L'Iran prépare une réponse nucléaire aux sanctions américaines

© AFP 2024 ATTA KENARETéhéran
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Téhéran menace de quitter l'accord sur son programme nucléaire à cause des nouvelles sanctions décrétées par Washington, qui annulent l'effet de tous les accords conclus antérieurement. Le président iranien Hassan Rohani ajoute que son homologue américain Donald Trump est un «mauvais partenaire».

«Ces derniers mois, le monde a pu constater que les États-Unis, en plus d'avoir constamment rompu leurs promesses concernant l'accord nucléaire, avaient ignoré à plusieurs reprises des accords internationaux et montré à leurs alliés qu'ils n'étaient pas un bon partenaire», a déclaré Hassan Rohani.

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Oleg Morozov, membre de la commission des affaires internationales du Conseil de la Fédération (chambre haute du parlement russe), affirme que la Russie «fait tout pour dissuader l'Iran de commettre un tel acte», tout en soulignant que cette situation «résulte directement de l'incapacité des USA à être le gendarme du monde, le juge et le bourreau à la fois».

Une menace réelle?

L'accord conclu entre Téhéran et les Six médiateurs internationaux le 14 juillet 2015 était historique: il réglait le problème de longue date que représentait la mise en œuvre du programme nucléaire iranien. Le Plan d'action global commun entré en vigueur le 16 janvier 2016 prévoyait la levée des sanctions économiques et financières décrétées contre l'Iran par le Conseil de sécurité des Nations unies, les États-Unis et l'Union européenne.

Cependant, le nouveau président américain Donald Trump, qui a pris ses fonctions en janvier 2017, considère l'accord nucléaire avec l'Iran d'«horrible» et de «pire de l'histoire». Et bien que Washington ait confirmé officiellement que, selon l'administration américaine, l'Iran remplissait les conditions du Plan d'action, les USA ont décrété de nouvelles sanctions contre ce pays «pour son soutien au terrorisme, ses actions en Syrie, le développement de son programme de missiles et les violations systématiques des droits de l'homme».

Le parlement iranien a réagi par l'adoption d'un projet de loi pour allouer 520 millions de dollars au programme de missiles. Et désormais il menace de déchirer l'accord nucléaire.

«Pour le moment ce ne sont que des déclarations, qui n'auront certainement pas de suite réelle, pense Fedor Loukianov, président du Conseil de politique étrangère et de défense russe. Les agissements du Congrès américain, qui a insisté sur les sanctions, ont précisément pour objectif de pousser l'Iran à quitter l'accord et, de cette manière, rejeter sur lui toute la responsabilité de l'échec de l'accord pour pouvoir s'en dégager. Personne, ni Washington ni Téhéran, ne souhaite en l'occurrence être l'initiateur de la rupture d'accords internationaux conclus avec tant de mal. En revanche, les États-Unis pourraient mettre Téhéran au pied du mur et le pousser dans une impasse».

The intercontinental ballistic missile Hwasong-14 is seen during its test launch in this undated photo released by North Korea's Korean Central News Agency (KCNA) in Pyongyang, July, 4 2017. - Sputnik Afrique
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Et d'ajouter: «Si, en restant formellement dans l'accord, les USA poursuivaient une politique de sanctions étouffantes contre l'Iran en trouvant de nouveaux prétextes pour les adopter, il deviendrait tout simplement insensé pour Téhéran de respecter les conditions de l'accord nucléaire car il serait privé de tous les avantages de cet accord tout en ayant les mains liées».

La réaction d'Hassan Rohani est parfaitement adéquate et logique, estime Dmitri Abzalov, président du Centre russe des communications stratégiques. Elle montre surtout l'inefficacité de la politique étrangère américaine qui a conduit à l'aggravation des foyers chroniques de tensions dans le monde tels que la Corée du Nord et l'Iran.

«La situation avec la Corée du Nord est complètement différente du dossier iranien car, contrairement à Pyongyang, Téhéran respecte les conditions de l'accord conclu avec la communauté internationale alors que la Corée du Nord refuse tout accord. Mais si, au final, les deux pays subissent pratiquement la même pression, quel est le sens d'un accord quelconque? Il s'avère que les actions de Washington sapent non seulement les efforts de nombreux pays pour la détente dans le monde, mais qu'ils détruisent également toute l'architecture de sécurité internationale», analyse Dmitri Abzalov.

