Mais qu'est-ce qui attire tellement la Chine en Arctique? Quelles sont les perspectives de coopération russo-chinoise pour l'exploitation de la région?
Voyage au-delà du cercle polaire
En juin, le Comité national pour le développement et la réforme et la Direction nationale de l'océanographie de la Chine ont désigné l'Arctique comme l'un des secteurs du projet «La ceinture et la route». Le Concept de coopération en mer dans le cadre de l'initiative chinoise évoque la nécessité de faire appel aux compagnies chinoises et d'utiliser commercialement les itinéraires de transport arctiques.
L'accroissement de la flotte chinoise de brise-glaces témoigne également de l'intérêt grandissant de la Chine pour l'Arctique.
Jusqu'à récemment, elle était constituée de deux brise-glaces de recherche, dont le plus puissant était le Xuelong, ou Dragon des neiges, qui était en fait un simple brise-glace de transport. La Chine l'avait acheté à l'Ukraine en 1993. Il s'agit d'un ancien navire soviétique Ivan Papanine, que la Chine a modernisé plusieurs fois par la suite. Depuis deux ans, deux autres brise-glaces ont rejoint la flotte arctique chinoise.
Pékin développe ses recherches en Arctique et, à ce titre, une flotte de brise-glaces fiable lui est indispensable.
«La Chine est relativement active dans ce secteur et dispose de quatre stations de recherche en Antarctique, dont deux travaillant toute l'année. Cette activité de recherche est difficile sans un brise-glace arctique», affirme Vassili Kachine.
Plus court et plus sûr
Pourquoi la Chine est-elle attirée par l'Arctique? A première vue, la réponse est évidente: pour les ressources minières. Cette région abrite un cinquième de toutes les ressources naturelles de la Terre. Mais l'intérêt de la Chine pour les ressources arctique est aussi à long terme. Le fait est que pour l'instant, pour ce qui est du forage offshore, la Chine dépend des technologies étrangères — même dans les mers chaudes frontalières. Les technologies d'exploitation des ressources naturelles dans les eaux arctiques sont bien plus complexes et la Chine n'a pas d'expérience en la matière.
«L'itinéraire de transport du projet de Ceinture économique de la Route de la soie traverse le continent eurasiatique exactement au milieu, celui du projet Route maritime du XXIe siècle passe au sud. L'itinéraire maritime du nord est encore absent. La principale valeur d'un itinéraire maritime arctique est que les régions qu'il traverse sont relativement calmes. Jugez vous-mêmes: la Ceinture économique traverse plusieurs pays où les situations sont conflictuelles. La Route maritime du XXIe siècle traverse la mer de Chine méridionale, l'Asie du Sud-Est, l'océan Indien — où les problèmes sont les mêmes. Ce qui n'est pas le cas de la route du nord, qui pourrait donc selon moi constituer une importante stimulation contribuant à l'intégration économique eurasiatique», a expliqué Guo Peiqing à l'agence Sputnik China.
La composante économique des projets de transport arctiques est tout aussi importante. L'expert chinois rappelle que le Passage du nord-ouest et la Route maritime du nord permettent d'économiser aux compagnies chinoises du temps et de l'argent pour relier les pays occidentaux. Compte tenu de la fonte des glaces dans l'océan Arctique, la Route maritime du nord pourrait devenir une alternative au principal itinéraire transcontinental passant par les mers du sud de l'Eurasie pour rejoindre l'Afrique via le canal de Suez. Ainsi, le voyage d'un cargo de Shanghai à Hambourg par la Route maritime du nord serait plus court de 2.800 milles par rapport au trajet empruntant le canal de Suez.
Les projets conjoints
De plus, la Route maritime du nord passe par une zone de réalisation du projet russo-chinois conjoint Yamal LNG qui prévoit la production de gaz naturel et la construction d'une usine pour sa liquéfaction d'une capacité de 16,5 millions de tonnes de GNL et de 1,2 million de tonnes de condensat de gaz livré sur les marchés de la région Asie-Pacifique et d'Europe.
«La coopération avec la Russie est prioritaire pour la Chine. Nous assistons au développement actif du projet conjoint de production de gaz à Yamal, et la coopération sur le projet de voie ferroviaire Belkomour d'Arkhanguelsk par la mer Blanche en république de Komi, puis en Oural, est très prometteuse. Les plus grandes compagnies publiques chinoises ont l'intention d'investir dans ce projet. Il ne fait aucun doute qu'à terme, Arkhanguelsk et Mourmansk deviendront les principaux hubs de transport en Europe, qui relieront la route maritime arctique, le nord de l'Europe et les régions intérieures de la Russie», estime Guo Peiqing.
La Chine devrait recevoir chaque année à Yamal une vingtaine de cargos fournissant 3 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié.
Des ambitions sous contrôle
La Chine cherche à s'affirmer sur les itinéraires maritimes du nord, y compris en réalisant son objectif ambitieux global de réduire l'influence stratégique des USA dans différentes régions du monde. C'est à cela que correspond également l'union des efforts avec la Russie pour l'exploitation conjointe de l'Arctique, qui se transforme en autre point de la «percée stratégique» de la Chine.
«Les glaces arctiques, qui se frottent constamment, créent un fond sonore permanent rendant difficile la détection de sous-marins au sonar. Et l'usage de l'aviation anti-sous-marine est impossible à cause de la glace. C'est pourquoi les sous-marins nucléaires opérant en Arctique ont un sérieux avantage en termes de furtivité», explique l'expert.
Dans le même temps, le passage furtif d'un sous-marin nucléaire chinois dans les eaux arctiques par le détroit de Béring serait difficile si ni la Russie ni les USA ne souhaitaient sa présence dans ces eaux.