Qui sera le prochain adversaire de Damas après la victoire sur Daech?

© AFP 2024 Amer AlmohibanyDamas
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Les forces gouvernementales syriennes poursuivent leur offensive contre les positions de l’État islamique (ou Daech, organisation terroriste interdite en Russie). Le 6 août, elles ont libéré l'oasis de Sukhnah, ce qui leur permet aujourd'hui d'avancer vers Deir ez-Zor où une garnison syrienne est assiégée depuis plusieurs années.

Des unités syriennes avancent également en direction de cette ville depuis le nord, le long de l'Euphrate. Cette situation rappelle celle de 1944, quand les unités de l'ennemi pouvaient encore opposer résistance mais n'étaient plus en mesure de changer la situation sur le plan stratégique. Le déblocage de Deir ez-Zor et la victoire militaire sur Daech ne sont plus qu'une question de temps.

Après la guerre, le dialogue

Cependant, quand Daech sera vaincu, les autorités syriennes devront encore régler deux autres problèmes avant de pouvoir affirmer qu'elles contrôlent totalement le pays: les Kurdes et l'opposition. Et s'il est difficile de faire des prévisions avec les Kurdes (trop d'inconnues, trop d'acteurs influents impliqués), la situation est plus claire du côté de l'opposition.

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Initialement, Damas pensait que le problème de l'opposition — qui a perdu tout espoir de victoire — pourrait être réglé diplomatiquement en négociant et en impliquant ces structures dans la vie sociale et politique de la Syrie en tant que «perdants d'honneur».

C'était précisément l'objet des pourparlers à Astana et c'est là qu'ont été convenues les quatre zones de désescalade: au sud-ouest; dans les environs de Damas (Ghouta orientale); dans la poche de Rastane entre Homs et Hama; et dans la province d'Idleb. L'objectif des zones de désescalade consistait à instaurer le cessez-le-feu pour que les combattants «modérés» ne détournent pas l'attention d'Assad de l'offensive contre les islamistes, ainsi qu'à entamer un processus de paix normal. Les deux premières zones fonctionnent déjà, la troisième a été mise en place il y a quelques jours.

Mais la quatrième zone pose problème. En effet, une véritable guerre civile a éclaté entre les combattants sur les vastes étendues d'Idleb — la plus grande et la plus complexe des zones. Il était initialement prévu que les plans du dialogue soient mis en œuvre par le groupe Ahrar al-Cham partiellement contrôlé par la Turquie, mais il a été défait par le Front al-Nosra (actuellement Hayat al-Cham) qui a repris la ville d'Idleb, plusieurs autres localités de la province, ainsi que les postes de contrôle à la frontière turque. Le chef de l'organisation terroriste Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, a déjà appelé les djihadistes à s'unir. «Évitez la guerre entre les moudjahidines car cela ne mène qu'à l'échec, à la dégradation inévitable et à la perte de forces dans ce monde, ainsi qu'au châtiment dans l'au-delà», a déclaré le terroriste. Toutefois, Nosra (faisant formellement partie d'Al-Qaïda) a rejeté cet appel, et plus personne ne le condamnera puisqu'il a gagné.

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Les succès de Nosra s'expliquent par une planification intelligente, un professionnalisme militaire et la communication. «Le groupe est dirigé par des combattants professionnels, c'est pourquoi ils ont occupé au départ tous les points importants dans la province bien plus rapidement et intelligemment qu'Ahrar. Ils ont initialement établi le contrôle des bases militaires, des gisements pétroliers et du réseau de postes de contrôle où il était pratique de gérer toute la logistique depuis la province», explique Anton Mardassov, spécialiste du Moyen-Orient, membre du Conseil russe pour les affaires internationales.

De plus, les négociations de paix entre une partie de l'opposition et Assad ont partiellement joué en faveur de Nosra car contrairement aux «collaborateurs», les combattants de Nosra, d'après Anton Mardassov, «ont créé une image de véritables défenseurs des sunnites qui ne négocient avec personne». Cette position a été acceptée par certains groupes djihadistes qui ne sont pas prêts au compromis avec Assad. Aujourd'hui, l'attractivité de Nosra victorieuse a déjà grimpé et elle absorbe activement les groupuscules dans la province (même ceux qui sont idéologiquement éloignés d'Al-Qaïda, dont fait partie Nosra, ainsi que ceux qui ont combattu contre lui). En fait, le groupe terroriste s'est renforcé à tel point qu'il a lancé une offensive contre les positions des forces gouvernementales à Hama. Et aussi étrange que cela puisse paraître, c'est bénéfique pour les autorités syriennes.

