La Bosnie continue de panser ses plaies. Après 24 ans d'activité pour juger les responsables des pires atrocités commises en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, créé en plein conflit, ferme ses portes. Mais les inculpations continuent.
«Je pense que ce choix est politique et veut rassurer l'entité serbe de la Bosnie-Herzégovine et de montrer qu'il n'y a pas deux poids deux mesures en ce qui concerne les crimes commis pendant la guerre de Bosnie-Herzégovine de 1992 à 1995. C'est une décision éminemment politique», estime Nikola Mirkovic, écrivain et chercheur.
«On sait que la Bosnie Herzégovine, qui est une invention comme État moderne par l'OTAN et les puissances occidentales, est un pays qui est instable, fragile, et qui n'est pas vraiment un pays», à l'intérieur duquel cohabitent Croates, musulmans bosniaques et Serbes, qui possèdent leur propre entité qui «s'appelle la Republika Srpska», République serbe de Bosnie, rappelle Nikola Mirkovic.
Les musulmans et les Croates ont, dans les premiers temps de la guerre civile, joint leurs forces dans les régions où ils étaient majoritaires, comme Konjic en Bosnie, et dans lesquelles ils ont persécuté des habitants serbes, avant de s'affronter.
«Clairement, il y a deux poids deux mesures. Si on regarde le nombre de condamnations de soldats serbes par rapport aux Croates ou aux Bosniaques qui ont également participé à cette guerre, les Serbes ont lourdement payé. Ils étaient dénoncés comme les mauvais dès le début de la guerre. N'oubliez pas qu'il y avait des affiches de Milosevic à côté d'Hitler dans les rues de Paris», poursuit Nikola Mirkovic,
Accusé par Belgrade d'avoir, en juin 1999, ordonné et commis des assassinats, des viols ainsi que des actes de torture et de barbarie sur des civils serbes, albanais et roms à la fin de la guerre du Kosovo, le TPIY l'a acquitté à deux reprises, faute de témoins à charge encore vivants ou du moins désireux de témoigner au moment du procès, et la justice française a rejeté son extradition vers la Serbie.
«Haranimaj, qui a écrit dans sa biographie que lui-même et ses forces ont tué des policiers serbes avant la guerre, eh bien non seulement il a été acquitté, mais il est le Premier ministre de l'État autoproclamé du Kosovo.»
«À partir du moment où la Bosnie Herzégovine continue à se fissurer, eh bien à Sarajevo ils n'ont rien trouvé de mieux tout à coup de sortir quelques coupables bosniaques que nous connaissons de longue date […]. Il est normal qu'ils soient jugés, mais leur inculpation va servir à calmer le feu des Serbes qui ont de plus en plus envie de quitter la Bosnie Herzégovine», conclut Nikola Mirkovic.
Le parquet de Sarajevo a également inculpé jeudi quatre Serbes de Bosnie, officiers dans l'armée, pour génocide présumé contre des musulmans qui fuyaient la ville Srebrenica dans l'est du pays après sa prise par les Serbes en juillet 1995. Au cours de ce conflit, plus de 100.000 personnes ont été tuées et plus de deux millions de civils ont été déplacés.