«Skinhead», «hooligan», «facho», «néonazi», «extrême droite»… Depuis les années 80, où il s'est fait connaître au Parc des Princes, ces qualificatifs «élogieux» collent à la peau de Serge Ayoub, alias Batskin pour son talent du maniement de la batte de baseball. De fait, crâne rasé, petit et trapu, tout de noir vêtu, il ressemble toujours à l'image que l'on se fait d'un ultra du PSG, même s'il a raccroché depuis longtemps.
Pourtant, plus d'un an après les incidents de Marseille, la question du hooliganisme reste très présente dans le milieu du football. Et au Parc des Princes, le phénomène frappe dès les années 80, avec Serge Ayoub en chef de file du «Pitbull Kop», qui deviendra l'un des principaux groupes du «Kop of Boulogne», la tribune des supporters historiques du stade. Celui qui est notamment connu pour avoir un temps organisé le service d'ordre pour le défilé du 1er mai du FN a sévi au Parc des Princes de 1982 jusqu'en 1993. Venu de Soissons, où il réside, il s'est montré disert et sans remords durant ces quarante minutes d'entretien.
«Je ne suis pas un passionné de football, de toute manière tous les supporters le savaient, je ne m'en suis jamais caché. Moi, ce qui m'intéressait, c'était le collectif, c'était la communauté, c'était le peuple, c'était de faire quelque chose en commun, c'était d'emmerder le Système, ça me plaisait.»
Reste à savoir si être hooligan met vraiment en danger le «Système» et si vraiment il n'y a pas de moyens moins violents de faire passer ses idées, mais en tout état de cause, peu lui importent les vingt-deux acteurs sur la pelouse. Ce qui le passionne, ce sont les supporters qui se battent pour le drapeau. Le stade de la Porte de Saint-Cloud était pour lui, un petit pays, une mini-France:
«Le Parc des Princes, c'est un territoire avec un drapeau qui s'appelle le PSG, qui se bat sur le terrain, et puis un Peuple qui est prêt à le suivre, que sont les supporters. Et ça existe parce que, inconsciemment, le peuple s'aperçoit qu'il perd son idée de nation et il essaie de la retrouver. Le peuple ne se manie pas comme ça, et c'est pour ça que ça me plaisait, c'est pour ça que j'y allais, c'est que dans cette petite mécanique, le hooligan était le grain de sable et j'adorais cette idée d'être le grain de sable dans une mécanique.»
Être un «grain de sable» comporte toutefois des risques. Physiques et juridiques. Serge Ayoub s'est particulièrement distingué lors de l'Euro 84, pour le match France-Angleterre au Parc des Princes. La France l'a remporté avec deux buts de Platini, mais pour lui, le vrai combat se déroulait dans les tribunes:
«Je me souviens d'un Français qui est parti à l'hôpital avec un coup de hache dans le crâne, je m'en souviens d'un autre qui a été ouvert d'un coup de rasoir d'ici à là [du front au menton]. Je me souviens d'Anglais qui sont partis en civière […] je ne vais pas regretter, faut bien que jeunesse se passe.»
Coup de buzz ou message politique? L'ancien leader de Troisième Voie explique pourquoi sa bande et lui se sont rendus à France-Angleterre, ce match si symbolique. Il le dit ouvertement, il déteste les Anglo-Saxons, même si le mouvement skinhead est né en Angleterre: «uniquement pour pouvoir dire aux Anglais qui étaient leaders en la matière, que nous existions et qu'il fallait compter avec nous. Et d'ailleurs, nous n'avons pas chômé et ils ont compté leurs abattis. Vous verrez, si vous regardez les reportages de l'époque que c'est évident. D'ailleurs, ça a permis au Parc des Princes d'être connu dans toute l'Europe entière, ça a été là que ça s'est fait véritablement.»
Serge Ayoub est très clair à ce sujet, il assume sa facilité à s'affirmer, à savoir manipuler les médias dans la caisse de résonnance qu'était le Parc des Princes, dans le but de transmettre son message politique. Et d'ailleurs, il assume et rien de rien il ne regrette rien:
«Se mettre en danger, c'est important. Mettre en danger la société, c'est important. C'est du dialogue, c'est la vie […] On est dans une époque malheureusement où tous les héros font des photocopies parce qu'on est dans un monde de petits bureaucrates.»
Si ne pas aimer «les bureaucrates» est éminemment compréhensible —et l'auteur de ces lignes peut légitimement être considéré comme appartenant à cette caste- relevons tout de même la dramatisation —assumée, encore une fois- de Serge Ayoub:
«Je ne peux pas faire autrement que de risquer ma vie pour m'exprimer.»