Dans le même temps, le gouvernement de Madrid a fait arrêter huit autres membres de son cabinet, dont le vice-président, M. Oriol Junqueras, tout en déposant un mandat d'arrêt européen contre Puigdemont. Par ailleurs, le gouvernement de Madrid a décidé de dissoudre le Parlement catalan et de convoquer de nouvelles élections pour le 21 décembre. Par ailleurs, de nombreuses arrestations ont aussi eu lieu dans le milieu associatif. Le gouvernement de Madrid semble donc convaincu que la répression lui donnera la victoire dans cette crise.
Ce que la justice peut faire
Selon la directive de l'Union Européenne, qui fixe les règles du MAE, la décision finale doit être prise sous 60 jours, un délai qui peut être porté à 90 jours "en cas de circonstances exceptionnelles". Si la décision a été prise d'exécuter le MAE, la personne doit être remise à l'Etat émetteur du mandat sous 10 jours.
Il est donc possible que cette décision ne puisse pas être exécutée avant la date fixée pour les élections.
Le rapport des forces au sein du bloc indépendantiste
Ces élections, Carles Puigdemont les a acceptées. Mais, le résultat pourrait en être paradoxal. En effet, il ne fait guère de doutes que le comportement du gouvernement de Madrid a abouti à durcir la position des indépendantistes. La répressions du « référendum » du 1er octobre, mais aussi de multiples maladresses et provocations, comme le fait de nommer « gouverneur » de la Catalogne, dont le statut d'autonomie est suspendu par Madrid, la fille d'un ancien général franquiste, ont certainement accrues la popularités des partis indépendantistes.
Néanmoins, en leur sein, on assiste à un basculement dont les conservateurs indépendantistes pourraient bien faire les frais au profit d'un parti de gauche indépendantiste. M. Puigdemont, qui continue de se présenter comme le président "légitime" de la Catalogne en exil, appartient en effet au PDeCAT (Parti démocrate européen catalan, conservateur indépendantiste). Ce parti a gouverné la Catalogne pendant une large partie de l'ère démocratique moderne sous le nom de CiU (Convergencia y Unión). Il en théorie lié au Parti Populaire du Premier-ministre espagnol, M. Rajoy. Mais, l'opposition entre les deux hommes, et leurs partis respectifs, est désormais irrévocable. Les sondages cependant ne placent aujourd'hui le PDeCAT qu'en 4ème ou 5ème position pour les élections du 21 décembre. Le grand bénéficiaire de ces élections pourrait donc être la gauche indépendantiste (ERC, Gauche républicaine de Catalogne). Ce parti pourrait bien être le grand vainqueur de ces élections.
Les élections du 21 décembre
Face à elle, il y aura les partis considérés comme « unionistes », essentiellement le PSOE/PSC, le PP et Ciudadanos. Mais ces partis ne semblent pas en mesure de l'emporter. En fait, la décision se fera en fonction du nombre de voix qu'obtiendra Podemos, un parti de la gauche radicale qui ne soutient pas l'indépendance, mais qui a dénoncé dans termes sans appel le comportement du gouvernement de Madrid et l'action de son Premier-ministre M. Rajoy. Le dirigeant de Podemos, Pablo Iglesias, a cependant reconnu la légitimité des élections du 21 décembre, et ce faisant ouvert une crise avec son aile catalane qui n'est pas sans compter des indépendantistes, qui auraient préféré s'allier avec la CUP.
Tableau 1
Résultats des élections régionales de 2015
Liste |
Voix |
% |
Sièges |
||
(PDeCAT et ERC) |
1 628 714 |
39,59 |
62 |
||
736 364 |
17,90 |
25 |
|||
Parti des socialistes de Catalogne (affilié PSOE) |
523 283 |
12,72 |
16 |
||
Catalogne oui c'est possible (affilié PODEMOS)* |
367 613 |
8,94 |
11 |
||
349 193 |
8,49 |
11 |
|||
Candidature d'unité populaire** — CUP |
337 794 |
8,21 |
10 |
||
Total indépendantiste |
1 966 508 |
47,80 |
72 |
||
Unioniste |
1 608 840 |
39,11 |
52 |
** Listes soutenant l'idée de l'organisation d'un référendum d'indépendance
* Liste soutenant le principe d'un référendum, mais sans se prononcer sur la question de l'indépendance.
Un enjeu démocratique majeur
La responsabilité de M. Rajoy
Si le mouvement indépendantiste catalan a été jusqu'à présent pacifique, rien ne prouve qu'il le restera dans le futur. Ce coup de force de Madrid pourrait bien être la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Il pourrait pousser des franges du mouvement indépendantiste vers la lutte armée.
Mariano Rajoy et le gouvernement de Madrid doivent cesser de penser qu'il peut y avoir une solution judiciaire à un mouvement politique. Ils doivent laisser les catalans s'exprimer, et s'exprimer librement, sans pressions ni menaces. Sinon, eux et leurs alliés du PSOE/PSC et de Ciudadanos, prendront la responsabilité d'une nouvelle guerre civile en Catalogne.
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