Après l'Iran, l'Arabie saoudite? Le royaume pourrait bien être le second pays de la région à développer une filière nucléaire civile. D'ici quelques semaines, Ryad entamera des pourparlers avec Washington dans le but de mettre en place un accord permettant aux entreprises américaines de participer à son programme nucléaire civil. Une «confirmation de ces orientations», selon Francis Perrin, directeur de recherche à l'Iris et expert en énergie:
«Le royaume avait déjà annoncé il y a plusieurs années qu'il se préparait en vue de l'option nucléaire et le lancement probable d'un premier appel d'offres en 2018.»
«Diversifier son économie, ce qui est la priorité de la Vision économique 2030 promue par le prince héritier Mohamed Ben Salman», mais aussi répondre à une demande interne «en forte croissance pour consommer moins de pétrole dans ses centrales électriques et garder le pétrole pour le secteur des transports, pour la pétrochimie et pour l'exportation», une diversification du mix énergétique qui se fera «grâce au nucléaire, au gaz conventionnel et non conventionnel, aux énergies renouvelables, surtout le solaire.»
«Nous avons indiqué avec nos partenaires américains que nous avions l'intention de localiser toute la chaîne de valeur avec l'énergie nucléaire dans le Royaume d'Arabie saoudite», a déclaré le ministre de l'Énergie Khalid al-Falih à Reuters dans une interview publiée mercredi 20 décembre.
«Téhéran a, jusqu'ici, un coup d'avance avec la centrale de Bushehr, qui est la seule en exploitation au Moyen-Orient actuellement».
Dès 2008, Barack Obama avait cherché avec l'Iran un accord permettant de mieux encadrer son programme nucléaire afin qu'il ne soit pas détourné à des fins militaires. Allemands, Anglais, Français, Chinois et Russes y sont parvenus en juillet 2015 à Vienne. Pourtant, en octobre dernier, le président Trump a refusé de certifier devant le Congrès que Téhéran respectait les termes de cet accord. Même si «les tensions sont très fortes sur tous les fronts entre l'Arabie Saoudite et l'Iran», cette volonté de se doter de la maîtrise de la puissance nucléaire ne «devrait pas déstabiliser plus la région qu'elle ne l'est actuellement», selon Francis Perrin.
«Aucun pays ne possède actuellement l'arme nucléaire au Moyen/Proche-Orient à l'exception d'Israël.»
d'ailleurs, pour le directeur de recherche à l'Iris, l'Arabie saoudite n'aurait pas intérêt à essayer de jouer sur les deux tableaux:
«Les garanties exigées de ceux qui veulent entrer dans le "club" du nucléaire civil sont très strictes et l'Arabie Saoudite le sait bien. Le choix nucléaire est pour le royaume un choix énergétique, industriel et économique important pour les raisons explicitées ci-dessus et le pays fera donc ce qu'il faut pour se conformer à ces exigences.»
Partenaire de toujours, la France aussi lorgne ce futur secteur prometteur:
«Du fait de leurs liens historiques et stratégiques avec l'Arabie Saoudite, les entreprises américaines sont certes bien placées, mais la France et d'autres pays potentiellement fournisseurs seront aussi dans la course. Au vu de l'ampleur des ambitions saoudiennes dans ce secteur sur le long terme, les jeux ne sont absolument pas faits.»