Rebaptiser le Pont Alexandre III, le bouleau qui cache la taïga

© AFP 2024 Ludovic MarinPont Alexandre III
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Une pétition demandant à débaptiser le pont Alexandre III, «tsar autocrate et antisémite» selon ses auteurs, au profit de Simone Veil, est en passe d’atteindre les 1.500 signatures. Son initiateur, militant des droits de l’homme, souhaite surtout critiquer le pouvoir russe actuel.

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«Autocrate et antisémite», Alexandre III, dit le «dogue», est prié de plier bagage. Le pont majestueux qui porte son nom, reliant les Invalides au Grand Palais dans le très chic VIIIe arrondissement de Paris, devrait être rebaptisé. C'est du moins le projet de Thierry-Paul Valette, à l'origine d'une pétition dans ce sens. Joint par téléphone, le militant explique que cette pétition est surtout «un outil pour dénoncer certaines choses…»

Raccourci touristique ou historique, le pont est censé incarner «l'amitié franco-russe». C'est sur ce symbole même que le collectif se fonde et étend sa lutte contre le pouvoir russe en général, balayant au passage un chapitre important de l'histoire, celui de l'avant Première guerre mondiale et du jeu des alliances. Gérard Gorokhoff, historien, nous rafraîchit la mémoire:

«Sans remonter à la nuit des temps, il faut rappeler qu'après la défaite française face à la Prusse en 1870, pendant plus de vingt ans la France était isolée en Europe et n'avait aucun allié. Il y avait des menaces de guerre de nouveau avec l'Allemagne et avec l'Angleterre. Si bien qu'en 1891, sous le règne d'Alexandre III, cette fameuse alliance franco-russe est mise en place, dans l'enthousiasme.»

Si cette alliance comportait un volet économique, avec l'apport de capitaux français pour aider la Russie à s'industrialiser, elle était avant tout militaire. Elle prévoyait de se défendre mutuellement en cas d'attaque de l'Allemagne, l'Autriche, Hongrie ou encore de l'Italie:

«Quand la Première Guerre a éclaté en 1914, le rôle de l'armée russe a été "indispensable", ce n'est pas moi qui le dis, mais c'était les maréchaux Foch et Joffre. Si la France n'a pas été balayée de la carte de l'Europe en 1914, c'est à la Russie, à l'armée qu'elle le doit. Donc, cela justifiait, je crois, cette appellation», poursuit Gérard Gorokhoff.

Depuis le déboulonnage des statuts de généraux confédérés aux États-Unis, le débat est relancé sur la représentation de personnages historiques controversés. Révisionnisme historique ou simple rectification des erreurs de l'histoire, le débat est loin d'être clos: «Je n'en vois vraiment pas l'intérêt sinon de diviser les gens, ou des acculturer un peu plus», déclare de son côté Gorokhof. Savoir si débaptiser le pont Alexandre III, car il symboliserait un pouvoir autocrate et antisémite n'est pas flouter les faits historiques, Thierry-Paul Valette répond:

«C'est une question de point de vue. À partir du moment où le monument a le nom de quelqu'un, c'est un hommage à cette personne même. Faut être honnête, on aurait pu l'appeler le pont de la paix, de la victoire».

À ce compte, faudra-t-il déboulonner Napoléon qui a légalisé l'esclavage? Si finalement le Tsar Alexandre III: «Ce n'est pas notre histoire, ce n'est pas nous, ce personnage ne nous concerne pas», Napoléon, lui «c'est un personnage français, ce n'est pas la même chose», déclare Thierry-Paul Valette, qui laisse prudemment au CRAN (Conseil Représentatif des Associations Noires de France) le soin de gérer cette autre thématique.

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Depuis la mise ne ligne de sa pétition, le collectif a publié des articles condamnant la politique russe: pauvreté, élections, violences conjugales, droit des LGBT, noyant le message initial («assumer un devoir de mémoire face à la barbarie nazie et les millions de déportés assassinés») qui visait à condamner la politique autoritaire et antisémite du tsar.

«Notre pays se bat pour les droits de l'homme. Quand on a des amis qui ont de mauvais comportements, on les dénonce. Macron a reçu Poutine à Versailles, c'est loin d'être un démocrate absolu». Autrement dit, «débaptiser le pont Alexandre III, c'est pour contrer la politique du président Poutine.»

Quant au choix de Simone Veil pour rebaptiser le pont, ce n'est qu'une «proposition», libre à la Mairie de Paris de décider, une fois la pétition envoyée. Faudra-t-il alors retirer les massifs ornements du pont, comme les fameuses «clés» en bronze, allégories de la Néva et de la Seine, ou encore le pied d'un candélabre, qui porte les armes de l'empire tsariste?

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