«Donc il y a une évolution des positions plus sur le fait qu'aujourd'hui, les États-Unis, qui voulaient agir comme intermédiaire dans la politique au Moyen-Orient, se sont mis dans une situation difficile parce qu'ils sont partie prenante.»
Le Général Dominique Trinquand, spécialiste de la politique internationale et conseiller Défense d'Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle, considère que la position américaine dans le conflit israélo-palestinien semble très délicate. En effet, le rôle d'intermédiaire des États-Unis, par la décision de Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël, est maintenant difficile à tenir. Mais alors qu'Emmanuel Macron recevait ce 10 décembre le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, la France peut-elle saisir cette occasion pour endosser le costume de médiateur entre Palestiniens et Israéliens?
«La France peut toujours faire toutes les offres de paix qu'elle veut, mais […] Israël ne veut pas d'une négociation internationale, notamment sur la question de Jérusalem.»
Professeur associé à l'Université Saint-Joseph de Beyrouth, François Costantini fait un constat sans appel: la volonté d'Israël de n'avoir aucune ingérence internationale dans la question palestinienne est totale et ce n'est pas la France qui va pouvoir changer cet état de fait. Et il ajoute:
«Sur le statut international ou sur le statut binational, je pense qu'il n'y a aucune probabilité pour qu'un plan international, même français, ait la moindre chance de bon accueil auprès des autorités israéliennes.»
On se souvient des vains efforts de François Hollande en la matière. Son «initiative française au Moyen-Orient» pour réanimer le processus de paix moribond entre Israël et les Palestiniens, s'était soldée, fin 2016, par un fiasco.
«Il y a un chamboulement total actuellement dans les équilibres qui permet la discussion au Moyen-Orient. Donc […] essayons de prendre un peu de recul. C'est exactement ce qu'a fait le Président Macron en disant qu'il était un peu tôt pour tirer des conclusions, mais qu'en tout état de cause il était temps d'y travailler.»
Avant d'ajouter:
«Prenons un peu de recul, après ces trois jours de tohu-bohu, pour voir comment se redistribuent les cartes entre les États-Unis, l'Europe, le Moyen-Orient et la France.»
Il est vrai que l'annonce de Donald Trump est très récente et qu'un changement de leadership dans la médiation dans le conflit israélo-palestinien pourrait prendre un certain temps. Mais François Costantini rappelle qu'aucune nouveauté n'est ressortie de la déclaration commune réalisée par Emmanuel Macron et Benjamin Netanyahou après leur entrevue:
«Il ressort que chacun est resté sur ses positions. Cela fait longtemps qu'on sait que c'est un dialogue de sourds, c'est tout, même s'il est fait selon les convenances diplomatiques.»
Dominique Trinquand ajoute tout de même que la France et l'Union européenne ont un rôle à jouer. S'il demande du temps, notamment parce que Benjamin Netanyahou est à Bruxelles après être passé à Paris, il expose les raisons qui poussent à imaginer l'Europe et la France sur le devant de la scène dans la résolution de cette crise qui a déjà fait plusieurs morts:
«L'Union européenne est le premier financier de l'État palestinien, donc l'Europe a quand même son mot à dire. [Et] le Président Macron, en particulier avec ce qui vient de se passer au Liban, a montré sa capacité à trouver des positions nouvelles qui permettent des négociations.»
«La Russie est un élément essentiel au Moyen-Orient, en particulier à cause de la position que la Russie avait prise vis-à-vis de la Syrie et du Moyen-Orient, mais aussi de la position traditionnelle de la Russie en Israël. Donc il y a forcément des voies de concordances entre l'UE, la France et la Russie, pour une nouvelle négociation au Moyen-Orient.»
Mais si François Costantini rejoint l'ancien conseiller d'Emmanuel Macron sur le rapprochement possible entre la France et la Russie, il n'imagine toujours pas comment Israël va faire évoluer sa position:
«Ils tiennent une position assez distante par rapport à celle du département d'État américain, mais encore une fois, même s'ils rapprochent leurs positions, ils ne peuvent pas les imposer, au moins à la partie israélienne.»