Mardi 8 août, la cour d'appel d'Aix-en-Provence rendait son verdict dans l'affaire Cédric Herrou. L'agriculteur militant, membre de l'association d'aide et de défense des migrants Roya citoyenne, a été condamné à quatre mois de prison avec sursis pour aide à l'immigration clandestine. Cette décision de justice intervient dans un climat de plus en plus hostile à l'encontre des ONG et des associations qui viennent en aide aux migrants. Celles-ci sont régulièrement accusées de créer un appel d'air. Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur, a également apporté sa pierre à l'édifice. En effet, dans un courrier adressé le 28 juillet à Éric Ciotti, président du conseil départemental des Alpes-Maritimes, rendu public ce vendredi, le ministre de l'Intérieur accuse les associations de la vallée de la Roya d'«occuper l'espace médiatique» mais il dénonce aussi un détournement de la procédure d'asile par celles-ci. Ces associations participent-elles réellement à l'appel d'air ou suppléent-elles les carences de l'État? Nous avons posé la question à Cédric Herrou.
Pour l'agriculteur militant, affirmer que les ONG et les associations créent un appel d'air est absurde.
«L'État nous accuse de créer un appel d'air, ce qu'il faut comprendre c'est que l'appel d'air, c'est la démocratie que représente la France, ce sont les droits de l'homme. Alors quelle est la solution? Cracher sur la démocratie? Cracher sur les droits de l'homme pour ne plus attirer les gens?»
Et d'ajouter:
«C'est une problématique mondiale, du moins entre l'Afrique et l'Europe. On ne peut pas incriminer les ONG en expliquant que les bateaux qui sont en Méditerranée et qui sauvent les gens en déperdition sont responsables de l'arrivée de migrants. Que nous, citoyens lambda, qui réagissons face à un problème d'une vallée, sommes responsables. À un moment donné, la responsabilité c'est l'État qui l'a, le pouvoir c'est l'État qui l'a.»
«Cette décision est complètement schizophrène dans le sens où, bien au contraire, nous demandons qu'il y ait un contrôle de la frontière […]. Notre procédé, depuis début 2017, est d'inscrire les gens, de contacter la police la plus proche, de dire que ces gens sont entrés sur le territoire français et qu'ils veulent se déclarer en tant que demandeurs d'asile.»
Selon Cédric Herrou, ce verdict est symptomatique du problème de la gestion du flux migratoire et de la dérive populiste de la parole gouvernementale. En effet, «il y a une volonté de l'État de laisser passer les gens clandestinement sans qu'il y ait de contrôle du flux migratoire. L'État est conscient qu'il ne peut pas arrêter ce flux et cherche donc à le rendre invisible». Le militant de l'association Roya citoyenne serait-il la victime expiatoire des carences du gouvernement? Il en est convaincu.
«Ce qui dérange le gouvernement français c'est le fait que je rende visible le flux migratoire. Nous ne sommes pas là pour demander à toute l'Afrique de venir en Europe, ni en France. Nous voulons simplement que cela soit géré, ce n'est pas à la vallée de la Roya d'assumer les conséquences du manque de gestion du flux migratoire de l'État français.»
Malgré cette condamnation, Cédric Herrou ne compte pas arrêter son combat.
«Je ne vais, ni à Calais, ni à Paris, pour faire des luttes pro-migrants. Je reste dans ma vallée, je lutte pour ma vallée afin de rester digne dans cette vallée. En sachant qu'il y a des gens en déperdition, des gens en souffrance, il faut qu'ils soient accueillis comme dans un pays qui représente les droits de l'homme, un pays démocratique et sain.»
Cependant, «si je vais en prison cela risque de me ralentir un peu. Je pense que cela prouve que c'est important de le faire, non pas pour la cause des migrants mais pour la cause des Français car notre démocratie est mise en péril. L'État instrumentalise la justice à des fins politico-médiatique», conclut-il.