Alors que l'ONU alertait fin octobre sur les efforts insuffisants fournis depuis la signature de l'accord de Paris sur le climat il y a deux ans, et que 2017 se classe déjà parmi les années les plus chaudes jamais enregistrées, c'est sur des appels vibrants à agir de toute urgence que s'est ouverte lundi la COP 23 à Bonn, en Allemagne. «Nous sommes tous dans le même canoë»: le Premier ministre fidjien Frank Bainimarama, qui préside cette année la conférence, a exhorté «le monde à maintenir le cap fixé à Paris». L'ambition de la conférence est par ailleurs d'amener les participants à réviser à la hausse leurs engagements, sur fond de retrait des États-Unis de l'accord de Paris. On se souvient que l'accord ne mentionnait même pas le charbon, un sujet pourtant essentiel selon Nicolas Meilhan, consultant en stratégie dans le domaine de l'énergie et membre du think-tank Les Éconoclastes, avec qui Sputnik a pu s'entretenir.
«Les gens se rendent bien compte que quand on consomme moins de charbon, ça fait baisser les émissions, mais ça ne se traduit pas par des actions de la part des dirigeants. Une mesure simple pourrait être par exemple d'instaurer une taxe carbone de 20 euros la tonne sur la production d'électricité. Le Royaume-Uni a montré en quatre ans que c'était possible et suffisant.»
«Il faut donc imiter les Britanniques et mettre en place une vraie taxe carbone, et la compenser aux frontières pour les pays qui ne sont pas d'accord, quitte à déroger aux règles de l'OMC et du traité de Lisbonne. Il n'y a qu'ainsi que cette conférence commencera à servir à quelque chose, car pour l'instant ça n'est qu'un écran de fumée», ironise-t-il.
Néanmoins, Nicolas Meilhan juge que la France d'Emmanuel Macron et de Nicolas Hulot n'a pas la crédibilité nécessaire pour faire avancer les choses dans ce sens:
«La France se donne un rôle de donneuse de leçons en prétendant sortir des hydrocarbures. Mais ce qu'on a fait, c'est d'interdire la recherche et la production d'hydrocarbures chez nous, alors qu'il ne s'agit que d'1% de notre consommation. C'est comme si on voulait lutter contre le tabagisme en interdisant la culture du tabac sur notre seul territoire. Quand vous dites à quelqu'un que vous allez vous passer de quelque chose que vous n'utilisez de toute façon pas, on ne peut que vous répondre que ça ne va pas être très difficile à faire… La seule solution, c'est de trouver un compromis entre la France et l'Allemagne. Berlin sera peut-être prête à faire un compromis si Paris en fait un sur le nucléaire, mais il ne faut pas oublier que la perte de compétitivité serait énorme pour l'industrie allemande avec une taxe sur le carbone.»
«On perd certes le pays qui, bien que n'ayant pas signé le protocole de Kyoto, avait le plus baissé ses émissions de CO2 entre 2005 et 2013, justement en remplaçant une partie du charbon par du gaz. Mais il y a un certain nombre de villes et d'États américains, comme la Californie, qui ont annoncé qu'ils conserveraient les objectifs de l'accord. Je ne suis pas sûr que les États-Unis fassent le chemin inverse sur le charbon, ils ont des quantités importantes de gaz naturel à des coûts faibles. Donald Trump est coutumier des grandes annonces mais elles ne se concrétisent souvent pas, il n'est pas le seul à décider: il a une administration, qui dément généralement dans la minute ses déclarations sur Twitter, il y a le Congrès, etc.»
«Il faudra se baser sur ce qui se passera concrètement, et aujourd'hui rien ne dit que les États-Unis vont inverser la courbe de la production d'électricité au charbon», conclut-il.