Parquet national antiterroriste (PNAT): «un gadget complètement contre-productif»

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La Garde des Sceaux a annoncé la création d’un parquet national antiterroriste afin de faire face «une menace sans commune mesure» en France. Pourtant, l’Union syndicale des magistrats craint que celui-ci soit «complètement contre-productif» à cause de l’impossibilité de mobiliser des magistrats en cas de crise. Énième opération de communication?

«On a une vraie difficulté qui est le risque de surcharge du parquet (ndlr national antiterroriste) dans le cas de nouvel attentat ou d'afflux de dossiers (…) et en urgence, on ne pourra absolument rien faire pour la régler.»

C'est l'un des problèmes évoqués par Céline Parisot, secrétaire générale de l'Union syndicale des magistrats (USM) au sujet de la création d'un parquet national antiterroriste (PNAT). En effet, Nicole Belloubet, ministre de la Justice, a annoncé, lundi 18 décembre lors de la réunion des procureurs généraux et des référents en matière de terrorisme, la création du PNAT. Elle a d'ailleurs confirmé cette annonce ce mardi 19 décembre dans l'émission les 4 vérités sur France 2.

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Pour la ministre de la Justice, «il est utile de revisiter notre organisation pour l'adapter à la menace terroriste.» Toujours selon Nicole Belloubet, le PNAT ne serait pas «un désaveu» de la section antiterroriste du parquet de Paris, mais «tout au contraire, c'est presque le constat de sa réussite.» Malgré les contours assez flous de cette annonce- la Direction des affaires criminelles et des grâces doit travailler sur les modalités organisationnelles-, elle semble plaire à certaines personnalités politiques de droite comme Eric Ciotti, député Les Républicains, qui la préconisait depuis longtemps:

​Une ligne sur laquelle se retrouve Nicolas Dupont-Aignan:

​Pourtant, pour les professionnels de la magistrature, cette annonce reste très surprenante.

«Nous sommes extrêmement surpris. Nous n'avons évidemment pas été prévenus avant de la création, même envisagée, de ce parquet. Il n'y a eu aucune concertation, cela a été annoncé hier lors d'une réunion des procureurs à Paris.»

L'annonce est d'autant plus incompréhensible pour l'Union syndicale des magistrats, puisqu'actuellement il existe une section antiterroriste au parquet de Paris qui a déjà démontré toute son efficacité.

«On a bien vu que pour les attentats majeurs qui ont frappé la France depuis 2015, il n'y avait pas eu de dysfonctionnement, bien au contraire, ce parquet [ndlr de Paris] a démontré qu'il fonctionnait très bien», rappelle Céline Parisot.

Ce parquet national antiterroriste serait-il un énième effet d'annonce macronien, à l'instar de la «Task force antiterroriste»?

«Malheureusement, cela va être un gadget complètement contre-productif puisque l'on aura plus la souplesse et la réactivité que peut avoir actuellement la section antiterroriste du parquet de Paris. Pour nous, c'est quelque chose qui est très dommageable, les parquetiers de Paris qui sont dans la section C1 actuellement et qui font de l'antiterrorisme sont formés, ils sont habitués à ce type de contentieux», regrette Céline Parisot.

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L'autre aspect problématique de la création de ce nouveau parquet est la réactivité. «Si on crée un parquet autonome, il devra se gérer tout seul.» En effet, la section antiterroriste est composée de 13 magistrats, mais 61 autres sont «mobilisables» en cas de besoin.

Une souplesse qui donne la possibilité à la section antiterroriste «d'être renforcée au gré des besoins par les autres sections du parquet de Paris sans difficulté, puisque tous les magistrats du parquet de Paris appartiennent au même parquet, peu importe leur section.»

De plus, comme le détaille Céline Parisot, même si ce nouveau parquet voulait se renforcer, «les remplacements en urgence ne seraient plus possibles.»

«Cela ne pourra se faire que dans un délai qui est assez long, qui est celui de la nomination d'un nouveau magistrat au sein de ce nouveau parquet antiterroriste, donc ça prend plusieurs mois.»

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Une efficacité d'ores et déjà contestée, une réactivité qui laisse à désirer, une décision qualifiée de «gadget» par certains acteurs sur le terrain, le parquet national antiterroriste est-il une nouvelle opération de communication? Pis encore, une manière de «recaser» le procureur de Paris, François Molins, comme peut le sous-entendre, le syndicat de la magistrature dans son communiqué de presse? François Molins, qui était opposé à un parquet national dédié au terrorisme et qui a depuis opportunément changé d'avis. Le doute est permis, comme le concède Céline Parisot.

«Pourquoi pas. De toute façon, il faudra bien nommer quelqu'un à la tête de ce parquet, de préférence quelqu'un qui soit un bon professionnel et qui ait des connaissances en matière d'antiterrorisme. Donc ça peut être le procureur Molins, cela peut être aussi quelqu'un d'autre.»

Rendez-vous dans quelques mois, affaire à suivre donc…

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