Guerre informationnelle et UE: faites ce que je dis…

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L’Union européenne hausse le ton face aux supposées «campagnes de désinformation russes en cours» et octroie 1,1 million d’euros au «Groupe de travail de Stratégie de Communication à l’Est», chargé de diffuser du contenu pro-européen en langue russe.

Il faut soigner le mal par le mal, semble se dire Bruxelles. Face au «péril russe», l'UE tape du poing sur la table et alloue au «groupe de travail de Stratégie en Communication à l'Est» un budget de plus d'un million d'euros, issu de fonds européens. Elle envoie ainsi un message clair: la vision russe n'est pas la bienvenue dans l'espace communautaire et elle sera combattue.

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Le principal objectif de ce groupe de travail, développé dans le plan d'action de communication stratégique de 2015, est de «promouvoir les valeurs et les politiques européennes» dans l'espace post-soviétique, notamment par le biais de radio Europa Plus. D'un côté, l'Union européenne combat donc la promotion de la vision russe chez elle, l'accusant de déstabiliser ses membres. De l'autre, elle mène en Russie cette même politique qu'elle condamne.

L'autre finalité de cette «task force» est de lutter contre la désinformation. Si l'objectif apparaît en soi louable, il est intéressant de se demander pourquoi, un contexte où la guerre de l'information est menée de toutes parts, la seule structure européenne responsable de ce sujet ne s'occupe que de la Russie.

En effet, deux ans après sa création, la cellule a lancé son propre site, mais n'y analyse presque exclusivement que du contenu venant de médias… russes. Les recherches étant orientées à la source, il lui est difficile de parler de désinformation venue d'autres pays. Les médias américains, par exemple, ont pourtant régulièrement relayé des «fake news». On se souvient ainsi des «no-go zones» à Paris après les attentats de 2015, des armes de destruction massive qu'étaient supposées détenir Saddam Hussein ou des bilans en pertes civiles dans la campagne antiterroriste en Syrie et en Irak… pour le moins controversés par plusieurs ONG indépendantes. Ils n'ont pourtant pas été accusés de désinformation, mais d'avoir commis de simples erreurs journalistiques. D'aucuns pourraient penser qu'il s'agit là d'un double standard. Le doute est permis.

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Enfin, le dernier objectif exposé dans le plan d'action de communication stratégique concerne la pluralité et l'indépendance des médias russes et en langue russe. Le document consacre un paragraphe entier au développement du pluralisme dans les médias russes.

ll semble à ce stade important de rappeler quelques faits. Le premier est que la Russie —bien que classée 148e et en situation difficile en termes de liberté de la presse par Reporter Sans Frontières- possède des médias indépendants et reconnus pour leur travail. C'est le cas de la chaîne de télévision Dozhd ou encore des journaux Novaya Gazeta et Nezavisimaya Gazeta, pour n'en citer que quelques-uns.

Le deuxième est que la Russie possède le plus grand nombre de journalistes en activité au monde. Douter de l'éthique et des compétences de l'ensemble d'une profession en conseillant à ses membres de se former au sein des médias européens et occidentaux revient à sous-estimer leur formation, leur esprit critique et leur éthique.

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Si le but réel de l'Union européenne était de lutter contre la désinformation et les «fakes news», la cellule responsable de cette question ne serait probablement pas uniquement consacrée à la Russie, mais aurait une visée globale. Que dire par exemple des médias qataris ou chinois diffusant en Europe? Ne sont-ils pas également porteurs d'une vision particulière du monde et ne diffusent-ils pas à l'occasion de fausses informations?

Ce groupe de travail n'a pas non plus pour objectif de «protéger» les citoyens européens d'une supposée propagande anti-européenne pilotée depuis Moscou, son objectif premier étant de diffuser des contenus pro-européens dans l'espace post-soviétique.

La meilleure défense, c'est l'attaque, en somme. Et dans la guerre informationnelle, Bruxelles vient de tirer une nouvelle salve. 

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