Où en est-on aujourd'hui?
Les producteurs russes sont plutôt optimistes sur ce sujet, caractérisant ces trois dernières années de «très productives».
«Grâce à l'introduction de l'embargo et au développement dynamique des programmes de substitution des importations, les fabricants russes ont réussi à augmenter la production de produits nationaux», affirme le directeur exécutif de l'Association des producteurs et des fournisseurs de produits alimentaires en Russie, Dmitri Vostrikov.
Selon lui, la quantité des produits russes dans les magasins représente à ce jour environ 77% du total, tandis que pour certains produits, comme par exemple, le pain, le lait, la viande ou les œufs, elle atteint un taux 100%. Il rappelle par ailleurs qu'avant l'introduction de contre-sanctions, les produits étrangers représentaient 40% du total.
«Si l'on parle de la sécurité alimentaire et de l'approvisionnement du marché russe en produits locaux, la Russie a plus gagné que perdu», a renchéri l'analyste de Rosbank, Evgeniy Koshelev.
Qui plus est, l'embargo a incité de nombreux fabricants locaux à se lancer dans la production d'analogues russes de produits disparus des étalages. Trois ans plus tard, cette initiative va bon train et des «camemberts», des «bries» et des «mozzarellas» made in Russia conquièrent progressivement le marché local.
Avec un peu d'amertume…
De son côté, la directrice du centre de pronostics économiques Gazprombank, Daria Snytko, pointe du doigt un autre problème: la dévaluation du rouble par rapport aux devises mondiales a entraîné la réduction de l'importation de certaines marchandises et a freiné la substitution des importations dans certains secteurs. L'experte ajoute, en outre, que certains produits exportés auparavant par l'Union européenne proviennent désormais d'autres pays.
L'embargo dope-t-il toujours la production locale?
Pour M.Vostrikov, certains secteurs ont besoin de quelques années de plus pour arriver à couvrir totalement la substitution des importations.
«C'est pour cela qu'il est encore trop tôt pour parler d'un épuisement du régime des contre-sanctions», constate-t-il.
Néanmoins, d'autres pensent que l'embargo mis en place par le gouvernement russe comme une mesure protectionniste pour les producteurs nationaux a stimulé par ce biais les petites entreprises agricoles en Russie.
Ainsi, grâce aux sanctions, les investissements gouvernementaux pour le secteur de l'agriculture ont considérablement augmenté tandis que les investissements dans les entreprises liées à l'agriculture en serre sont devenus populaires au sein des principaux hommes d'affaires russes
Secteurs fragilisés.
Toutefois, même si cette perspective de la levée des sanctions pourrait inquiéter les agriculteurs, ils sont plutôt optimistes pour leur avenir au vu des résultats déjà obtenus.
Ainsi, selon le ministère russe de l'Agriculture, le rendement des tomates et des concombres cultivés dans les serres russes en juillet 2017 a augmenté de 19,8% par rapport aux chiffres de juillet 2016. Pour la substitution de la volaille ce taux s'élève à 95,2%, pour le porc, elle est de 92,1%. Mais c'est le sel qui bat tous les records, étant passé de 38% à 65% en quelques années seulement.
Et alors après l'embargo?
D'après Dmitri Vostrikov, les producteurs se rendent bien compte que tôt ou tard, le marché russe sera de nouveau ouvert aux produits étrangers. C'est pourquoi la suppression du régime des contre-sanctions n'aura pas d'influence négative sur le développement de l'agriculture nationale.
Ainsi, en vigueur depuis le 7 août 2014, l'embargo interdit l'importation en Russie des produits d'agriculture, des matières premières et des denrées alimentaires depuis les pays qui ont introduit des sanctions contre Moscou sur fond de crise ukrainienne. L'embargo russe a initialement visé les produits importés des États-Unis, d'Australie, de Norvège et du Canada. Le 13 août 2015, les autorités russes ont ajouté à cette liste noire l'Albanie, le Monténégro, l'Islande et le Liechtenstein, et enfin l'Ukraine le 1er janvier 2016.
Initialement adoptées pour une période d'un an, les restrictions ont été prolongées à plusieurs reprises — jusqu'au 5 août 2016, puis jusqu'à la fin de 2017. Cette fois, les sanctions ont été prolongées d'un an alors qu'il restait encore six mois jusqu'à leur expiration.