Ce n'est pas parce que le phénomène est ancien qu'il est mieux traité. Trump a promis de faire payer le «prix fort» à l'État islamique, dont l'un de ses «soldats», un ouzbek de 29 ans appelé Sayfullo Saipov, a fauché 8 personnes à Manhattan mardi 31 octobre. En Suède, la récente attaque au camion bélier par un homme de 39 ans, connu des services de renseignement et d'origine ouzbèke, a parfait de sceller les craintes sur un nouveau et solide contingent de terroristes centrasiatiques.
«Le seul qui était vraiment incorporé à un réseau, c'était Abdoul Masharipov», auteur de la tuerie de Reina, commente René Cagnat, ancien attaché militaire à Tachkent, en Ouzbékistan, et spécialiste des questions centre-asiatiques.
Avec la perte de terrain de Daesh en Irak et en Syrie, les combattants centrasiatiques ne seraient plus d'entre 300 et 400. Mais pour ceux qui se nichent dans des organisations clandestines à travers différents pays, notamment la Russie et la Turquie, leur nombre est difficile à évaluer, et «c'est là où le danger réside».
«Pour 90% d'entre eux, ils ont rejoint Daesh au moment de l'immigration économique. Le théâtre de radicalisation s'est fait à Moscou ou à Istanbul ou Ankara, c'est-à-dire dans les villes d'émigration, par le biais des diasporas», que les hommes intégraient seuls, afin de subvenir aux besoins leur famille, restée au pays.
«Une fois en place, du fait de revenus assez bas, ils avaient besoin de réseaux de solidarité pour pouvoir subsister. Des réseaux d'entraide se sont développés et qui ont été progressivement pénétrés par des organisations islamistes pacifiques, mais qui ont déjà mis le place le terreau», passant progressivement de la politisation du combat djihadiste aux prêches violents. C'est dans ces villes que se sont formés des embryons d'organisations «beaucoup plus effectives», complète René Cagnat.
Globalement, ces combattants sont malvenus dans leur pays d'origine… Pourtant, la réponse apportée semble être purement répressive et parfois elle attise les motivations djihadistes. Avec «l'Ouzbékistan, le Kazakhstan, le Turkménistan, le Tadjikistan, je dirai qu'on est dans la répression systématique, sans prévention ou quoi que ce soit», estime David Gaüzere.
«J'aime autant vous dire que dans ces pays, il n'est pas bon d'être djihadiste, ou avoir la réputation de l'être. Cela signifie qu'aussitôt, on est emprisonné, torturé, surveillé, etc. Les mesures de précaution sont draconiennes, c'est le moins qu'on puisse dire», avance René Cagnat, qui réside la moitié de l'année à Bichkek au Kyrgyzstan.
«La Russie est dans le clan Asie Centrale, c'est elle qui les a formés […] Elle est très sévère, mais parfois les réactions sont un peu moins déterminantes que du côté ouzbek […]»
«Si les Ouzbeks, à l'intérieur de leur pays, sont particulièrement efficaces, cela explique toute une diaspora ouzbèke qui s'est créée et qui est extrémiste, en réaction.»
Débordés, sans programme de coopération, s'attaquer en profondeur au problème sur cette zone semble encore un vaste chantier pour les pays de la région: «La Fédération de Russie entend responsabiliser les États de départ. Mais les États de départ rétorquent que le processus se fait soit en Russie, soit en Turquie, donc la balle, pour l'instant, est renvoyée», conclut David Gaüzere.