[texte initialement publié le 15/11/2017 avec les titre et chapô suivants:]
Prières de rue à Clichy: victoire à la Pyrrhus de la mairie?
Le conflit entre l'association musulmane UAMC et la mairie de Clichy-la-Garenne semble se diriger vers son épilogue. Après plusieurs mois de prières organisées chaque vendredi dans la rue pour dénoncer la fermeture d'un lieu de culte, le gouvernement a tranché: ces prières sont désormais interdites. Mais rien n'est réglé pour autant.
«Il n'y aura pas de prières de rue, nous empêcherons les prières de rue». Cette phrase limpide prononcée par Gérard Collomb sur France Inter vient apaiser le tumulte autour des prières de rue à Clichy-la-Garenne, organisées par l'Union de l'association musulmane de Clichy (UAMC). Depuis plusieurs mois, l'UAMC appelle à prier dans la rue, chaque vendredi. Raisons invoquées? L'UAMC estime que la nouvelle salle de prière mise à disposition par la ville est trop excentrée (ndlr, environ 15 min à pied en partant de la mairie) et ne répondrait pas aux critères de sécurité, évoquant la présence d'amiante dans le bâtiment. Enfin, le local proposé est jugé trop petit pour accueillir tous les fidèles, L'UAMC revendiquant 3.000 à 5.000 fidèles quotidiennement.
«Il n'y a pas de revendication, puisqu'encore une fois c'est un lieu de culte que j'ai mis en place avec un bail emphytéotique de 99 ans. Qu'est-ce que le maire peut faire de plus?»
L'association reproche surtout à Remi Muzeau, le fait de ne pas avoir tenu sa promesse électorale, à savoir l'attribution d'un terrain pour la construction d'une nouvelle mosquée.
Un bras de fer qui dure depuis des mois
Depuis le 22 mars, suite à la fermeture du centre culturel musulman Ibn Khaldoun (grande mosquée), situé rue d'Estienne d'Orves, la mairie et les fidèles de l'UAMC sont en conflit. En effet, la tension est montée d'un cran après l'expulsion des fidèles du lieu de culte par les forces de l'ordre. Une décision logique, le bail précaire, conclu en 2013 avec le maire PS de l'époque, Gilles Catoire, était arrivé à échéance en juillet 2016 et l'association l'occupait encore en mars 2017, au moment de l'intervention de la police. En outre, l'édile a fait le choix de ne pas reconduire le bail afin de construire une future médiathèque à cet emplacement.
La tension atteint son paroxysme
La situation était devenue intolérable pour les riverains et face à l'impossibilité de trouver une solution au conflit, l'édile clichois a fait appel au gouvernement. Une centaine d'élus d'Ile-de-France (LR, UDI, Modem et FN), Valérie Pécresse, présidente du conseil régional d'Ile-de-France (LR), le mouvement Forces laïques et des riverains, ont rejoint Rémi Muzeau dans son combat, en protestant le 10 novembre «contre les prières de rues illégales.»
Cette confrontation entre les riverains et les fidèles a vivement fait réagir la sphère publique. Après, de nombreuses invectives sur l'inaction du gouvernement et un nouvel appel à une prière de rue, le préfet des Hauts-de-Seine, qui autorisait jusqu'à cette date les prières —expliquant qu'elles ne troublaient pas l'ordre public- s'est ravisé en les interdisant finalement le 16 novembre.
Malgré les deux réunions de conciliation entre la mairie et l'UAMC, cette confrontation a laissé des traces. L'UAMC a porté plainte pour «diffamation et incitation à la haine raciale». Et pour cause, Rémi Muzeau déclarait sur LCI: «Il y a eu des prêches en arabe, des prêches avec des appels au meurtre. Cela a été mis sur les réseaux [sociaux]. Il y a eu aussi des documents qui ont été mis dans la rue, qu'on a récupérés avec des phrases terribles qui disaient "Si vous rencontrez un juif, tuez-le!"» Problème, selon, Libération Checknews, la distribution des tracts ainsi que les vidéos YouTube émaneraient de militants anti-islam.
Vers une fin du conflit?
La décision du préfet semble avoir mis un coup d'arrêt aux prières de rue, mais le différend reste entier. En témoigne la réaction d'Hamid Kazed, président de l'UAMC: «Nous sommes des musulmans républicains et nous respectons la République. Donc plus de prières de rue et pas de manifestation cette semaine, car nous sommes pour l'instant en négociations avec la mairie.»
Pour Nourredine Bahri, vice-président de l'association cultuelle et culturelle des Trois-Pavillons, cet argument ne tient pas, l'espace peut accueillir plus de 2.500 personnes. Par ailleurs, l'espace des Trois-pavillons reste très calme en semaine, à la différence du vendredi, et dispose de salles de classe pour les enfants. Mais avant cet aspect purement logistique, le vice-président regrette la mauvaise publicité pour les musulmans.
«Les prières de rue, les mauvaises expressions, la gestuelle (ndlr, comportement) d'un musulman à l'extérieur vont donner une mauvaise image à l'islam.»