Parallèlement, lors de manœuvres militaires conjointes organisées la semaine dernière, les forces américaines et sud-coréennes auraient travaillé un scénario d''infiltration de la Corée du Nord pour y neutraliser les armes nucléaires. Mais est-ce que Séoul se prépare activement à cet éventuel conflit?
LA CORÉE DU SUD RESTE PASSIVE
Depuis le début de l'année 2017, la Corée du Nord fait régulièrement la démonstration des progrès qu'elle réalise dans le domaine du nucléaire militaire. Le 29 novembre, elle a effectué le tir d'un missile balistique intercontinental (ICBM). Elle affirme désormais être en mesure de frapper n'importe quelle cible dans le monde.
Préoccupés de la situation, le Conseil de Sécurité adopte les uns après les autres des trains de sanctions de plus en plus contraignantes. Le 22 décembre, l'ONU a encore durci les sanctions contre Pyongyang. Cette dernière résolution en date prévoit de réduire les livraisons de pétrole brut et raffiné de presque 90%. Soumises au contrôle de l'Onu, elles ne devront pas excéder les 4 millions de barils par an en plus du plafonnement du nombre travailleurs nord-coréens expatriés.
Dans ce contexte, la Corée du Sud n'est pas bien préparée
pour faire face aux conséquences d'éventuelles représailles que son voisin du Nord exercerait en réponse aux attaques militaires américaines, pensent des experts sud-coréens.
«Séoul, par exemple, compte environ 10 millions d'habitants, nous sommes juste en dessous de la zone où la Corée du Nord porterait son attaque. Nous devrons nous attendre à des représailles presque immédiates de la part de la Corée du Nord. Je ne pense pas que les forces américaines ou sud-coréennes soient en mesure d'abattre tous les missiles tirés [de Corée du], il y aura des dizaines de missiles qui voleront en même temps, je ne pense pas que quiconque puisse les abattre tous en même temps», a déclaré à Spoutnik Suh Kune-yull, professeur de génie nucléaire à l'Université nationale de Séoul.
Les pays voisins, dont la Chine, prendraient des mesures pour se préparer aux conséquences d'un éventuel conflit militaire sur la péninsule coréenne, alors que le gouvernement sud-coréen reste passif.
«Rien ne se passe réellement en Corée du Sud, ce qui est vraiment surprenant: les Japonais se préparent, les Etats-Unis se préparent, même à Hawaï ou à Guam, et même la Chine et la Russie se préparent à un éventuel désastre. La Corée du Sud est la seule à ne rien faire. En fait, je ne pense pas que le gouvernement [sud-coréen] fasse quoi que ce soit dans ce but». «Nous sommes abandonnés à nous-mêmes, on ne nous propose aucun exercice d'entraînement», a déclaré Suh.
Kim Jae-chun, professeur de relations internationales à l'Université de Sogang et ancien conseiller du gouvernement sud-coréen, a souligné que la Corée du Sud n'avait même pas de bunkers dans lesquels les civils pourraient descendre en cas de guerre nucléaire.
«La Corée du Sud ne réalise pas d'exercices comme le font Américains à Hawaï, où ils ont construit des bunkers pendant la guerre froide pour se cacher en cas de guerre nucléaire." En Corée du Sud, nous ne disposons pas de telles installations», a déclaré Kim.
LA POLITIQUE DE MOON
Si les États-Unis décidaient de déclencher une guerre contre la Corée du Nord, cela se passerait probablement sans l'appui ou le soutien de la Corée du Sud, affirment d'autres experts.
«En ce qui concerne les frappes chirurgicales, ils [les Etats-Unis] doivent discuter avec le président de la Corée du Sud, Moon Jae-in, de cette volonté et de cette intention, mais je ne pense pas qu'il acceptera cette proposition. Il suivra sa propre voie, dans ce cas il y a une possibilité [de frappes chirurgicales]. Techniquement parlant, oui, ils [les États-Unis] peuvent le faire sans aucun problème, mais politiquement parlant, je crois qu'il y aura des problèmes qu'ils ne seront pas capables de résoudre dans un avenir proche», a déclaré Suh.
