, mais son âge n’a pas joué en sa faveur. Sa demande a été plusieurs fois rejetée, les fonctionnaires ne prenant pas au sérieux son initiative.
«Une fois que j’ai eu 14 ans [l’âge de délivrance de la pièce d’identité en Russie, ndlr], j’ai trouvé un emploi d’ouvrier sans qualification dans la mosquée principale de notre région, puis j’ai travaillé pour le directeur de la colonie de vacances. Je mettais de côté tout l’argent que je gagnais», se souvient-il. Cette somme lui a permis d’acheter du matériel pour construire une bergerie et pour réaliser l’isolation thermique de la grange.
Soutien de la communauté musulmane et de fonctionnaires locaux
Toutefois, Nariman n’avait toujours pas suffisamment d’argent pour acheter ses moutons. C’est là qu’il a décidé de s’adresser à la commission de zakat (aumône que l’islam prescrit de verser aux plus pauvres) pour demander leur soutien et a fini par l’avoir.
«Et voilà qu’en septembre dernier j’ai acheté mes cinq premiers moutons et le premier croît a suivi deux semaines plus tard», se souvient-il.
C’est la mère de Nariman qui l’aide à s’occuper de son petit troupeau qui compte à ce jour 25 brebis. D’abord étonnée par l’initiative de son fils, cette dernière l’a loué pour son endurance et sa volonté remarquables et ne manque pas de partager avec son fils unique ses savoirs dans le domaine.
L’histoire du jeune fermier n’a pas tardé à attirer l’attention de la presse et avec la célébrité de nouvelles opportunités se sont offertes à lui – une chaîne musulmane a lancé une collecte de fonds pour soutenir son initiative, le chef du village lui a accordé du foin, le gouverneur a promis d’offrir un tracteur… En outre, Nariman effectue une collecte de fonds sur les réseaux sociaux.
De la viande halal au projet de tourisme gastronomique
Dès le printemps, le jeune fermier entamera la construction d’une nouvelle bergerie quant aux premiers revenus, il les anticipe fin août prochain – durant l’Aïd el-Kebir (fête de sacrifice chez les musulmans). D’ailleurs, c’est dans la niche de la viande halal qu’il voit son avenir.
«Dans notre région, il n’y a pas suffisamment de cafés ou de boucheries proposant des produits halal. Je voudrais ouvrir des échoppes proposant du halal qui convient non seulement aux musulmans, mais que peuvent également manger des membres d’autres confessions», avoue Nariman.
Il rêve de diversifier la palette de la viande proposée à l’avenir et d’élever également des volailles, des chèvres et des vaches. D’ailleurs, ses premières poules ont déjà été achetées, et prochainement il entamera la construction d’un incubateur.
Un autre rêve est de développer le tourisme gastronomique, jeter les bases d’une petite cité écologique ou des citadins pourront venir passer quelques jours au milieu de la nature, déguster des produits naturels. «Les opportunités sont légion. C’est juste que souvent les gens n’y réfléchissent pas».
Et l’école avec tout ça? Aujourd’hui, Nariman est persuadé plus que jamais que les études sont nécessaires et que les savoirs et les conseils trouvés en ligne ne lui suffiront pas. Pour le moment, il conjugue sa scolarité avec son occupation et veut à l’avenir entrer à l’institut agraire.