L'éternel problème consiste à trouver un équilibre entre les mesures coercitives que la sécurité exige et les mesures de protection des libertés individuelles, beaucoup se demandant quelles sont les différences entre la loi antiterroriste et l'état d'urgence et criant même à une atteinte aux libertés, et à un danger pour la démocratie.
«La France, malheureusement, était un pays un peu modèle, un petit peu moteur de l'Union européenne. L'importance des tendances que l'on observe depuis quelques années n'a pas une influence positive sur le reste de l'Europe», a déclaré à Sputnik Dominique Curis, chargée de plaidoyer Libertés individuelles et publiques d'Amnesty International.
Et d'ajouter que même au Danemark et aux Pays-Bas, pays qu'on estimait plus protecteurs ou garants de certains droits et libertés, la tendance au renforcement d'une logique préventive était perceptible.
«Elle [cette tendance, ndlr] s'observe dans toute l'Europe malheureusement. Que ce soit en termes de collecte de données personnelles, de liberté d'expression, de définition de ce qu'est un acte terroriste», a constaté l'interlocuteur de l'agence, en soulignant que le mot «terrorisme» permettait de justifier et avait tendance à clore le débat sur le respect des libertés.
Et de rappeler que le gouvernement avait présenté cette loi, en expliquant que c'était la condition pour sortir de l'état d'urgence.
«C'est avec quoi nous n'étions pas d'accord. Et hier, le ministre de l'Intérieur a effectivement déclaré que si besoin, l'état d'urgence pourrait être rétabli», a indiqué M. Curis.
Et de résumer qu'on voyait bien là des contradictions et une incohérence dans l'analyse qui était faite de l'objectif et de la légitimité de l'état d'urgence.
Un autre interlocuteur de Sputnik, Roger Marion, haut fonctionnaire de la police et ancien préfet délégué pour la sécurité et la défense, estime quant à lui que des périmètres de protection dans les lieux sensibles ou lors d'évènements particuliers, l'une des nouveautés de la loi, ne font qu'«éloigner» le problème, plutôt que de le régler.
«Le problème que nous avons en France est d'avoir eu des lois qui ont retiré à la police son pouvoir d'initiative de contrôle. Aujourd'hui, il faut avoir une décision de l'autorité judiciaire ou administrative pour faire des contrôles d'identité et fouiller des voitures. Auparavant, c'était du ressort de la police administrative. Aujourd'hui tout est passé sous contrôle judiciaire», a-t-il expliqué.
Selon lui, le contrôle d'identité existait déjà, tel que le contrôle à côté des gares internationales.
«On ne fait désormais qu'élargir le périmètre. C'est évident que ce n'est plus suffisant. […] Mais cela a été décidé au nom de la liberté individuelle — à qui adresser maintenant les reproches? Il s'agit de l'éternel problème — trouver l'équilibre entre les mesures coercitives que la sécurité exige et les mesures de la protection des libertés individuelles», a conclu M. Marion.
Toujours est-il que cette loi ne fait pas l'unanimité. Au sein de la classe politique, on la juge tantôt trop laxiste, tantôt trop liberticide. Les défenseurs des droits de l'homme critiquent notamment la nouvelle loi qui permet aux forces de l'ordre de perquisitionner sur de simples soupçons.
L'organisation Amnesty International, par exemple, a publié une étude comparative sur les différentes lois européennes, la tendance est au durcissement général… Et la France ne fait pas exception.