Que faire d'autre

Certes, du point de vue tactique, Damas n'a pas besoin de cette offensive car elle détourne les forces syriennes des opérations en cours à l'est. Mais, comme on l'a déjà dit, les autorités syriennes réfléchissent au règlement du problème d'Idleb. Damas rejette le plan de dialogue politique avec les djihadistes et voudrait régler le problème d'Idleb de la même manière que le problème d'Alep: par une opération militaire. Et pour la justifier, indique l'arabiste Leonid Issaev du Haut collège d'économie, «il est préférable pour Damas que le groupe terroriste Nosra domine à Idleb, plutôt que les clients turcs pseudo-fréquentables d'Ahrar».

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C'est pourquoi les autorités syriennes — partiellement — et le Hezbollah ont même aidé Nosra en envoyant des renforts. En particulier, des unités de ce groupe situées dans les enclaves du territoire syrien (par exemple, près de la frontière libanaise) ainsi que sur le territoire du Liban sont envoyées à Idleb. De cette manière, des milliers de combattants du Hezbollah sont arrivés à Idleb depuis le Liban, selon Al Jazeera. Et maintenant que le Front al-Nosra, renforcé, a pris le contrôle d'Idleb, il sera bien plus facile pour Damas et Téhéran (qui n'est pas non plus emballé par l'idée de négocier avec l'ennemi) de persuader Moscou de la nécessité de lancer une opération militaire.

En rétablissant le contrôle à Raqqa et à Deir ez-Zor, Bachar al-Assad renforcera considérablement ses positions. Premièrement, il reprendra les domaines agricoles de Raqqa et les gisements pétroliers de Deir ez-Zor. Deuxièmement, il aura accès à la frontière irakienne par laquelle, au moment opportun, pourront être envoyés en renforts les «volontaires irakiens» contrôlés par Téhéran. Troisièmement, il pourra concentrer toutes les troupes à disposition sur Idleb. Mais il est évidement qu'Idleb ne pourra pas être prise rapidement sans l'aviation russe.

Les intérêts turcs

Ankara ne se réjouit pas de voir ses clients en Syrie remplacés par des combattants sauvages — après tout, la réputation de la Turquie est en jeu. «Les Turcs sont responsables de ce territoire, aussi bien pour le cessez-le-feu que la lutte contre le terrorisme. Or, après la prise d'Idleb par Nosra, la capacité des Turcs à tenir leurs engagements a été mise en doute. Les Turcs ne veulent pas que les Russes ou les Iraniens remplissent leurs engagements, c'est pourquoi ils doivent rapidement rétablir l'ordre à Idleb par leurs propres moyens. Ils pourront alors peut-être renforcer leurs positions avant le début du processus de paix réel pour déterminer l'avenir de la Syrie», analyse Leonid Issaev.

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Comment les Turcs peuvent-ils y parvenir? Il est possible de renforcer ou de réarmer le groupe Ahrar, défait, voire d'envoyer des forces spéciales turques. C'est difficile car les combattants proturcs sont démoralisés et Nosra ne leur fait pas de cadeaux. Il est aussi possible d'organiser une invasion d'envergure de l'armée turque, mais c'est encore plus compliqué: on ignore comment la Russie et l'Iran réagiraient à une telle intervention et s'ils ne la considéreraient pas comme une violation de l'accord conclu par les alliés avec la Turquie — partie perdante dans le conflit syrien — lui permettant d'en sortir sans perdre la face et de rejoindre les vainqueurs dans le cadre du triumvirat.

Dernière option: organiser l'invasion d'Idleb par un groupe d'opposition qui se trouve actuellement sur le territoire contrôlé par la Turquie au nord de la Syrie. «On pourrait envisager l'union de la zone du «Bouclier de l'Euphrate» avec la zone d'Idleb via le territoire actuellement contrôlé par les Kurdes. C'est pourquoi les Turcs ont besoin d'un couloir via l'est d'Afrin, et en même temps d'introduire leurs unités à Idleb», déclare Anton Mardassov. Mais pour ce faire, il faut attaquer les Kurdes qui sont des alliés des USA — et on sait qu'à ce titre, les Américains interdisent aux Turcs de les toucher. «Le problème étant qu'une offensive, même contre les colonies arabes mais formellement contrôlées par les Kurdes, serait perçue comme une opération contre tout le canton. Dans ce cas les Kurdes alliés aux Américains pourraient stopper les opérations à Raqqa et à Deir ez-Zor, mettant ainsi en échec les plans des USA», conclut l'expert.

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