Mardi soir, le texte instaurant de nouvelles sanctions contre la Russie a été adopté par 419 voix contre trois à la chambre basse du Parlement américain. Cette loi, qui doit être encore ratifiée par le Sénat et promulguée par le Président, a fait l'effet d'une bombe auprès des chancelleries européennes. Si l'établissement de sanctions contre la Russie ne date pas de cette année, les intérêts économiques d'un certain nombre de pays membres de l'Union européenne sont cette fois-ci directement visés, en particulier, les entreprises européennes de l'énergie associées à la construction du gazoduc Nord Stream 2.
Rappelons-le, l'Union européenne est la première puissance économique mondiale, mais elle reste une naine politique. En cela, il sera extrêmement compliqué de surmonter l'obstacle de l'unanimité, condition sine qua non à toute grande décision au sein de l'UE. Renaud Bouchard, juriste et économiste à l'EHESS, ne croit ainsi absolument pas à la mise en place de mesures de blocage et aux mesures de rétorsion. Il cite ainsi une mesure inscrite dans le rapport des deux députés français Karine Berger et Pierre Lellouche à ce sujet:
«La seule chose qui pourrait entrer en considération, ça serait […] de répondre aux États-Unis avec leurs armes en faisant en sorte qu'ils ne soient pas les seuls à mordre, faire en sorte que l'Union européenne qui est une superpuissance économique, devrait aussi utiliser le système d'extraterritorialité.»
L'Europe restera-t-elle alors impuissante? Renaud Bouchard n'est pas catégorique sur ce point. Face à la Pologne, adversaire affichée du Nord Stream 2, principal enjeu de ce projet de loi américain, l'économiste explique que
«L'Allemagne actuellement a de très gros intérêts, avec justement le gazoduc Nord Stream 2, et je ne pense pas en réalité que les Allemands puissent se laisser faire ainsi. En fait, ils peuvent involontairement rendre service à l'Europe en protégeant leurs propres intérêts. Et en protégeant par exemple toutes les sociétés européennes qui sont directement impliquées dans la mise en place de ce gazoduc.»
Le Droit semble être devenu le nouveau levier de puissance pour la politique étrangère américaine. Après le «regime change», la culture, place maintenant au Droit américain. Renaud Bouchard conclut ainsi que
«C'est la loi du plus fort tout simplement.»
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