C'est un énième rebondissement dans l'instruction sur les causes de l'attentat de 1994 qui provoqua la mort de l'équipage français de l'avion du président rwandais, Juvénal Habyarimana, de la mort de ce dernier et de son homologue burundais. Un attentat qui est considéré comme le point de départ du génocide rwandais. Cette instruction a été ouverte 4 ans après les faits. Il est important de rappeler qu'il existe deux thèses concernant les responsabilités, la première décrit la France comme responsable (thèse défendue par notre intervenant) et la seconde qui implique les Tutsis.
Question: Comment peut-on expliquer ce énième rebondissement dans l'instruction?
Jacques Morel: «Cette instruction a été ouverte 4 ans après les faits, les familles ayant été priées de ne pas déposer plainte. La formation d'une mission d'information parlementaire en 1998 a provoqué l'ouverture de cette instruction, l'enquête judiciaire permettant de limiter le champ d'investigation parlementaire.
En montrant que les tirs de missiles étaient partis du camp militaire de Kanombe ou de son voisinage immédiat, les experts mandatés par les juges Trévidic et Poux ont confirmé ce que l'on savait déjà: que l'attentat contre le président Habyarimana a été organisé par des militaires rwandais qui refusaient la mise en application des accords de paix d'Arusha, c'est-à-dire par l'arrivée du FPR au gouvernement (5 portefeuilles) et la fusion des deux armées.
Mettre en cause des militaires rwandais c'est mettre en cause la France. D'une part, ce sont des officiers français qui commandaient les opérations de l'armée rwandaise et qui avaient accès à toutes les écoutes des services de renseignement.
Ce sont certainement des spécialistes de tirs de missiles envoyés par la France qui ont été introduits dans ce camp Kanombe.
Question: Pourquoi est-il si compliqué pour la justice de faire la lumière sur les responsabilités durant le génocide?
Jacques Morel: «Il ne s'agit pas de la justice mais de la justice française. Un juge est un fonctionnaire, non seulement il espère bénéficier de sa retraite mais il estime également qu'il y a droit pour la vie.
L'État français est impliqué au plus haut niveau dans cet attentat même s'il a pu être commis par des mercenaires étrangers».
Question: Pensez-vous que cette convocation puisse être une manœuvre diplomatique afin de minorer le rôle de la France dans le génocide?
Jacques Morel: «Il s'agit de nier le rôle de la France tout simplement.
Hormis la responsabilité française dans l'attentat, jamais les politiciens extrémistes Rwandais n'auraient pu former un gouvernement en un jour s'il n'y avait pas eu l'ambassadeur de France qui a su imposer un gouvernement MRND-Hutu Power, le Hutu Power étant constitué des fractions anti-tutsi des partis opposés à Habyarimana et le MRND étant l'ancien parti unique de ce dernier.»
Jacques Morel: «Je voudrais espérer qu'Emmanuel Macron sorte la France de ce « bourbier ».
Cette guerre sourde que nourrit la France contre le Rwanda depuis 23 ans plombe notre pays. Il suffit de voir le dynamisme actuel du Rwanda et de comparer avec les autres pays africains qui restent sous domination française.
Mais l'entourage de M. Macron, en particulier M. Le Drian, n'est pas prêt à faire cette révision des événements de 1994 et ce n'est pas l'opposition qui l'y poussera.»