«C'est un grand débat avec ses partisans et ses opposants. On peut donc perdre son temps à mener des débats (…) ou on peut faire marcher les structures existantes comme Interpol, Europol ou encore les bases de données "Schengen information system".»
C'est ainsi que Jan Jambon, le ministre de l'Intérieur belge, interrogé sur l'épineuse question du retour des djihadistes sur le sol belge, a balayé d'un revers de la main la proposition d'Emmanuel Macron de créer un parquet européen contre le terrorisme.
Une idée qui est donc loin de faire l'unanimité, et ce, dès ses prémisses. La proposition du Président de la République s'appuie en effet sur le projet de parquet européen destiné à combattre le détournement des subventions de l'Union européenne, qui avait déjà suscité des réticences, comme nous le rappelle Pierre Berthelet, chercheur en sécurité européenne à l'université Laval (Québec): «La criminalité organisée commençait à détourner beaucoup d'argent, cela se faisait de manière presque industrielle. Or, l'observation qui a été faite était que les États membres n'avaient pas suffisamment d'outils d'un point de vue législatif. De plus, ils avaient des politiques criminelles divergentes.» détaille-t-il avant de conclure:
«D'où l'idée de ce projet de parquet européen. Cependant, dans les années 90, les États membres y étaient fermement opposés pour des questions de souveraineté.»
Suite logique d'Eurojust, les États membres ont acté le projet de parquet européen dans le traité de Lisbonne en 2007. Toutefois, il ne sera jamais mis en œuvre: en 2013, le parquet européen avait été retoqué «essentiellement par les États, qui comme la France, estimaient qu'il était trop centralisé.»
Dorénavant, les positions semblent avoir évolué et cette proposition de parquet européen a remporté l'adhésion d'une partie des pays membres de l'UE. En effet, le 8 juin 2017, 20 d'entre eux, dans le cadre d'une «coopération renforcée», ont approuvé un acte législatif fixant les modalités de fonctionnement et le rôle d'un tel parquet. Il sera cantonné, comme dans le projet d'origine, à la lutte contre la corruption, le blanchiment d'argent, la fraude transfrontalière impliquant des fonds européens et la fraude à la TVA.
Avec la recrudescence des attentats en Europe et la difficulté que va poser le retour sur le sol européen des djihadistes partis en Syrie, si le parquet européen peut préserver les intérêts financiers de l'UE, pourquoi ne pourrait-il pas le faire pour sa sécurité? C'est tout l'enjeu de la proposition d'Emmanuel Macron, qui souhaiterait élargir le champ d'application de ce parquet en y intégrant une compétence antiterrorisme. Une ambition qui risque, à nouveau, de se heurter au refus des autres États comme l'explique Pierre Berthelet:
«Le parquet européen va défendre un intérêt qui sera spécifiquement européen et il aura beaucoup plus de pouvoir vis-à-vis des procureurs nationaux. Sur cette question, on touche véritablement le domaine du régalien. Il faudra encore un peu de temps.»