«Ils [le gouvernement sud-coréen] essaient de convaincre le public que rien ne va se passer, il suffit de se détendre et de rester heureux, nous ne serons pas prêts à quoi que ce soit parce que cela ne se fera pas dans la péninsule coréenne. Il a dit qu'il n'y aurait plus de guerre dans la péninsule coréenne, c'est le message que le gouvernement essaie de transmettre».
Cependant, l'expert est sceptique quant à la politique menée par le gouvernement sud-coréen.
«Le gouvernement dira probablement que si nous réalisions des exercices anti-missiles, les gens commenceraient à paniquer, ils craindraient vraiment que l'économie n'en pâtisse, mais je n'achète pas ça. Je crois qu'ils ont adopté le mauvais type d'approche», a déclaré Suh.
L'expert a souligné qu'il était alarmant que le grand public sud-coréen ne semble pas très préoccupé par l'évolution actuelle de la situation dans la péninsule coréenne.
«La population est habituée à ce genre de situation, elle croit que nous sommes à l'abri de ce genre de changement géopolitique radical qui se déroule dans la péninsule coréenne, nous sommes à l'abri de ce genre de changement, qui est une menace réelle. Je m'inquiète beaucoup pour nous-mêmes, pour notre propre peuple et pour notre propre pays, mais la situation est totalement différente, mais je ne pense pas que les gens le croit, le gouvernement essaie simplement de nous convaincre qu'il n'arrivera rien », a-t-il dit.
RETRAIT POSSIBLE DES TROUPES AMERICAINES
Cet expert, qui vit à Séoul, a exprimé ses préoccupations quant à la volonté des Etats-Unis de protéger la Corée du Sud.
L'expert estime que les Etats-Unis pourraient décider de se désengager de Corée du Sud dans un proche avenir.
«Je crois que les Etats-Unis pourraient décider de retirer leurs troupes de la Corée du Sud, probablement vers le milieu de l'année prochaine. En ce qui concerne l'alliance la Corée du Sud avec les Américains, je pense qu'il y aura une fissure entre ces deux pays. Quand les troupes américaines se seront retirées de la péninsule coréenne, ce sera comme le dernier clou enfoncé dans notre cercueil, à ce moment-là, il sera trop tard. Les systèmes d'armes conventionnelles ne sont pas suffisants pour faire face aux forces nucléaires de la Corée du Nord, qui peuvent arriver plus tôt que prévu», a-t-il déclaré.
HÉRITAGE DU HAUT COMMANDEMENT AMERICAIN
Les spéculations croissantes sur une éventuelle frappe militaire américaine contre la Corée du Nord pourraient aussi être le résultat de la volonté des autorités militaires de ce pays de sauver la face pendant leurs mandats, a suggéré le professeur Kim de l'Université de Sogang.
«Les responsables militaires américains ne veulent pas que la Corée du Nord achève la construction des ICBM qui peuvent atteindre le sol américain, ils ne veulent pas voir cela pendant leur mandat, comme pour le général [Matt] Mattis [secrétaire américain à la Défense] et [le conseiller à la sécurité nationale américaine] McMaster: il en serait de même pour Trump, il ne veut pas être le président qui a permis à la Corée du Nord de le faire », a-t-il dit.
Kim, cependant, a admis qu'un autre objectif de ces spéculations pourrait être de ramener les dirigeants nord-coréens à la table des négociations avec des conditions favorables à la Corée du Sud et aux Etats-Unis.
Néanmoins, l'expert estime que les États-Unis ne s'engageront pas dans une guerre totale contre la Corée du nord:
«Je ne pense pas qu'il y aura une frappe chirurgicale pour anticiper les capacités de représailles de la Corée du Nord, je pense que la Corée du Nord a augmenté ses capacités de dissuasion, avec lesquelles elle peut dissuader les Américains de faire la guerre. Ils ne peuvent pas frapper la partie continentale des États-Unis parce que l'ICBM n'est pas encore achevé à ce jour, mais ils ont des missiles à moyenne portée capables de porter des représailles à la Corée du Sud et au Japon», a déclaré M. Kim.
L'expert a ajouté que ce scénario signifierait une guerre totale dans la péninsule coréenne, et il ne pense pas que les États-Unis voudraient s'y enliser une nouvelle fois.