L'arme nucléaire, garantie d'immunité

Toute la politique menée ces dernières années par l'Occident sous l'égide des USA pousse les dirigeants à une conclusion très simple et vraiment dangereuse: il est préférable de se doter de sa propre arme nucléaire à l'encontre de la communauté internationale que de se soumettre aux exigences de respecter le statut non nucléaire, explique Dmitri Abzalov.

«Les exemples sont très éloquents. Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi et son homologue irakien Saddam Hussein ont tous les deux accepté de négocier avec les organisations internationales, de signer des accords et de laisser les inspecteurs internationaux venir dans leur pays. Tout le monde sait comment cette histoire s'est terminée. Tandis que le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un poursuit la cause de sa dynastie, refuse les accords et provoque obstinément le monde avec ses essais balistiques et nucléaires. Cependant, personne, Donald Trump y compris, n'a encore osé aller plus loin que les simples menaces», note l'analyste.

Faute de motivations suffisamment convaincantes pour renoncer à l'élaboration d'une arme nucléaire et de mesures réellement efficaces susceptibles de stopper les agresseurs potentiels, on constate une prolifération dangereuse de la menace nucléaire. Ce cercle vicieux est d'autant plus inquiétant qu'au fur et à mesure de leur propagation, les technologies nucléaires militaires, selon la loi inflexible du marché, deviendront de plus en plus accessibles et de moins en moins coûteuses.

Test de missile, image d'illustration - Sputnik Afrique
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«Depuis des décennies, au moins deux pays possédant l'arme nucléaire sont en état de guerre permanent entre eux: l'Inde et le Pakistan. Un seul pays au Moyen-Orient — Israël — la possède. Mais si l'Iran se dotait de la bombe atomique, cela ferait apparaître une ligne supplémentaire de confrontation extrêmement dangereuse. Et si, par exemple, un pays arabe se dotait de l'arme nucléaire? Dans ce cas, les menaces actuelles paraîtraient bien anodines par rapport à ce qui se passerait alors», poursuit Dmitri Abzalov.

Mais il existe une perspective bien plus terrible: si le bouton rouge se retrouvait entre les mains d'organisations terroristes, y compris des pseudo-régimes comme Daech ou les Frères musulmans (organisations terroristes interdites en Russie). Alors plus aucun pays, aussi puissant soit-il, ne pourrait se sentir en sécurité.

Les sanctions: scalpel de chirurgien ou un couteau de bandit?

La levée des sanctions contre l'Iran devait servir de motivation pour pousser le pays à renoncer à son programme nucléaire. L'adoption de nouvelles restrictions contre Téhéran annule de facto cette motivation et réduit à néant tous les accords antérieurs. On voit donc qu'un même outil de politique internationale peut jouer un rôle positif ou provoquer une agression en retour.

«On ne peut pas considérer les sanctions comme un outil absolument inutile, déclare Fedor Loukianov. Le fait que l'Iran ait accepté de conclure l'accord nucléaire est, d'une manière ou d'une autre, le résultat de sanctions très sévères qui avaient été adoptées contre ce pays pendant de longues années. La société iranienne était fatiguée et cherchait une issue. Cependant, il y a davantage d'exemples montrant que la politique de sanctions a engendré le résultat inverse — par exemple une guerre. Ce fut le cas en Yougoslavie et en Irak. Quand aucun camp n'a l'intention de céder, en fin de compte, on passe d'ultimatums de plus en plus intransigeants au recours à la force militaire.»

«Tout instrument d'influence extérieure peut tourner en bien ou en mal en fonction de celui qui l'utilise, suppose Dmitri Abzalov. Si un bandit prenait le scalpel d'un chirurgien, cet outil médical sauvant la vie se transformerait en arme, en un simple couteau pour prendre la vie».

C'est précisément ce qui se passe actuellement avec la politique étrangère des USA, selon lui.

«Les congressistes, qui se sont fixés pour objectif de «donner une leçon» à Trump pour le pousser à être plus déterminé, prennent finalement le monde entier en otage des querelles politiques américaines», conclut l'analyste.

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