Tunisie-Emirats: fin d’une crise à haute-voltige

© AFP 2024 LAURENT FIEVETEmirates Airlines plane
Emirates Airlines plane - Sputnik Afrique
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La reprise des vols de la compagnie Emirates, mise en cause dans un scandale, met fin à une crise qui a éclaté il y a deux semaines. Vu la nature des relations tendues entre la Tunisie et les Émirats, cette crise pourrait, paradoxalement, s’avérer salutaire pour les deux pays. Explications.

Fin d'un épisode sulfureux de deux semaines qui a remué ciel et terre en Tunisie et aux Émirats. Un accord a été annoncé, jeudi soir, pour que la compagnie Emirates reprenne ses vols au départ et en direction de Tunis «dans le respect des conventions internationales», insistent les Tunisiens.

Rappel des faits: Le 23 décembre dernier, les passagères tunisiennes d'un vol de la compagnie Emirates ont été interdites d'embarquer sans explications ni préavis. Aussitôt convoqué par les Affaires étrangères tunisiennes, l'ambassadeur des Émirats arabes unis a invoqué des raisons sécuritaires ponctuelles. Côté tunisien, on fait la moue à propos de ce procédé «exagéré», mais on est prêt à passer l'éponge, d'autant plus que l'interdiction a été levée quelques heures plus tard et que les passagères ont pu finalement embarquer.

Emirates’ inaugural A380 flight to San Francisco International Airport approaching gate on Monday, Dec. 1, 2014, in San Francisco - Sputnik Afrique
Tunis suspend les vols d'Emirates en réponse à une mesure ciblant les Tunisiennes
Mais dimanche 24 décembre, rebelote. C'en était trop. Le gouvernement tunisien réplique en interdisant son ciel à la compagnie émiratie, jusqu'à ce que les choses se mettent au clair.

Les plus pessimistes craignaient que la crise ne s'enlise, les autorités émiraties n'ayant «rien à perdre». Selon des rapports de presse, Emirates ne cesse de mettre la pression sur des constructeurs aéronautiques pour se faire délivrer des avions commandés en avance par rapport à la date de livraison prévue. En cause, selon des experts, des besoins de capacité sur des axes autrement plus juteux que les quelques centaines de milliers de passagers/an que représente la ligne Tunis-Dubaï. Pour une compagnie qui en a transporté 56.1 millions en 2017, la suspension de la ligne tunisienne aurait pu être une aubaine pour que ses avions soient réaffectés sur d'autres axes plus prometteurs, notamment en Asie.

Le dernier rapport annuel d'Emirates: https://cdn.ek.aero/downloads/ek/pdfs/report/annual_report_2017.pdf

Mais le 4 janvier au soir, le ministère des Affaires étrangères émirati annonce «la reprise des procédures suivies avant la survenance de cet incident». Un ton qui frôle la condescendance, et qui n'a pas été au goût de tous les Tunisiens.

«Après l'annonce de la reprise des vols de la compagnie aérienne émiratie au départ et en direction de la Tunisie, je m'adresse ici au gouvernement tunisien. Si vous tenez véritablement au prestige de l'État, il faut que les Émirats adressent des excuses officielles et publiques au gouvernement et au peuple tunisien.»

Côté tunisien, c'est le ministère du Transport qui annonce la nouvelle dans un message laconique. Il s'agit d'un accord au terme duquel la compagnie émiratie «s'engage à respecter les lois et les conventions internationales (…) et à éviter la reproduction de pareils incidents, ainsi que tout ce qui pourrait porter atteinte aux relations bilatérales». Ainsi, à l'annonce politique, la Tunisie a opposé une réponse technique. Le silence du ministère des Affaires étrangères tunisien est «lourd de sens, en langage diplomatique, quant au degré de satisfaction tunisien quant aux Émiratis», a glissé une source diplomatique, dans une déclaration à Sputnik. Toutefois,

«Avec cet épisode, les Tunisiens et les Émiratis ont pu se retrouver autour d'une même table pour discuter ouvertement. Il y a des chances que ce mécanisme se perpétue pour crever d'autres abcès, et d'autres crises plus feutrées», a rajouté la même source.

la compagnie aérienne Emirates - Sputnik Afrique
«No Woman, No Fly!»: la compagnie Emirates refuse les Tunisiennes dans ses avions
C'est que peu après l'élection du président tunisien Béji Caïd Essebsi, en décembre 2014, les relations bilatérales ont enregistré une certaine tension. En témoignent, notamment, les restrictions injustifiées frappant les procédures d'octroi des visas pour les Émirats. L'association des islamistes tunisiens au pouvoir n'est pas vu d'un bon œil par les Émiratis, sans qu'ils l'avouent pour autant. La tournure que devaient prendre les événements, avec la récente crise du Golfe, devait confirmer ce positionnement anti-islamiste, désormais de notoriété publique.

Elément de complexité supplémentaire, l'antagonisme régnant au sein de la classe politique (et accessoirement la société civile) tunisienne, qui s'alimente des événements au Golfe. C'est qu'au-delà d'une effervescence populaire «légitime», l'affaire a été instrumentalisée dans l'affrontement, en Tunisie, entre «les amis du Qatar» et «les amis des EAU and co». En Tunisie, cet antagonisme se calque grossièrement sur les affinités révolutionnaires ou contre-révolutionnaires (et de façon moins avouée, pro- ou anti-islamistes) des uns et des autres.

Signe que toutefois la tension est retombée, la twittosphère tunisienne, véritable thermomètre de cette crise, était relativement apaisée vendredi matin. Avec la hausse des prix, conséquente de la loi de finances 2018, il y a d'autres os à ronger.

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